Rappelons-nous la vocation principale de l’Institut : le partage des connaissances, notamment à travers les échanges, les conférences et les tables rondes. C’était en effet l’un des cinq souhaits émis par le XVIe Karmapa afin que l’enseignement du Bouddha puisse s’implanter durablement en Europe.
Ce dimanche 16 août, c’est un dialogue interreligieux qui s’est tenu dans la grande salle d’enseignement de l’Institut.Il réunissait deux moines qui se connaissent depuis plusieurs années : lama Jigmé Rinpoché, directeur spirituel de Dhagpo depuis quarante ans, et Mgr Le Gall, archevêque de Toulouse. Il ne s’agissait pas vraiment d’une « rencontre » interreligieuse mais plutôt de retrouvailles puisqu’ils ont déjà collaboré lors de l’écriture de l’ouvrage Le Moine et le Lama (2001). Bien qu’ils ne se soient pas vus depuis une dizaine d’années, les deux hommes ont donc l’habitude de discuter ensemble de leurs traditions respectives. Lama Jigmé Rinpoché confiait d’ailleurs récemment le plaisir qu’il avait à s’entretenir « de la nature de Dieu ou de la vie après la mort » avec Mgr Le Gall (1).
Au lendemain de l’Assomption, fête catholique célébrant la montée au ciel de Marie sans qu’elle ait connu la corruption physique qui suit la mort, le thème de la rencontre était tout trouvé : la libération – bien que le terme sonne plus bouddhiste que chrétien. Le jour J, lama Puntso dirige l’échange ; à travers ses questions portant sur les divers aspects du sujet, il invite lama Jigmé Rinpoché et Mgr Le Gall à exprimer la vue des deux traditions. Si certains points se font parfois écho, l’idée n’est évidemment pas d’essayer de faire correspondre catholicisme et bouddhisme, ni de « convaincre » son interlocuteur. L’objectif est de s’ouvrir, de créer une harmonie, de mieux se connaître l’un l’autre.
Après leur avoir demandé de poser le cadre dans lequel on peut parler de libération dans chacune des traditions, lama Puntso entraîne les deux participants sur les thèmes de la liberté, la compassion ou miséricorde, la souffrance, la voie spirituelle à suivre, l’engagement, la relation aux Bouddhas ou à Dieu, la prière, l’influence spirituelle qui pourrait faire écho à la grâce divine, ou encore la foi. Les débats sont menés avec beaucoup d’esprit de part et d’autre, et fréquemment ponctués par les rires complices de l’assistance. Des similitudes se dégagent évidemment dans les deux discours – lorsqu’il est question de l’altruisme ou du désir de ne plus souffrir, par exemple. On découvre, parfois avec surprise, que certains mots sont de « faux amis » d’une tradition à une autre ; ainsi, si la bénédiction fait référence à l’influence spirituelle dans le bouddhisme, Mgr Le Gall parlera plus volontiers d’éthique à son évocation (cf. « dire du bien » est en effet le sens premier du mot « bénédiction » en français). Pour finir, le fruit de chacune des voies est abordé : il s’agit d’une vie divine, en plénitude, pour un catholique, et de l’au-delà de la souffrance, état dans lequel le potentiel de sagesse est parfaitement actualisé, pour un bouddhiste. « Rien de moins que le plein ! » précise Mgr Le Gall ; « pour nous, ce sera : rien de plus que la vacuité ! » remarque lama Puntso avec humour.
Lors de cette journée de rencontre et de partage, Mgr Le Gall a mis en application l’un des conseils du Bouddha ; celui qui nous encourage à « honorer en autrui la croyance que l’on ne partage pas ». En fin de matinée, il a en effet pris part à « Sauver des vies », pratique devenue presque habituelle en cette année des 40 ans de Dhagpo. Les stars du rituel étaient cette fois cinq brebis rebaptisées pour l’occasion Kimberly, Adelaïde, Raymonde, Marguerite et Antoinette – soit K.A.R.M.A., petit clin d’œil à celui, bénéfique, que nous accumulons grâce à elles. Sauvées de l’abattoir, elles vont couler des jours paisibles dans le refuge « l’Arche de Noé », une association installée à Sourzac qui prend soin de plus de 150 animaux. Comme à chaque fois, de nombreuses personnes se sont réunies autour de cette pratique réjouissante qui nous invite à développer plus de conscience et de bienveillance à l’égard de tous les êtres sensibles.
Le pari de cette journée est réussi : cette nouvelle rencontre entre bouddhisme et catholicisme a permis, selon les mots de lama Jigmé Rinpoché, de dissiper un peu la confusion et d’œuvrer pour la paix. Le public est ravi de cette « promenade spirituelle ». Quant à ses deux acteurs principaux, ils souhaitent rester en lien et aspirent à continuer ce processus d’échange dès que l’occasion se présentera. Comme l’a souligné Mgr Le Gall, vraisemblablement convaincu par le slogan des 40 ans de Dhagpo, il paraît évident que « nos rencontres dessinent l’avenir » !
(1) Cf. NIEL Fr., « Le Périgord mystérieux et sacré », revue Pèlerin n° 6818, août 2013, p. 34.
Pour parrainer un animal recueilli par « l’Arche de Noé », vous pouvez télécharger le bulletin ici.
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