Un week-end sur l’histoire de la lignée Kagyü

Au cœur de l’Institut et de l’été périgourdin, les trois jours du stage sur l’histoire de la lignée kagyü ont été pour tous l’occasion d’un voyage dans l’espace et le temps. L’occasion également, pour les 40 ans de Dhagpo, de se remémorer la bonté de nos maîtres et de ressentir une immense gratitude pour tous ceux qui nous ont permis, et nous permettent encore, aujourd’hui en France, de recevoir la quintessence d’une technologie spirituelle de pointe, efficace depuis des siècles.

Marpa Lotsawa Chokyi Lodro

Marpa Lotsawa Chokyi Lodro (cliquer pour voir en entier)

Enrichis par des années de recherches sur Marpa, nous souhaitions particulièrement partager notre connaissance sur les débuts de la lignée kagyü, à l’interface entre l’Inde et le Tibet, avec un public mixte composé d’étudiants rompus à l’étude et de nouveaux venus souhaitant découvrir les sources du bouddhisme tibétain d’obédience kagyü. Il a donc fallu tracer une voie, entre sources traditionnelles et approche critique, entre histoire et gourou yoga, permettant à chacun de repartir avec une connaissance plus précise de la lignée kagyü et de sa branche karma kagyü – dont Dhagpo est l’un des représentants les plus illustres en Europe. Étant donné l’importance de la période à couvrir et la complexité de l’enseignement tantrique véhiculé par le bouddhisme tibétain, nous avons été surpris de l’enthousiasme et de la persévérance de tous. Deux heures et quart chaque matin, et une heure l’après-midi étaient consacrées à la présentation de données historiques ou conceptuelles permettant de comprendre la lignée kagyü. Chaque jour, les participants étaient invités à réfléchir en petits groupes sur le contenu de l’enseignement afin de définir ce qui leur paraissait important ou obscur, et de l’expliciter ou de le clarifier. Chaque session commençait par la courte prière à Dorjé Chang afin que chacun puisse se placer sous la bénédiction du maître qui, comme nous le rappelait lama Jampa Thayé il y a quelques jours, est la condition essentielle de la pratique du vajrayana.

L’objectif du premier jour était de définir certains termes essentiels, de l’hagiographie à l’historiographie, de la lignée à l’ordre, de la transmission à la tradition, et de situer notre approche, aspirant à l’équilibre entre histoire et tradition. Il s’agissait également d’expliciter les sources indiennes de la lignée kagyü et de comprendre ce que Marpa était allé chercher dans le sous-continent, ainsi que les difficultés qu’il y avait rencontrées.

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Jetsün Milarépa (cliquer pour voir en entier)

Le deuxième jour, nous sommes entrés plus franchement dans les détails historiques, en décrivant la vie des maîtres indiens de Marpa, et en détaillant ce dont était fait une transmission et ce qui distinguait la tradition kagyü des autres lignées qui s’étaient répandues au Tibet au XIsiècle. Il nous semblait également indispensable de revenir brièvement sur l’Empire tibétain des VIIIe et IXsiècles, pendant lesquels le bouddhisme a pour la première fois pénétré au Tibet. Lors de la seconde vague de diffusion du bouddhisme, à partir de la seconde moitié du Xsiècle, de nombreux traducteurs sont partis en Inde et ont rapporté tout ce que ce pays comptait de traditions bouddhiques. C’est alors que ce sont élaborés les huit chariots d’accomplissement (les lignées nyingma, kadam, sakya, marpa kagyü, shangpa kagyü, zhijé, jordruk et nyendrup) et que Marpa, Milarepa, Gampopa et leurs nombreux contemporains ont répandu au Tibet la parole multiforme du Bouddha. Pendant plusieurs décennies, des traditions érémitiques ou cénobitiques se sont implantées aux quatre coins du Tibet, puis se sont canalisées au fur et à mesure que se redéveloppait un réseau de pouvoir moins centralisé qu’à l’époque de l’Empire, mais qui a défini le pays pendant près de dix siècles.

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Gampopa (cliquer pour voir en entier)

 

Le troisième jour, nous avons exploré les branches de la lignée kagyü qui se sont développées avec les disciples de Gampopa – les « quatre primaires » – et les disciples de l’un d’eux, Pagmo Drupa – les « huit secondaires ». L’après-midi, enfin, nous avons brossé à grands traits le portrait de l’ordre karma kagyü et tenté de décrire les faits saillants d’une histoire millénaire. Le stage s’est conclu par la parole de Rangjung Rigpé Dorjé, Sa Sainteté le XVIe Karmapa, venue récompenser un auditoire motivé, mais quelque peu fatigué par ces trois jours intenses.

Cœur du mahamudra

Manifestation et son
S’élèvent des subtiles empreintes mentales créées par les pensées ;
Comme un dessin dans l’eau disparaît de lui-même
Les fausses apparences automatiquement s’évanouissent
Quand est compris leur manque de réalité.
Au-delà de la réalité essentielle, il n’est rien,
Ceci est la vue du mahamudra.

Quand la porte de l’esprit par laquelle se manifestent les apparences
Demeure inobstruée, non faussée, par les concepts,
Alors il n’est plus de réalité solide – clarté vive –
Et on laisse tout ce qui apparaît juste advenir naturellement.
Une telle pratique est la méditation du mahamudra.

Les apparences illusoires naissent de la croyance en une réalité ;
En s’appuyant sur une constante compréhension de leur non-réalité
L’on demeure détendu dans la nature originelle spontanée ;
L’espace où rien n’est à accomplir est alors pénétré sans effort.
Ceci est la mise en pratique du mahamudra.

Ces trois points sont le trésor de mon cœur.
Puisque les yogis qui vont au cœur de toute chose
Sont comme mon propre cœur,
Pour eux j’ai prononcé ces mots du cœur,
Qui ne sauraient être communiqués aux autres.