"Le bouddhisme est un mode de vie par lequel nous développons les qualités de notre esprit.
C’est un mode de vie très particulier, car c’est une façon d’atteindre le bonheur
sans nuire à autrui."
LE XVIIe GYALWA KARMAPA, TRINLEY THAYÉ DORJÉ
"Le bouddhisme est un mode de vie par lequel nous développons les qualités de notre esprit.
C’est un mode de vie très particulier, car c’est une façon d’atteindre le bonheur
sans nuire à autrui."
LE XVIIe GYALWA KARMAPA, TRINLEY THAYÉ DORJÉ
Retrouvez sur cette page des enseignements parus dans la revue "Tendrel" éditée par Dhagpo Kagyu Ling jusqu'en 2002.
Shamar Rinpoché
Au cours de la semaine européenne qui eut lieu à DKL en août 92, Shamar Rinpoché donna un enseignement sur la notion de Lignée. Rinpoché donna ensuite des explications concernant la reconnaissance du XVII ème Gyalwa Karmapa, dont nous livrons ici la retranscription fidèle.
Nombre de Namtar - les vies des principaux personnages qui constituent la lignée Kagyupa ont été traduits dans les langages occidentaux, d'une manière extrêmement claire, et si l'on veut en avoir le détail, il faut se reporter à ces ouvrages. Je voudrais tout de même dire quelques mots, d'une manière très générale, sur ce qu'est la lignée.
Cette lignée, ce lignage, cette transmission directe, à quoi correspond-elle et à quoi sert-elle ? Elle permet en fait de préserverune action continue et suivie du Gyalwa Karmapa, de favoriser une transmission sans aucune altération des enseignements et des moyens qui constituent l'activité divine du Karmapa au travers des âges. La lignée représente donc la garantie de cette pureté et de cette intégrité d'action, et ce sans aucune interruption. Lorsque l'on parle de lignée
de transmission, on peut concevoir cela de deux façons. L'une correspond à ce qu'on appelle la lig'née avec un "L" majuscule, qui est la transmission au travers de lamas réalisés. L'autre lignée de transmission revient à dire par exemple : " J'en repu du Karmapa les enseignements, Je vous les transmets, vous-mêmes pouvez les transmettre à vos élèves ou à votre enfant, etc." Cela aussi constitue une lignée de transmission directe mais n'entre pas dans ce que l'on appelle la lignée en général, la Lignée Karma Kagyu par exemple. Il y a ainsi de nombreuses branches annexes de la transmission, qui peuvent se multiplier presque jusqu'à l'infini; par contre, quand je parle de lignée pure, c'est autre chose. Qu'est-ce qui caractérise les voies de transmission pures par rapport à d'autres qui ne le seraient pas ? Puisqu'on éprouve le besoin de dire "une voie de transmission pure", c'est donc qu'il y en a qui pourraient ne pas l'être.
Il y a la transmission que l'on qualifie de réalisée et la transmission appelée littérale. Cette dernière est extrêmement importante; elle consiste à recevoir un enseignement, par exemple le texte-racine du madhyamika écrit par Nagarjuna, à le comprendre et à le retransmettre exactement tel qu'il a été donné. A partir du moment où j'introduis dans cette transmission ma propre interprétation, à partir du moment où je transforme le texte, où j'en
change des mots, des chapitres, etc., la transmission ne peut plus être dite pure. Cette transmission littérale, comme son nom l'indique, doit se faire au mot et à la lettre près; elle doit véhiculer de maître à élève une connaissance sans altération ni dans le fond ni dans la forme.
Une autre transmission concerne, par exemple, les vœux de bodhisattva. Si je transmets les vœux de bodhisattva, il faut d'abord que je les ai reçus, puis il faut que je les garde parfaitement purs. Si je pratique réellement ces vœux, je peux alors vous les transmettre. Et vous-mêmes, à condition toutefois de garder purs ces vœux de bodhisattva, il vous est possible de les transmettre. L'important dans cette transmission est la pureté des vœux de celui qui effectue la transmission, ce n'est pas le niveau du bodhisattva, à savoir si c'est un grand bodhisattva ou un bodhisattva ordinaire qui vous les transmet.
Il existe enfin une transmission propre au vajrayana, qui a lieu au cours des initiations.
Il s'agit de quelque chose de beaucoup plus profond que tout ce dont. on vient de parler, parce que cela n'implique pas seulement des formes extérieures ou une simple décision intérieure, mais une véritable réalisation. Lorsque l'on confère une initiation, on confère un pouvoir de maturation : l'initiation doit non seulement être reçue mais doit en même temps contenir la possibilité de porter à maturité les potentialités de l'esprit de celui qui la reçoit. C'est par exemple l'initiation du vase correspondant à la purification du corps.
Dans une initiation, la partie formelle est constituée par le rituelet les explications concernant les visualisations, les pratiques, etc., qui vont avec l'initiation. Mais cela ne représente qu'une toute petite part de ce que sont véritablement le devoir et le pouvoir de celui qui transmet l'initiation. Celui-ci doit avoir lui-même reçu l'initiation et accompli les obligations rituelles qui vont avec; de plus la qualité de l'initiation qui est reçue par les disciples dépend directement de la réalisation de celui qui la transmet : une initiation n'est pas seulement une transmission intellectuelle, c'est une transmission de réalisation effective, Ainsi donc, pour être à même de porter à maturité l'esprit d'autrui, il faut avoir soi-même atteint par la méditation un degré de maturité supérieur. Lorsque l'on transmet une initiation à un ensemble de disciples, chacun d'eux a non seulement une personnalité différente mais une qualité d'esprit différente, et chacun rencontre au cours de sa progression des problèmes différents; et si l'initiateur n'a pas lui-même un haut degré de réalisation, il n'est pas en mesure de guider le disciple correctement et de mener à bien son rôle de "maturateur". Les transmissions initiatiques propres au vajrayana sont particulièrement profondes et délicates; c'est pour cela qu'on les considère comme véritablement spéciales : elles engagent directement la personnalité et la, réalisation de celui qui effectue la transmission. II ne s'agit plus d'une chose qui pourrait presque se transmettre toute seule en quelque sorte, comme des connaissances, voire comme des vœux, mais cela dépend directement de la réalisation de celui qui transmet.
Lorsque l'on envisage la complexité des instructions à transmettre, et surtout la diversité des personnes, on s'aperçoit qu'il est nécessaire d'avoir une référence absolue. Lorsque l'on considère ce qui est à la base de toutes les pratiques de méditation - les deux phases appelées chiné et lhaktong - il est extrêmement délicat d'établir ce qui appartient a. chiné (le calme mental) et ce qui appartient à lhaktong (la vision pénétrante), et de connaître les différentes phases d'acquisition progressive du calme mental pour ensuite faire le lien entre ce calme mental et la vision pénétrante. Tout cela est un chemin qui, bien qu'étant parfaitement clair, peut être truffé d'erreurs, justement parce que ceux qui le pratiquent sont extrêmement différents et que les conditions de vie dans lesquelles ils se trouvent sont très diverses. Lorsque l'on donne un enseignement ou une initiation à un ensemble de personnes, il est sûr que certaines aborderont ce qui est dit avec une compréhension relativement claire, que d'autres s'en écarteront un peu, et d'autres complètement, voire même auront une compréhension totalement erronée. Par contre, ceux qui sont chargés de faire progresser ces gens doivent avoir une vision très claire de ce qui est à faire et pouvoir corriger toutes les erreurs qui ne manqueront pas de se produire. C'est la raison pour laquelle on a besoin de pouvoir se référer à une autorité; il faut bien que quelque part quelqu'un puisse dire ; "La progression doit se faire de telle et telle façons, et telle et telle personnes sont réellement qualifiées pour effectuer cet enseignement, le transmettre, etc." Il est absolument nécessaire d'avoir quelqu'un, ou un ensemble de personnes, qui maintienne d'une manière immuable le cœur même de la tradition et en détienne toutes les clefs, de manière à pouvoir éviter toute mauvaise interprétation. Ceux qui font référence sont ceux que l'on appelle les "détenteurs de la Lignée". En ce qui concerne les Kagyupas, c'est le Karmapa; et c'est à partir du Kannapa que sont déterminés ceux qui sont qualifiés pour transmettre les enseignements et aider ceux qui les reçoivent. Et il ne s'agit pas là d'une question de titre ni de savoir si untel est un grand ou un petit tuikou. La condition essentielle est que la compétence du lama, qui n'a pas besoin d'être un tulhou, ait été reconnue par le détenteur de la Lignée, en ce qui nous concerne par le Karmapa. Et il est nécessaire pour occuper cette position de référence absolue qui est celle du Karmapa d'avoir atteint l'Eveil.
Pour parler d'une manière abordons les deux aspects que générale de cette Lignée de transmission, sont les soutras et les tantras.
Au Tibet, la transmission des tantras s'est faite essentiellement au travers de Marpa le Traducteur. Il y a de nombreuses transmissions de tantras, mais au Tibet elles ont été plus ou moins coupées et n'existent plus. Il n'en reste que quelques-unes, et c'est la même chose dans toutes les lignées, que ce soit les Guélougpas, les Sakyapas ou les Kagyupas. Dans la lignée Karma Kamtsang, on a porté une attention particulière, de manière à les préserver, à Hévajra, Korlo Demtchok et Vajra Yogini.
Dans ces transmissions venant essentiellement de Marpa, il y a tout à la fois une transmission textuelle, littérale (la théorie) et une transmission des instructions essentielles (la pratique), mais il est extrêmement difficile de préserver parfaitement pures et ininterrompues de telles transmissions, étant donné l'étendue des éléments à transmettre. La plupart des transmissions des tantras se sont trouvées peu à peu anémiées et interrompues, mais il faut savoir qu'à partir d'une transmission complète il est possible de retrouver d'autres transmissions ; il suffit qu'il y ait une transmission vraiment complète pour pouvoir ensuite réactiver les connaissances qui viennent des autres branches, des autres taotras qui n'auraient pas été complètement transmis. Le plus important est le tantra de l'union indissoluble, qui est le tantra non duel de la réalité absolue, classe de tantra à laquelle appartient en particulier le Hévajra Tantra. Ce tantra traite du kyérim et du dzogrim. Le Hévajra Tantra a été complètement transmis et c'est à partir de lui que l'on peut réactiver ce qui est nécessaire pour la pratique des autres. Les tantras comportent une phase de développement (kyérim) et une phase d'achèvement (dzogrim). Cette dernière se subdivise en ce que l'on appelle la pratique avec caractéristiques et la pratique sans caractéristiques. Lorsque l'on pratique les tantras, tout un aspect considère une relation formelle avec la réalité exprimée au travers de la méditation, que l'on appelle le dzogrim avec caractéristiques, et cette phase utilise des formes qui ne sont pas anodines, chacune d'elles ayant un sens. Un symbolisme correspond à ces formes et il y a une manière de les relier à une réalité effective. Tout cela est particulièrement exprimé dans le "Zabmo Nangdeun" du troisième Karmapa. L'aspect pratique (non théorique) se trouve de nos jours dans les Six Yogas de Naropa,
Un autre aspect des tantras permet de faire le lien entre la réalité telle qu'elle est exprimée dans les tantras et la réalité telle qu'elle est exprimée dans les soûtras. C'est ce que l'on appelle l'aspect de parachèvement de la méditation sans caractéristiques, c'est-à-dire la reconnaissance de la nature de l'esprit : on considère la réalité non plus au travers de ses caractéristiques formelles ou conceptuelles, mais en dehors de toute forme et de toute caractéristique. Tout cela est directement lié à l'enseignement de Maitripa; c'est la voie de chiné, lhaktong, mahamoudra. Ces enseignements qui relient soûtras et tantras ont été basés pour l'aspect théorique sur le madhyamika tel qu'il a été développé par Nagarjuna; ils sont aussi basés sur ce qu'As angha a codifié dans un texte appelé le "GyuLama". De tout cela, il faut retenir que les tantras traitent essentiellement deux aspects complémentaires, l'un formel et l'autre informel, dont l'union permet la réalisation. Il y a d'abord une transmission
qui est celle des connaissances : une transmission intellectuelle. Il y a enuite une transmission des instructions particulières, des instructions de réalisation. Il y a également une transmission propre à la tradition du mahamoudra initiée par Naropa avec les Six Yogas, qui consiste en un ensemble d'instructions permettant de réaliser cette voie. Ces transmissions sont communes à toutes les initiations ; il y a, accompagnant ou baignant chaque initiation, des instructions formelles, puis des instructions libératoires, et éventuellement des instructions libératoires spéciales semblables aux Six Yogas.
Il y a aussi une transmission concernant la réalisation des bodhisattvas : celle des vœux de bodhisattva.
Il y a également une transmission qui doit être parfaitement pure, qui est une transmission de libération personnelle : c'est celle des vœux monastiques.
Il y a enfin une transmission propre aux soûtras, essentiellement orale et intellectuelle, qui comprend cinq sections - madhyaxnika, logique, abhidharma, perfection de sagesse, vinaya - et permet une étude complète de cette voie des soûtras. Mais les lignées Kagyu, Sakya et Nyingma connaissent une grande détérioration dans ces domaines. En ce qui concerne la transmission Kagyupa, chaque instructeur est parfois exclusivement spécialisé dans un domaine particulier. Par exemple le septième Karmapa était spécialisé dans le domaine de la logique, et le huitième Karmapa Mikyeu Dordjé a donné des points de vue tout à fait particuliers sur le madhyamika.
En ce qui concerne la Lignée Kagyupa, il existe plusieurs écoles "branches" :
- une transmission dite Nyingtik de Rangjoung Dordjé, le troisième Karmapa;
- Tcheu;
- le Réchoung Nyengyu, "lignée d'écoute de Réchoungpa", lignée d'enseignements traduits par Réchoungpa, qu'il a repus lors de ses visites en Inde - et non ceux qu'il a reçus de Milarépa; ces enseignements ont été repris par Maser Chokyi Lodreu, disciple du septième Karmapa, qui appartenait au monastère de Surmang;
- le Namtcheu, "Enseignement du ciel", transmis par Chagmé Rinpoché, disciple du sixième Shamarpa, au sujet d'Amitabha et de Powa.
Dans l'école Nyingmapa, les fermas sont des textes rapportés d'Inde, traduits par Padmasambhava et cachés. C'est ce que veut dire termas : les trésors cachés par Gourou Rinpoché, qui seront découverts au moment où l'on en aura vraiment besoin. Chacun de ces termas comporte une sorte d'introduction dans laquelle il est expliqué comment utiliser le ferma et le nom du terteun, de celui qui le trouvera et le transmettra. En premier vient une allusion au Karmapa lui-même, étant donné le lien direct entre Gourou Rinpoché et le Karmapa.
Pour une raison ou pour une autre, certaines personnes ont éprouvé le besoin de fabriquer des termas, c'est-à-dire de les contrefaire, et il y eut à un moment un vaste mélange entre les vrais fermas et d'autres qui l'étaient moins. Au siècle dernier, le premier Jamgœun Kongtrui Rinpoché, Lodreu Thayé, a réuni tout cela et fait le tri entre les fermas authentiques et ceux qui étaient plus ou moins inspirés par autre chose. Il a réuni les fermas authentiques dans un corpus qu'on appelle le Rinchen. Terdzeu le "Grand trésor des enseignements précieux", qui est devenu la base, pour les Nyingmapas et pour les Kagyupas, de la pratique des différents rituels qui sont contenus dans les termas.
En ce qui concerne la Lignée Namtcheu à laquelle appartient le rituel d'Anutabha, c'est un tuikou mort à l'âge de treize ans qui a eu une révélation directe; il s'appelait Mingyour Dordjé. Il y a deux Mingyour Dordj.é : l'un est un terteun un découvreur de termas, et l'autre est Tulkou Mingyour Dordjé qui est mort très jeune.
Une question m'est posée à propos de Taranatha et de sa lignée Champa Kagyu, mais ce n'est pas une lignée Kagyupa. La lignée de Taranatha n'était pas à l'origine une lignée appartenant à une branche de la lignée Kagyupa. Cette lignée a été retrouvée par Jamgœun Kongtrul et c'est la lignée à laquelle appartient en particulier Kalou Rinpoché. Le fait d'avoir retrouvé cette lignée est à l'origine de l'école Champa Kagyu, mais on ne peut pas dire qu'elle est ou n'est pas directement rattachée à la lignée Kagyupa; elle l'est en ce sens que c'est un lama Kagyupa qui a retrouvé cette lignée, mais officiellement rien n'a été fait et je ne vais pas le faire maintenant ! La lignée Champa Kagyu n'a jamais été directement reliée à la lignée
Kagyupa issue de Marpa; par contre la lignée dite Namtcheu, avec la pratique d'Amitabha, était directement reliée à la lignée originelle Karma Kagyu. La lignée des termas est techniquement Nyingmapa, mais également directement liée à la lignée Taranatha kagyupa puisque Gourou Rinpoché a en quelque sorte désigné le Karmapa pour la découverte de ses différents fermas, ce qui est un lien direct permettant de dire que la lignée des termas est aussi une part intégrante de la lignée Kagyupa.
La lignée Kagyupa transmet à la fois les enseignements des tantras et les enseignements des soufras. En ce qui concerne les tantras, il y a deux corps d'enseignements. L'enseignement tantrique proprement dit et la pratique du mahamoudra avec les Six Doctrines de Naropa sont traditionnellement enseignés dans les centres de retraite, La philosophie et les enseignements directement liés aux soûtras sont enseignés dans les shédras ou universités. Et il y a toutes
les transmissions et l'enseignement concernant ce qu'on appelle les vœux de discipline extérieure ou vœux monastiques, qui ont lieu au sein même des monastères.
La mise en application des traditions tantriques implique donc trois aspects : un aspect rituel, un aspect de pratique et un aspect d'étude. L'aspect de pratique des tantras comporte deux voies : l'une est l'initiation et l'autre est la pratique elle-même. Normalement, initiation et mise en application dans la pratique doivent se faire dans les centres de retraite. Cependant une concession est faite à l'époque et il est devenu coutume de donner des initiations publiques, qui sont bien entendu différentes de celles qui sont transmises durant les retraites.
On a parlé des transmissions et des différentes façons dont elles peuvent ensuite être répandues vers un plus grand nombre. Cependant, lorsqu'on multiplie le nombre des personnes qui interviennent, on court le danger de perdre la stabilité et la fiabilité de la transmission. C'est la raison pour laquelle chez les Kagyupas on. insiste sur la relation directe avec celui qui est le garant de la pureté de la transmission : le Karmapa lui-même. La transmission se fait normalement depuis un enseignant qui la reçoit directement du Karmapa, un autre enseignant recevant lui aussi une transmission directement du Karmapa, etc. Il est important que cette relation directe au Karmapa puisse avoir lieu.
Bien entendu, la transmission se fait ensuite vers le plus grand nombre. La qualité et la pureté de cette transmission dépendent de la qualité et de la pureté des enseignants qui retransmettent après avoir reçu directement la transmission du Karmapa. Si j'ai cinq disciples, le premier par exemple sera un excellent disciple et pendant quelque temps je serai assuré que la transmission qui se fera au travers de ce qui deviendra sa lignée sera une transmission correcte et pure. Si j'ai un deuxième disciple un peu moins qualifié, la transmission qui s'opérera à travers lui, et donc la lignée qui sera issue de lui sera moins pure. Et si j'ai un disciple qui n'est vraiment pas doué, la transmission risquera de franchement se dégrader. La qualité des transmissions que l'on pourrait appelées annexes dépend directement dé la qualité de ceux qui sont à leur origine.
La transmission la plus difficile à préserver est celle du mahamoudra. Les Six Doctrines de Naropa par exemple sont relativement faciles à garder pures parce qu'elles s'appuient sur des exercices formels extérieurs. Par contre, le mahamoudra dans sa version pure et sans altération est à peu près entièrement au-delà du conceptuel et ne peut être appréhendé par l'intellect. C'est pourquoi il est extrêmement difficile de maintenir cette lignée parfaitement pure, étant donné qu'elle doit absolument avoir été réalisée pour pouvoir être transmise. En fait, pour préserver et transmettre un tel enseignement, il est indispensable d'avoir un maître qui ait atteint un certain degré de réalisation personnelle. Cette réalisation ne peut être appréhendée que par l'expérience et ne peut donc être directement expliquée. Il est important qu'un tel maître transmette correctement et fasse passer dans l'esprit de ses disciples la compréhension qu'il a acquise personnellement, et qu'il puisse également maîtriser complètement ces instruments que sont les points de vue parfaitement purs selon la tradition des tantras et les points de vue parfaitement purs selon la tradition des soûtras, ainsi que les différentes méthodes qui permettent de les expliquer d'une manière absolument claire. Sinon il y a une réalisation personnelle, mais aucun moyen de la transmettre.
La partie la plus facile à réaliser et à mettre en œuvre concerne les rituels et les initiations publiques. Chacun avec un peu d'application peut apprendre à fabriquer des formas, à jouer des cymbales et des trompettes et à chanter correctement les rituels. Et pour les initiations, c'est tout simple : on apprend très -vite à se servir des boumpas et des tonnas.
Il y a aussi l'art de dessiner les mandalas avec du sable coloré; c'est très minutieux, très joli, on utilise des pâtes que l'on presse au travers d'une buse pour faire de très jolis dessins. Tout cela relève finalement du culturel et de l'artistique.
Ces aspects, en dépit de leur complexité, sont relativement faciles à maintenir parce qu'attrayants; les gens et en particulier les Occidentaux aiment bien faire quelque chose, aiment voir des choses, surtout si elles sont nouvelles. Ils aiment aussi sentir qu'ils
appartiennent au mandala, qu'ils sont dans quelque chose d'important. Ce que les Occidentaux appellent méditation possède de multiples significations. Si c'est ce par quoi nous traduisons le terme tibétain gomf méditation et philosophie sont directement liées car il est impossible de parvenir à une bonne méditation sans avoir développé des points de vue parfaitement justes, et l'analyse de ces points de vue est l'affaire de la philosophie. Il y a aussi le danger de tomber dans l'excès : un excès d'études ou de dissertations philosophiques au détriment d'autres aspects risque de nuire à la méditation. Il ne faut pas oublier que la réalisation - qui est comme même le but de tout cela est une affaire de méditation soutenue par la philosophie, non le contraire. Donc soyez attentifs à étudier ce qui concerne vraiment la méditation : les différentes étapes et techniques de méditation. L'acquisition des points de vue justes se fera dans la foulée.
Il ne faut pas confondre non plus folklore et pratique, folklore et étude. De nombreuses personnes, surtout occidentales, ont traduit ou écrit des livres concernant le Tibet, les Tibétains et leur merveilleuse tradition spirituelle, etc. Tous ces ouvrages sont passionnants à lire et beaucoup d'entre vous vous faîtes de la réalisation et de la façon dont elle advient une idée extrêmement pittoresque : on est emporté dans les deux par les dahinis, enveloppé par des arcs-en-ciel... Tout cela est merveilleux, malheureusement cela ne correspond pas à la réalité !
En ce qui concerne la pratique, l'étude et la relation directe avec un maître spirituel, il est une chose qu'on doit constamment veiller à rechercher : c'est la pureté et l'exactitude des enseignements qui sont transmis. Bien entendu, lorsque vous rencontrez un maître ou entendez des enseignements, votre critère de jugement est le plus souvent vous-mêmes. Vous vous dîtes : "c'était bien! cela me plaît ! c'est un enseignement qui me convient !" Tout cela est certainement vrai, mais ce n'est pas fiable ; ce n'est que l'expression de vos émotions et celles-ci ne vous permettent pas de porter un jugement fiable. Aussi tous les jugements de ce type doivent laisser la place à une analyse plus raisonnée, à savoir : "qu'est-il dit dans les enseignements qui me sont donnés; que me transmet-On; est-ce parfaitement en accord avec la doctrine que je sais être complètement pure ?" et non "qu'est-ce que je ressens ?"
A l'époque moderne, le dharma a subi, dans le Tibet central, un déclin dû en partie au fait que Lhassa, la capitale du Tibet, est une petite ville entièrement adonnée aux intrigues politiques, ce qui ne convient pas très bien à une pratique parfaitement pure. Le mélange politique et dharma a donc provoqué d'une manière générale un déclin. Autour de Lhassa il y a de grandes plaines habitées par des nomades qui sont des gens très simples et cherchent uniquement dans le dharma à rencontrer un lama et recevoir sa bénédiction. Il faut que ce lama soit quelqu'un d'important, donc qu'il soit bien habillé, qu'il porte des robes en tissu fin, qu'il soit assis sur un certain style de brocardparce que c'est un signe extérieur de sainteté, et qu'il donne des bénédictions. Ces bénédictions consistent essentiellement en de l’Amrita, le nectar qui coule du vase d'initiation, qui doit avoir bon goût; on reçoit également de petites pilules qui, si elles sont douées, sucrées et parfumées, sont la marque d'un grand lama donnant
vraiment de bonnes bénédictions ! Ces gens très simples jugent les lamas à l'aune de leur compréhension. Parmi ces lamas, certains bien sûr sont parfaitement saints et très estimables, mais la tendance générale est d'essayer de plaire au public.
Alors le dharma a un peu décliné au centre du Tibet et a migré dans ses formes les plus pures vers l'est du Tibet. Là, il y a aussi des impératifs culturels. En particulier, un lama est au-dessus des contingences matérielles et des convenances : il n'a que mépris pour tout ce qui est convenances terrestres, c'est un anticonformiste. Il se lave fort peu, met ses doigts dans son nez, rote, etc.; enfin il n'a pas de très bonnes manières ! Parmi ces lamas, il y a effectivement des saints complètement au-delà de toutes ces convenances, mais il y en a d'autres qui essaient de leur ressembler extérieurement pour gagner un peu de considération.
Tout cela pour dire que les critères permettant de juger un lama au Tibet ne sont pas tellement meilleurs qu'ici et je me demande effectivement comment je dois me comporter en ce lieu pour être considéré comme un bon lama !
Je veux vous montrer que la croissance et l'épanouissement du dharma dépendent de vous. Par les exemples que je viens de donner, on voit que le dharma devient un peu ce que nous nous voulons qu'il soit. En Occident, attachez-vous à ce qu'il y ait vraiment le dharma. Qu'est-ce que le dharma ? Ce sont des enseignements, des points de vue destinés uniquement à permettre de parvenir à l'Eveil. Cela seul est important, tout te reste n'est qu'accessoire. Et si vous vous efforcez de rechercher les enseignements sans altération et les pratiques parfaitement pures concernant la méditation, et que le reste est accessoire, le dharma pourra effectivement se développer et croître en Occident. Ne cherchez pas à savoir qui a la plus grande bénédiction ou la plus grande grâce, cela n'a pas d'importance parce que la grâce du Bouddha est tout le temps présente : la puissance de réalisation est toujours là et il ne dépend que de vous de la recevoir. Il ne faut donc pas confondre l'accessoire et l'essentiel; l'essentiel est la réalisation, et si nous voulons que le dharma s'implante d'une manière correcte en Occident, c'est à ce qu'il faut nous attacher tout d'abord.
Dhagpo Kagyu Ling
Landrevie - 24290 Saint-Léon-sur-Vézère - tél : 05 53 50 70 75 -
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Dhagpo, siège européen de la lignée Karma Kagyu, est membre :
Fédération Française des Centres Bouddhistes Karma-Kagyu |