"Le bouddhisme est un mode de vie par lequel nous développons les qualités de notre esprit.
C’est un mode de vie très particulier, car c’est une façon d’atteindre le bonheur
sans nuire à autrui."
LE XVIIe GYALWA KARMAPA, TRINLEY THAYÉ DORJÉ
"Le bouddhisme est un mode de vie par lequel nous développons les qualités de notre esprit.
C’est un mode de vie très particulier, car c’est une façon d’atteindre le bonheur
sans nuire à autrui."
LE XVIIe GYALWA KARMAPA, TRINLEY THAYÉ DORJÉ
Retrouvez sur cette page des enseignements parus dans la revue "Tendrel" éditée par Dhagpo Kagyu Ling jusqu'en 2002.
Bérou Khyentsé Rinpoché
Suite de l'enseignement donné par Bérou Khyentsé Rinpoché à Dhagpo
Kagyu Ling en juillet 1989 à l'occasion du confert de l'initiation de
Chitro, les cent divinités paisibles et courroucées.
Aprés avoir enseigné les processus et manifestations qui accompagnent le
moment de la mort, Rinpoché décrit les moyens de se libérer du cycle des
renaissances durant ce moment, par la pratique du transfert de conscience.
Puis nous sommes introduits à ce qui suit la mort proprement dite, à savoir le
bardo du Dharmata.
Comme nous l'avions déjà mentionné auparavant, il est
possible de se libérer au moment de la mort sans avoir
à traverser le bardo du devenir, en se souvenant de son
maître spirituel et en priant avec sincérité pour rencontrer le
Bouddha Amit‚bha. De même, si l'on parvient à un degré
suffisant de détachement vis-à-vis de ses parents, de ses amis,
de ses possessions, de tout ce qu'il nous faut quitter, obtenant
de ce fait un état de calme mental suffisant, on n'aura pas à
traverser le bardo du devenir. Sur la base de cette stabilité du
calme mental, par la reconnaissance de la Claire-lumiére
fondamentale du Dharmata, véritable nature vide et limpide
de tous les phénoménes et de l'esprit qui se manifeste à la fin
du bardo du moment de la mort, on sera instantanément
libéré du cycle des naissances et des morts.
Le transfert de conscience
II existe aussi une pratique nommée powa, ce qui signifie
transmigrer. C'est la technique qui permet au principe
conscient de se transférer directement dans les Terres-pures,
au moment de la mort ou juste à l'apparition de la
Claire-lumiére. La maîtrise de ce processus méditatif permet à
celui qui en a reÁu la transmission et les instructions, et qui
est éventuellement aidé à l'accomplir effectivement, de se
libérer au moment de la mort sans avoir à expérimenter de
nouvelles renaissances.
Il existe plusieurs niveaux de powa, en fonction de la
maniére dont on l'exécute et du moment où le transfert est
effectué.
Le powa du Dharmakaya
II consiste en la compréhension de la non-dualité du
sujet et de l'objet, du fait qu'il n'y a pas quelque chose qui
transmigre en un quelconque endroit. Il s'agit de parvenir à la
réalisation de la nature fondamentalement lumineuse, pure et
vide de ce qui est la base même de l'esprit et des
phénoménes, et qui en même temps transcende toute
manifestation. Lorsque l'esprit s'établit et repose dans
l'ouverture de sa dimension propre, pure de toute éternité, il
réalise le powa du Dharmakaya.
Le powa du Sambhogakaya
II a pour base la pratique de kyérim, c'est-à-dire la
visualisation d'une déité et l'assimilation de soi-même à cette
déité. On peut choisir n'importe quel aspect pur, que ce soit
Dordjé Pamo, Korlo Démtchok, ou autre... Au moment de la
mort, on développe la visualisation de cette déité et on se
visualise soi-même sous tous ses aspects (différents
constituants, canaux subtils, etc.) comme étant indifférencié de
la déité même. Notre corps est perÁu comme étant le corps de
la déité, tous les sons et paroles comme étant le mantra de la
déité, et tous les phénoménes mentaux (pensées, émotions...)
comme étant le jeu du samadhi profond de la déité. Lorsque
l'on maîtrise correctement ce kyérim, on peut s'identifier
totalement à cet aspect pur au moment de la mort ; ainsi on
n'a plus à expérimenter le bardo du devenir, on réalise - ou on
transmigre en - la Terre-pure de la déité, et on y demeure.
Le powa du Nirmanakaya
Cette troisiéme forme de powa nécessite de la part du
pratiquant un entraînement effectué de son vivant pour
pouvoir être accompli au moment de la mort, libérant alors le
principe conscient. On visualise son propre corps comme une
enveloppe de lumiére parfaitement vide, translucide et ne
laissant apparaître que le canal médiant vertical au milieu.
Celui-ci est doté de quatre caractéristiques signifiantes :
- il est rouge à l'intérieur : c'est la sagesse-vacuité,
- il est blanc à l'extérieur : c'est la compassion,
- il est parfaitement droit et lisse : la pratique de powa
méne directement aux Terres-pures sans passer par d'autres
formes d'existence,
- il s'arrête et se ferme à quatre doigts sous l'ombilic : le
powa ferme l'entrée des états d'existence inférieurs.
(A l'intérieur du canal), au niveau de la poitrine, se trouve
la syllabe HRI reposant sur un tiglé, qui symbolise la
conscience individuelle ou principe conscient. Au dessus de
notre tête se tient le Bouddha Amit‚bha (si l'on pratique le
powa d'Amit‚bha ; il y a en effet plusieurs formes possibles
de powa). En s'identifiant complétement à la syllabe HRI, on
expulse son principe conscient vers le haut en prononÁant la
syllabe appropriée. Le tiglé-principe conscient vient toucher le
gros orteil d'Amit‚bha, demeure quelques instants, puis
redescend ; ceci constitue la pratique d'entraînement que l'on
effectue de son vivant. Par contre, au moment de la mort, le
principe conscient ne s'arrête pas au pied d'Amit‚bha mais va
se fondre directement en son coeur. A ce moment-là on se
libére en la Terre-pure d'Amit‚bha, Déouatchén.
La pratique
L'entraînement à la pratique de powa se fait au cours de
retraites d'une semaine, de deux semaines... En général, on
s'entraîne jusqu'à l'apparition des signes certains de réussite
de la pratique, le laps de temps nécessaire variant selon les
individus. Ces signes se traduisent généralement par une
sensation d'échauffement ou de br˚lure au sommet de la tête,
accompagnée d'un petit écoulement de sérum ou de sang. A ce
moment-là, apparaît dans le cuir chevelu, au sommet de la
tête, une petite cavité qui correspond au débouché du canal
médian, situé théoriquement à huit doigts en arriére de la
racine [frontale] des cheveux, bien que l'emplacement puisse
varier en fonction des individus. On peut alors enfiler dans ce
petit trou une herbe konsha, que l'on porte en signe de
réussite de la pratique.
Chez certaines personnes, ces signes n'apparaissent pas
parce que le canal médian ne débouche pas, ceci étant d˚ à
une constitution défectueuse des canaux subtils qui va alors
provoquer de violents maux de tête.
A l'issue de chaque session de powa, il convient de
recevoir la gr‚ce du Bouddha Amitayus qui est l'aspect de
longue vie du Bouddha Amithaba. On médite Amitayus
au-dessus de notre tête, versant en nous le nectar de longue
vie, et on s'identifie à Amitayus même. Par cette méditation
sont réparés les dommages causés par la pratique de powa :
celle-ci a pour effet de rel‚cher les liens entre l'esprit et le
corps physique, ce qui pourrait raccourcir la durée de la vie.
La méditation d'Amitayus permet donc de contrebalancer cet
effet néfaste éventuel.
Que l'on accomplisse la pratique de powa pour soi-même,
ou qu'on l'effectue pour une autre personne dans le cas où l'on
est trés qualifié, il convient de choisir le moment juste.
Celui-ci se situe aprés l'apparition des signes extérieurs de la
mort (cessation du mouvement respiratoire...) et avant la
manifestation de la Claire-lumiére, c'est-à-dire lorsque les deux
tiglés convergent vers le cúur ; c'est le moment adéquat,
instant crucial où l'on atteint le point de non-retour au-delà
duquel la conscience ne peut plus rester liée au corps mais où
elle n'en est pas encore totalement séparée.
Sortie du principe conscient
D'aprés les textes issus de Naropa, on considére
traditionnellement neuf orifices du corps : anus, sexe, bouché,
narines, yeux, oreilles, auxquels s'ajoute le débouché supérieur
du canal médian. Au moment de la mort, il faut fermer ces
orifices pour ne laisser ouvert que le débouché supérieur du
canal médian. Si le principe conscient quitte le corps par un
autre orifice, c'est le signe d'une renaissance dans l'une des
six classes d'êtres, celle-ci pouvant être déterminée en fonction
des signes observés (les orifices inférieurs par exemple
correspondent aux mondes inférieurs).
Il est donc important que la conscience quitte le corps par
l'orifice supérieur, et c'est pour cela que l'on s'entraîne
mentalement à fermer tous les autres.
Le bardo du Dharmata
Au moment de la réunion des deux principes, masculin et
féminin, dans le canal central au niveau du cúur [voir articles
précédents], il peut se produire deux types d'expérience : une
personne qui a développé un entraînement suffisant à la
méditation et qui posséde une grande stabilité va reconnaître
la Claire-lumiére fondamentale du Dharmata (nature même de
l'esprit et des phénoménes tels qu'ils sont). Cette
contemplation n'est autre que la réalisation de l'état de
Bouddha. Autrement, si l'on n'a pas suivi un entraînement
suffisant, on aura un bref aperÁu de cette Claire-lumiére sans
qu'elle soit toutefois reconnue comme telle, et cet "éclair" sera
suivi d'une sorte de coma, un état d'inconscience totale.
Emergeant de cet état, on se trouve immédiatement confronté
aux "cent dettes du bardo". Celles-ci traduisent en fait la
manifestation en notre propre esprit des principes constituant
l'individu, qui vont apparaître comme extérieurs à nous, à
travers des lumiéres formidables, extrêmement intenses, qui
nous transpercent complétement, des sons incroyablement
violents, insupportables... Cette expérience est en elle-même
tout-à-fait terrifiante ; cependant, dans la mesure où l'on a
suivi l'entraînement nécessaire, on doit être capable de se
souvenir à ce moment que ces apparitions effrayantes ne sont
rien d'autre que la manifestation des principes de notre corps
psycho-physique, de notre propre esprit.
Par la reconnaissance de la nature de ces productions,
simples projections des énergies psycho-physiques et de l'esprit,
on se dégage de toute forme de terreur et, dans cette
compréhension, on peut s'en libérer complétement, réalisant de
ce fait au moment de la mort la parfaite libération en l'état
de Bouddha.
La Claire-lumiére
Pour parvenir à la libération par la reconnaissance de la
Claire-lumiére du Dharmata, la nature propre des phénoménes
et de l'esprit, il faut donc s'entraîner de son vivant. Ayant eu
un aperÁu de la Claire-lumiére fondamentale à travers la
méditation (Claire-lumiére "fils"), cette expérience va
spontanément entrer en résonnance avec la manifestation de
la Claire-lumiére qui apparaît au moment de la mort
(Claire-lumiére "mére") ; il y a alors réunion immédiate,
fusion spontanée, libre de tout processus intellectuel - c'est la
rencontre du fils et de la mére : l'enfant se jette
naturellement dans les bras de sa mére dés qu'il la reconnaît,
sans réfléchir, sans hésitation.
La Claire-lumiére fondamentale demeure inconnue pour la
plupart d'entre nous ; elle est hors de notre perception,
au-delà de notre compréhension, sans quoi nous serions tous
déjà des Bouddhas... Par exemple, pour quelqu'un qui n'a
jamais vu d'écriture, apercevoir des lettres immenses sur des
affiches n'évoquera absolument rien ; par contre à celui qui
sait lire apparaîtra une signification immédiate.
Pour rendre manifeste cette Claire-lumiére du Dharmata,
on s'entraîne à la contemplation, c'est-à-dire à s'établir dans
un état de calme et de clarté où l'on ne produit plus
délibérément de phénoménes mentaux. Demeurant dans cette
vigilance non-altérée, l'esprit devient capable de percevoir les
choses non seulement dans leur apparence mais telles qu'elles
sont réellement. Dans cet état, la manifestation apparente, qui
n'est pas extérieure à l'esprit mais dépendante de lui comme
son reflet propre, va se dissoudre en l'esprit même et laisser
apparaître la nature fondamentale de tous les phénoménes.
Durant notre existence, cette reconnaissance ne peut
s'effectuer le plus souvent que pendant de trés courts instants.
Quoiqu'il en soit, ce bref aperÁu suffît à déclencher en l'esprit
un processus qui permet ensuite, à chaque fois que l'on se
trouve confronté à cette réalité de la Claire-lumiére, de la
reconnaître immédiatement. Au moment de la mort,
l'entraînement effectué portera ses fruits, d'autant plus qu'à
cet instant l'esprit est débarrassé d'un certain nombre
d'obstacles.
On peut aussi définir la Claire-lumiére en termes de base,
chemin et fruit. La premiére est la base de tous les
phénoménes et de l'esprit de tous les êtres. La seconde, celle
du chemin, correspond à l'aperÁu de la Claire-lumiére de base
que l'on peut avoir à travers l'entraînement méditatif, dans le
courant de notre existence. Cependant, du fait des
circonstances et des voiles qui recouvrent l'esprit, on ne peut
pas s'assimiler complétement à la Claire-lumiére fondamentale
(ou de base). C'est au moment de la mort que la manifestation
de la Claire-lumiére de base qui se produit alors peut
apparaître comme évidente, gr‚ce à la Claire-lumiére du
chemin. Il s'agit de la reconnaissance spontanée de la
Claire-lumiére fondamentale qui n'était en fait jamais séparée
de nous-même ; on s'y assimile consciemment et cette
réalisation dans la reconnaissance est appelée la
Claire-lumiére du fruit.
Les Terres-pures
La Claire-lumiére du fruit correspond à la réalisation des
Terres-pures, chacune d'entre elles étant associée à l'un des
cinq Dhyani Bouddhas qui sont l'essence pure des cinq
agrégats, les constituants psycho-physiques de notre individu.
Elles se divisent en Terres-pures du Dharmakaya, du
Sambhogakaya et du Nirmanakaya. Il ne faut pas les
considérer comme des endroits où l'on se rend ; ce sont des
états d'être, de conscience, de manifestation en lesquels l'esprit
s'établit.
Les Terres-pures du Sambhogakaya sont difficiles d'accés
car, pour y parvenir, il est nécessaire d'avoir atteint le
huitiéme bhoumi (stade de réalisation de bodhisattva).
L'obtention des Terres-pures du Nirmanakaya exige la
compléte purification du voile des émotions conflictuelles.
Parmi ces derniéres, il en est toutefois une qui est
relativement facile d'accés puisque, au lieu de cette
purification, il suffit de développer une confiance totale pour y
parvenir : c'est Déouatchén, la Terre-pure du Bouddha
Amit‚bha. Cependant, d'une maniére générale, il est
nécessaire, pour atteindre les Terres-pures du Sambhogakaya
ou du Nirmanakaya, de réaliser la Claire-lumiére du fruit,
reconnaissance de la Claire-lumiére de base au moyen de la
Claire-lumiére du chemin. Comme il a été dit, celui qui opére
cette reconnaissance n'a pas à traverser le bardo du devenir,
mais s'établit en une Terre-pure quelle qu'elle soit. Là,
recevant directement des instructions de Bouddhas et d'autres
bodhisattvas, il pourra poursuivre sa progression spirituelle et
se manifester dans le monde à volonté pour le bien des êtres.
Il est cependant une autre catégorie d'êtres qui n'ont pas
à passer par le bardo du devenir et qui sont amenés
directement au bardo de la naissance à la mort (ou bardo de
la vie). Ce sont les êtres au karma particuliérement négatif,
ceux qui ont accompli des actes extrêmement nuisibles, qui se
sont volontairement détournés de toute possibilité d'Eveil, qui
ont sciemment brisé les liens initiatiques du Vajrayana... Du
fait des dispositions extrêmement néfastes qu'ils ont établies
en eux, ces êtres se plongent eux-mêmes dans les enfers, un
état de souffrance intense pour un temps trés long.
QUESTIONS/REPONSES
- Rinpoché pourrait-il rappeler la chronologie de l'ap-
parition des cent dettes dans le cadre des différents bardos ?
- Il y a en fait deux phases d'apparition des cent déités
paisibles et courroucées. Tout d'abord, lors du bardo du
Dharmata, au moment de la manifestation de la
Claire-lumiére fondamentale, apparaissent les cent déités sous
la forme de lumiéres fulgurantes, de bruits retentissants, etc.
Ensuite ces déités vont se manifester jour aprés jour pendant
le bardo du devenir, sous une forme moins essentielle que
précédemment.
- Comme il a été dit, on peut déterminer le type de
renaissance en fonction de l'orifice par lequel la conscience
quitte le corps. Cela implique-t-il que l'état d'existence à venir
est déterminé dés cet instant et, dans ce cas, quel rÙle joue le
bardo du devenir dans le "choix" par la conscience d'une
renaissance future ?
- Dés l'instant où l'on entre dans le bardo du devenir il
n'y a plus tellement de libre-arbitre, la conscience est poussée
par le "vent du karma". Il faut vraiment l'intervention d'un
maître spirituel pour nous aider éventuellement à éviter des
renaissances inférieures et à trouver une condition d'existence
propice. Cependant, dans la mesure où le processus suit son
cours naturel sans intervention extérieure, on peut dire que le
type de renaissance est en effet déjà déterminé.
- Dans quel type d'existence sont amenées à renaître les
personnes qui sont forcées d'accomplir des actions trés
négatives, par exemple des enfants du Tibet qui sont contraints
de battre ou de tuer leurs parents ?
- Bien entendu, ce type d'action accomplie contre volonté
et sous la menace n'a pas la même incidence que d'assassiner
ses parents sous l'emprise de la haine. Il y a cependant une
dette karmique qui se crée pour le tueur envers sa victime. Ce
lien créé n'est pas fonciérement négatif ; en tous cas, dans
une existence future, "l'assassin forcé" se retrouvera dans une
situation où il devra venir en aide à son ancienne victime à
travers des actes positifs de générosité : il aura cette personne
à charge, par exemple.
- En Occident, il est d'usage d'effectuer immédiatement
aprés le décés différentes manipulations plus ou moins
respectueuses sur le corps afin de l'apprêter. La personne qui
vient de mourir a-t-elle connaissance de cela et ressent-elle
l'état d'esprit de ceux qui s'occupent de son corps ?
- La plupart des gens ne se rendent pas compte de ce qui
se passe, puisque ces manipulations sont effectuées juste aprés
la résorption des principes vitaux, pendant la phase
d'inconscience totale. Par contre, elles sont un obstacle pour
un méditant qui demeure en méditation aprés la mort et qui
est donc tout-à-fait conscient.
- Dans le cas d'un accident violent, il est impossible de se
préparer au moment de la mort. Qu'en résulte-t-il ? Que faire
aussi lorsqu'il ne reste plus rien du corps ?
- Lors d'une mort accidentelle brutale, les différentes
phases de résorption ne peuvent pas se produire correctement.
Un excellent moyen de pallier ce risque est d'effectuer le powa
du nirmanakaya, dans la mesure où l'on s'est entraîné durant
sa vie ; cette pratique peut être effectuée instantanément, au
moment même de l'accident. Si la personne a un lien
particulier avec un lama, celui-ci peut ensuite effectuer le
powa pour elle, ainsi que d'autres pratiques facilitant l'accés
aux Terres-pures. Bien qu'il soit plus facile de bénéficier de la
présence du corps physique qui constitue un pÙle d'attraction
pour le principe conscient, lorsqu'il ne reste rien du corps il
est toutefois possible pour un maître qualifié d'effectuer le
powa, puisque le principe conscient est distinct du corps. Dans
ce cas, le principe conscient est ramené sur un substitut du
corps, une feuille de papier spécialement consacrée, qui le
maintient durant le temps nécessaire pour l'envoyer dans les
Terres-pures.
- Jusqu'à combien de temps aprés la mort peut-on
pratiquer powa pour quelqu'un ?
- Lorsque le processus s'effectue normalement, le lama va
aider le mourant en accomplissant le powa au moment
adéquat, trés précisément aprés l'arrêt de la circulation
externe (arrêt de la respiration et du cúur) et avant l'arrêt de
la circulation interne (énergies subtiles). Dans le cas d'un
accident, le powa peut être effectué dans un délai de deux ou
trois jours sans trop de difficultés. Au-delà, il faut faire appel
à des lamas hautement qualifiés et spécialisés dans ces
pratiques ; dans ces conditions, on peut parvenir à "récupérer"
le principe conscient jusqu'à une quarantaine de jours aprés la
mort.
- Qu'advient-il d'une personne qui a pris refuge et qui,
plus tard, s'est suicidée ? Que peut-on faire pour elle ?
-Une telle personne se trouve dans une mauvaise posture,
parce que se suicider n'est vraiment pas positif. Bien
évidemment, il faut par tous les moyens essayer de dissuader
la personne de mettre fin à ses jours ; si l'on échoue, on peut
faire des poujas et priéres d'Amit‚bha, de Tchenrézi, du Bardo
ThÙdGi. Quant à ce qu'il advient d'un suicidé, il n'y a pas de
régle générale, cela dépend beaucoup des motifs pour lesquels
la personne a mis fin à ses jours : on peut se suicider dans
un état d'esprit de violence et de rancúur, ou bien parce que
l'on souffre beaucoup, ou même pour éviter des souffrances à
autrui...
Ceci dit, en mettant fin à ses jours, on stoppe
prématurément un processus avant son échéance naturelle.
Cela a pour effet de maintenir le principe conscient dans un
état d'emprisonnement sans qu'il puisse trouver une nouvelle
naissance, ceci pendant un temps parfois trés long.
- Comment ces enseignements sur les bardos ont-ils pu être
constitués, dans la mesure où il faudrait être revenu du bardo
pour pouvoir en faire la description ?
- Il y a plusieurs faÁons de savoir ce qui se passe dans le
bardo. L'une d'entre elles consiste justement à en être revenu.
C'est le cas de certains individus extrêmement rares appelés
dé-lo, "ceux qui sont revenus de l'au-delà", qui décrivent avec
une étonnante précision tout ce qu'ils ont vu et expérimenté
dans le bardo, et qui sont également capables de révéler des
choses ayant trait aux affaires courantes de la vie mais que
personne ne devrait connaître, telles des secrets de famille
bien gardés par exemple !
D'autre part, certains grands méditants parviennent à des
états d'absorption méditative tels qu'ils développent ainsi la
possibilité de retrouver le souvenir de leurs existences
antérieures ainsi que des états intermédiaires du bardo. Il
faut bien considérer le fait que les bardos sont une chaîne ;
rien ne nous sépare de notre mort précédente, si ce n'est la
naissance. La mort n'est pas une expérience nouvelle à venir
mais quelque chose que nous avons vécu d'innombrables fois,
et il est possible pour un méditant de retrouver ces
expériences passées, de franchir le barrage de la naissance qui
en occulte le souvenir conscient.
- Comment peut-on situer ces pratiques de powa et
l'évocation des cent dettes du bardo par rapport aux pratiques
chamaniques et autres courants religieux ?
- Bien entendu le bouddhisme n'a pas le monopole de la
mort ni de .son approche pratique. Cependant, ce que l'on
appelle les "cent divinités paisibles et courroucées" traduit une
réalité universelle constitutive d'un bouddhiste comme d'un
non-bouddhiste. Tous les êtres, tout ce qui posséde un esprit,
sont confrontés à cette même réalité. Cependant chaque.
religion, chaque civilisation a développé sa propre approche de
la mort et ses pratique spécifiques pour traiter une réalité
commune à tous ; quant à powa et aux autres pratiques liées
au bardo, il s'agit du traitement bouddhiste de cette réalité
universelle qu'est la mort.
(à suivre)
Dhagpo Kagyu Ling
Landrevie - 24290 Saint-Léon-sur-Vézère - tél : 05 53 50 70 75 -
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Dhagpo, siège européen de la lignée Karma Kagyu, est membre :
Fédération Française des Centres Bouddhistes Karma-Kagyu |