Extrait du Tendrel 49 – 50, Avril 1999
La pratique du Dharma comporte diverses possibilités. La façon dont elles évoluent selon la situation du pratiquant et ce qu’il est possible de faire au sein même de ces situations dépendent de la capacité de chaque individu. Cela dépend des enseignements auxquels chacun peut se référer, comme le mahayana ou le hinayana. En ce moment particulier de notre vie, la pratique des enseignements du mahayana est possible. C’est extrêmement précieux et extrêmement rare. Concernés par notre évolution et conscients de notre responsabilité, nous en sommes arrivés au point où nous pouvons intégrer la valeur et la rareté des enseignements du mahayana dans nos vies. Grâce à eux, nous avons la possibilité de faire l’expérience du non-retour dans le samsara et celle de la félicité ultime qui en elle-même est connaissance, et dans laquelle il n’y a pas de place pour le doute.
Caractère précieux de l’enseignement
Empêtrés dans les errements de notre esprit, nous allons parfois jusqu’à penser que le Dharma sera toujours à notre disposition, que nous le pratiquions ou non. C’est une grave erreur. Le plus petit moment, c’est-à-dire la moindre occasion qui s’offre à nous de pratiquer le Dharma, doit être saisi. Si nous ne prenons pas cette décision responsable et si nous ne témoignons pas un respect sincère pour les enseignements du mahayana et du vajrayana, il y a de grands risques pour que nous soyons causes de souffrance, tant pour nous-mêmes que pour les amis spirituels auxquels nous sommes liés. Un manque d’attention en ce qui concerne les responsabilités du sentier du mahayana constitue un manquement aux principes du samaya ; aussi, de quelque façon que ce soit, on doit s’en tenir aux enseignements avec la plus grande sincérité.
Si vous considérez les enseignements comme négligeables par votre attitude, cela se manifestera comme tel dans la réalité, pour votre plus grand préjudice. En fait, l’essence des enseignements est complètement occultée par votre état d’esprit, de sorte que vous ne pouvez pas faire de spéculations pertinentes à leur sujet. D’autre part, la validité des enseignements a été reconnue pour leur efficacité à travers le temps depuis l’époque du Bouddha jusqu’à nos jours. C’est un fait sur lequel on peut s’appuyer. Vous devez réaliser le caractère sacré des enseignements au point de prendre conscience qu’il n’y a rien, actuellement, de plus important que la pratique du Dharma, dans cette vie et les vies à venir.
Dans les situations habituelles de la vie mondaine, nous savons que l’homme d’affaires, avant de réaliser un projet, le planifie, calcule son coût (peut-être un million de dollars) et en examine chaque détail avec le plus grand soin. Dans ce monde des affaires, l’attention apportée à ce genre de projet est d’une importance capitale et, pour mener à bien sa réalisation, une énergie énorme est dépensée. Si on est capable de consentir un tel effort pour un résultat de nature aussi précaire, pourquoi ne pas en dépenser au moins autant pour un but dont le bénéfice est non seulement temporaire mais également ultime. Que vous receviez une initiation ou des explications, si vous êtes capable d’avoir ou de développer ce sens de l’importance du Dharma, alors il y a matière pour votre relation aux enseignements du mahayana, et il y aura aussi accomplissement. S’il y a engagement authentique envers l’enseignement, vous serez à même de développer une foi et une confiance directes et significatives envers les enseignements, et une compassion sincère envers tous les êtres. Une vraie compréhension de l’action du karma – loi universelle de cause à effet – se fera jour.
Activités éveillées
Les souhaits et les actions du bodhisattva sont puissants car, dès qu’il entreprend son voyage sur le sentier de la bodhi, son aspiration est tournée vers le bienfait et la libération de tous les êtres vivants avec une intention parfaitement pure et une forte détermination. Par la résolution sincère qui est au cœur même de cette aspiration, toutes les actions positives nécessaires au bienfait et à la libération des êtres sont accomplies avec puissance, inlassablement. Parce que le bodhisattva s’est engagé sur ce profond sentier par la vertu d’une motivation altruiste, à mesure qu’il en franchit les étapes successives, sa faculté de secourir un nombre toujours croissant d’êtres vivants se révèle à lui peu à peu. C’est ainsi qu’il commence à fouler le sentier. Lorsqu’il travaille au bien de tous les êtres avec une motivation et une action adéquates, l’accomplissement est total. Cet accomplissement est approprié car aucun sentiment égoïste n’y est mêlé, que ce soit le désir, le doute, l’espoir, l’attachement ou l’aversion concernant pertes ou profits. Le bodhisattva est complètement pur et sans tache ; il déploie sans compter une activité incessante et pleine d’amour pour le bienfait de tous les êtres. Il n’a pas un seul moment de doute ou d’hésitation puisque ces obstacles ont été transcendés. Les manières d’un bodhisattva sont douces, car il a renoncé à toutes les actions négatives et à toute indulgence à son égard. Par sa vie consacrée à la bodhichitta, il a complètement éliminé les tendances malsaines et, par son renoncement, il a également détruit les causes de situations ultérieures douloureuses. Ce travail est accompli uniquement dans un but altruiste, non seulement par des actes aux conséquences directes, mais aussi en posant les fondations de bienfaits futurs. Lorsque les bodhisattvas entreprennent cette tâche, ils ont la capacité d’accomplir pour les êtres un bienfait incommensurable, par la manifestation de leur indéfectible générosité dépourvue de tout espoir et de toute crainte, comme le fait Chenrézi, le grand bodhisattva de la compassion infinie, ou comme Vajrapani, le bodhisattva au pouvoir illimité.
Chacun, dans cette grande assemblée de bodhisattvas, manifeste la même puissance et la même mansuétude envers les êtres innombrables, de telle sorte que tout semble leur obéir. Parfois, ils font pousser de merveilleux lotus et des arbres fleuris au sein de l’océan ou bien, d’une larme, ils créent une mer immense. Tout, dans la nature, répond à leur appel. Le feu peut apparaître comme de l’eau et l’eau comme du feu. Tout cela est causé par la force de l’attitude éveillée, de la motivation et de l’action justes. Cela signifie pour nous qu’il ne doit plus y avoir d’autre centre d’intérêt que la pratique de la compassion, que nous devons en être conscients et l’accomplir à chaque instant.
Condition de l’éveil
Par exemple, si on s’entraîne à méditer sur la vacuité, shunyata, on ne doit jamais oublier de s’en remettre aux objets de refuge et de générer une compassion véritable envers tous les êtres. La véritable nature de la vacuité est compassion. Si on n’a pas expérimenté pleinement la compassion, proclamer avoir réalisé la vacuité, shunyata, n’a aucun sens. En ce moment particulier, vous avez la chance d’écouter les enseignements à différents niveaux, et il est fondamental de pratiquer ce qui est enseigné sous peine de nullité. J’insiste aujourd’hui sur quelque chose que vous avez dû entendre souvent. Cependant, il est encore nécessaire d’intégrer complètement, avec diligence et respect, la nature précieuse de ce que nous avons compris et reçu. Il est indispensable de travailler à l’accomplissement des enseignements et à la complète réalisation de leur sens profond. Et dans ce but, le facteur le plus important, une fois encore, est la pratique de la bodhichitta, l’esprit d’éveil. Vous allez peu à peu parcourir le sentier du vajrayana ; à chaque tournant, la bodhichitta est indispensable. Tant que les techniques profondes du vajrayana ne s’appuient pas sur l’esprit d’éveil, on n’obtient pas vraiment de réalisation significative. Ainsi vous voyez bien que tout, pour le moment, prend racine au cœur de l’esprit d’éveil et qu’il faut rechercher absolument tout ce qui peut accroître et soutenir la pratique de la bodhichitta pour créer les situations favorables à son développement. Par exemple, un moyen de faire naître l’esprit d’éveil est de prendre les vœux de pratimoksha. Dans cette tradition, il y a sept types d’engagements ou degrés de pratique, basés sur l’autodiscipline.
C’est ce qu’on appelle les préceptes ou les vœux. La prise de refuge étant le préalable fondamental à la pratique de l’éthique, ce n’est qu’après qu’il est possible de prendre les vœux qui nous conviennent. Par ce moyen, on fortifie sa pratique de la bodhichitta et on devient capable de suivre le chemin du Bouddha d’une façon beaucoup plus simple, sincère et saine. On ne doit pas négliger l’importance des vœux et de l’autodiscipline. Les structures des trois poisons que sont l’aversion, l’attachement et l’ignorance sont fortement enracinées. Si on veut déraciner ces tendances et appliquer l’antidote approprié à ces poisons, les pratiques en lien avec la discipline qui sont décrites dans les vœux de pratimoksha, se révèlent des instruments nécessaires.
Ensuite, il y a les principes du mahayana dont nous avons parlé plus haut (le développement de l’attitude éveillée qui s’intéresse au bienfait et à la libération de tous les êtres) et selon lesquels nous devons vivre. Au point de vue matériel, ce pays est très riche et la vie y est plus active que partout ailleurs. Les gens se laissent distraire par toutes sortes de séductions mondaines et submerger par des préoccupations matérielles écrasantes. L’agitation de la vie active augmente. Une occupation en amène une autre et cela ne s’arrête jamais. On est constamment occupé. La vraie nature de l’existence cyclique est très bien représentée par ce genre de vie. Pour remédier à ce genre de situation, il est nécessaire, tout d’abord, de calmer l’esprit. Ne soyez pas complètement absorbés par les perturbations extérieures. Cultivez un certain état de stabilité.