"Le bouddhisme est un mode de vie par lequel nous développons les qualités de notre esprit.
C’est un mode de vie très particulier, car c’est une façon d’atteindre le bonheur
sans nuire à autrui."

LE XVIIe GYALWA KARMAPA, TRINLEY THAYÉ DORJÉ

Revue "Tendrel"

Retrouvez sur cette page des enseignements parus dans la revue "Tendrel" éditée par Dhagpo Kagyu Ling jusqu'en 2002.

Le chemin vers l'éthique

Lama Jigméla
Stage ados avril 1999

Au fil des numéros de Tendrel, nous avons fait part des diverses activités avec les adolescents : stages, week-ends, rencontres … Cette année, deux stages ont eu lieu à Dhagpo Kagyu Ling. Des week-ends de suivi, de réflexion sur des thèmes spécifiques (l’écoute, la communication, les émotions) ont été organisés avec des jeunes ayant participé au moins à un stage. Le dernier stage en date a porté sur « l’éthique et les cinq vœux ». Lama Jigméla est venu tous les jours rencontrer les jeunes, et nous vous livrons un extrait de ses interventions ainsi que des passages du week-ends de mai consacré aux émotions.

 

LE CHEMIN VERS L'ETHIQUE

Adolescente : Si j'ai bien compris, pour être stable il faut être ouvert, mais quand on s'ouvre souvent au début, on se sent bien, puis très vite on se sent mal à l'aise, de fortes émotions s'élèvent. On passe donc par des hauts et des bas quand on crée cette ouverture en soi. Ce n'est peut-être qu'une saisie de l'esprit, mais toutefois cela se produit. Par être ouvert, j'entends se préoccuper des autres et pas seulement de soi. Pour être stable, il faut être clair. Pour être clair, il faut être attentif à ses actes et ses paroles, et aussi s'entraîner à la méditation.

Lama Jigméla : D'accord, et lorsque vous êtes rentrés chez vous après le stage sur les six paramitas, au mois d'octobre, que s'est-il passé pour vous ?

Adolescent : J'ai essayé de développer la générosité, j'ai tenté d'être attentif aux autres et d'être plus patient.

lama Jigméla : Quand on ne regarde pas les émotions, on ne les voit pas et pourtant elles sont actives. Sans que nous en ayons conscience, les émotions créent en nous de la confusion. Quand on se met à voir ce qui se passe à l'intérieur, on a l'impression qu'il y a plus d'émotions parce qu'on les regarde. Ce n'est pas toujours facile d 'y faire face, mais peu à peu, on y arrive de mieux en mieux. Qu'est ce qui crée de l'émotion ?

Adolescente : d’être centré sur soi. On est supposé s'occuper des autres et regarder en soi. En faisant cela, on voit ses émotions, et alors on s'occupe plus de soi que des autres.

lama Jigméla : Non seulement il faut s'occuper de soi, et c'est indispensable de le faire, mais il faut aussi s'occuper des autres. Et s'il y a un entraînement quelque part, c'est d'être présent aux deux. la grande erreur, c'est de croire qu'il faut se nier soi-même, s'oublier pour n'être présent qu'aux autres. Et là, il y a quelque chose qui n'est pas juste parce que nous sommes également importants dans cette histoire.

Adolescent : la peur aussi alimente l'émotion.

lama Jigméla : Quand on voit la peur, si l'on en cherche la cause, on va se rendre compte que c'est la pointe de l'iceberg, et qu'en dessous il y a la véritable cause de la peur. La peur n'étant que l'effet, il faut trouver ce qui la provoque. Il faut se demander quelle émotion crée la peur.
Souvent, on a peur, on est insatisfait, on n'est pas content, on ne se sent pas bien. Si l'on en reste là, on demeure dans quelque chose de superficiel. C'est pourquoi, il faut trouver l'émotion qui est cachée derrière le fait de ne pas aller bien. Ce peut être la saisie, l'attachement, car nous sommes tous là-dedans et c'est donc normal. Nous sommes attachés aux choses, et il faut en être conscients.
Parfois, on a peur de communiquer, de parler. Rencontrer nos peurs nous permet de voir que communiquer est pour nous une difficulté. On n'arrive pas à dire, à verbaliser et notamment des choses vraies. Cela est dû à la peur. On se dit qu'on n'est pas capable de dire ce qu'il faut, on se sent nul.

L'orgueil

En fait, on croit que c'est de la peur, de la timidité, mais c'est de l'orgueil. Cet orgueil nous rend faible. On a peur de perdre la face, de se tromper, de faire des erreurs, et donc on préfère ne rien dire. On croit que c'est par timidité, mais c'est parce qu'on a peur d'être imparfait. Il faut donc ne pas avoir peur de rencontrer notre orgueil, voir qu'il s'agit de cette émotion; voir qu'on a peur de perdre la face et de faire des erreurs. Et à ce moment-là, cela étant vu, on pourra exprimer ses idées. On a beaucoup d'idées, on a envie d'échanger, et l'on se dit que c'est nécessaire de partager avec les autres. On va pouvoir transformer ses peurs et dépasser son orgueil. Prenant conscience de la timidité, de la peur et de l'orgueil, nous verrons combien il est important de partager. Conscients de notre richesse et de celle des autres, nous nous sentons vivants. Une fois que nous avons vu qu'il n'y a pas de crainte à avoir, de danger que l'ego perde la face, nous pouvons continuer d'avancer.
Quand on dit qu'il est important de s'ouvrir aux autres, de communiquer, il ne s'agit pas de s'oublier, ni de se nier, en se disant qu'on est un bon pratiquant. Il faut voir l'orgueil, et voir que nous avons en nous des ressources dans lesquelles nous pouvons puiser pour aller à la rencontre des autres. L'entraînement, la pratique, consiste à aller voir l'orgueil qui nous fait croire que nous sommes timides, et à trouver en nous les ressources qui nous permettent de nous ouvrir. Alors, on s'occupe des autres et de soi en même temps.

La jalousie

L'attitude juste vient de l'état d'esprit. Celui-ci doit être fondé sur les deux bienfaits, le mien et celui des autres. A partir de là, beaucoup de ressources sont disponibles en nous. La jalousie est un autre élément important; c’est comme un terroriste qui détourne un avion. La jalousie crée du "détournement de compréhension". C'est une émotion qui dénature notre vision. Il ne s'agit pas alors seulement du sentiment que l'autre a quelque chose que l'on n'a pas et que l'on voudrait avoir. C'est aussi une émotion qui teinte notre façon de réagir. Nous ne sommes pas satisfaits de ce que nous avons, de ce que nous faisons, nous détournons la réalité à cause de notre manque de compréhension. C'est dans de telles situations que la jalousie prend place. Une fois qu'elle imprègne notre esprit, tout est faussé. Nous comprenons mal les choses, nous ne les voyons pas telles qu'elles sont, et nos réactions sont injustes. Il faut être attentif à ne pas se laisser prendre par les attitudes que génère la jalousie.
Evidemment, on ne voit pas tout d'un seul coup. Mais, dans la vie quotidienne, on peut s'exercer. Par exemple, s'entraîner à ne pas se laisser détourner par la jalousie. Au fur et à mesure, il s'agit d'être de plus en plus précis, de plus en plus profond, et on se rend compte alors que tout cela fonctionne.

L'éthique

Quand on parle des six paramitas, de l'éthique, on ne dit à aucun moment "il faut", "il ne faut pas", "on doit", "on ne peut pas". L'éthique, c'est essayer de comprendre ce qui est nécessaire pour être juste. Il y a une réflexion par laquelle il faut passer, pour savoir exactement ce dont on a besoin pour soi et pour les autres. Cela va s'acquérir peu à peu, et notre action en devient alors l'expression. On va être l'expression de cette attitude intérieure.
A aucun moment, on n'a dit, par exemple, qu'il ne fallait pas mentir parce que c'est mal. L'approche consisterait plutôt à voir dans notre quotidien l'effet des mensonges. Pourquoi est-ce que je mens ? Pourquoi est-ce que je me trompe moi-même ? Pourquoi est-ce que je trompe les autres ? En réfléchissant aux effets, on va se rendre compte qu'ils sont de deux types. Si je commence à mentir, il va falloir que je continue, que je m'enferme dans quelque chose.
Puis, il y a l'effet sur les autres: une parole peut avoir des conséquences sur plusieurs personnes, il va y avoir une réaction en chaîne, positive ou négative. Il est important d'y réfléchir, car il y a un côté séducteur dans le mensonge, dans la mesure où cela facilite la situation, dans un premier temps. Par exemple, on peut sortir plus facilement dans une soirée parce qu'on n'a pas dit aux parents où l'on va. Mais, dans un deuxième temps, les choses sont plus compliquées. La situation est plus difficile. Si l'on ne réfléchit pas sur le long terme, on peut croire que le mensonge ne cause pas de difficultés. En réfléchissant par soi-même, on se rend compte de l'attitude juste à avoir sans être piégé par son ignorance ou par une solution (celle de l'habitude ou de la croyance qu'on a : si je mens, tout ira mieux). Si on réfléchit, on va se rendre compte qu'il y a de nombreuses solutions possibles.
On parle des émotions, des v ceux, de soi et des autres. Cela fait beaucoup de mots. Ces mots, on les retient, puis on va y réfléchir. Ensuite, on va essayer de combiner cela avec sa vie quotidienne, que ce soit au lycée, au collège, avec les amis ou la famille. Puis, peu à peu, cela va nous permettre de découvrir comment réagir. Les conseils entendus à Dhagpo vont devenir comme une référence, une idée qui va nous inspirer des solutions. Et les solutions sont nombreuses. A chaque situation il peut y avoir des possibilités différentes; c'est pour cela qu'il faut développer un esprit positif et créatif. Positif, car l'esprit est tourné vers soi et les autres, créatif, car il est rempli de solutions. Aussi, il est nécessaire de faire fonctionner la réflexion. Quand on se demande comment réagir au mieux pour soi et pour les autres, beaucoup de solutions se présentent.
Par exemple, lorsqu'on a un conflit avec son frère, sa sœur, ses parents ou des amis, il faut tout de suite se demander ce qui est bon pour les deux. Comment résoudre la difficulté de sorte que les deux s'y retrouvent ? C'est alors moins confus, il y a moins d'émotions. Si on réagit uniquement pour soi, on essaie de se protéger. La peur surgit, et on agit de façon erronée. Cela augmente les émotions, la souffrance, les conflits. On obtiendra alors le résultat inverse de celui souhaité.

Par exemple, votre mère peut dire des choses erronées. Plutôt que de réagir par la colère, nous essayerons dl comprendre pourquoi elle a tort.
c'est le cas, il faudra alors lui expliquer pourquoi. Même si on n'explique rien, on peut se demander comment l'aider. II s'agit de voir les deux: soi et l'autre. En changeant d'attitude d'esprit, on n'est plus dans le conflit, mais dans la recherche de solutions et de clarté. D'abord, dites-vous : "reste calme" ; ensuite, demandez-vous comment faire évoluer la situation, comment aider les deux parties. Alors, on est plus ouvert, plus disponible. On trouve en soi les réponses et on a l'attitude juste. Cela demande un effort dans un premier temps, mais on verra très vite que cela fonctionne et on aura envie de continuer. II faut accepter que nous et les autres soyons imparfaits. Nous faisons des erreurs, et, sachant cela, nous pouvons nous détendre. Si l'on part du principe que rien n'est possible, on reste coincé dès le départ. Si, au contraire, on se dit que tout est possible, alors il est évident qu'il y a un potentiel et des possibilités à portée de main. L'idée est de rester qui l'on est tout en se laissant inspirer par les exemples autour de soi. Alors, il n 'y a plus de place pour la jalousie. Souvent, on veut être différent de ce que l'on est. Si on s'inspire des autres, on fait siennes leurs qualités en les digérant. Ainsi, copier les autres pour s'inspirer prend un sens. Comprendre comment les choses se passent nous pacifie. L'important, c'est d'atténuer la souffrance et l'insatisfaction.

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