"Le bouddhisme est un mode de vie par lequel nous développons les qualités de notre esprit.
C’est un mode de vie très particulier, car c’est une façon d’atteindre le bonheur
sans nuire à autrui."

LE XVIIe GYALWA KARMAPA, TRINLEY THAYÉ DORJÉ

Revue "Tendrel"

Retrouvez sur cette page des enseignements parus dans la revue "Tendrel" éditée par Dhagpo Kagyu Ling jusqu'en 2002.

A propos des trente sept pratiques des Bodhisattvas

Jigmé Rinpoché

Quelles sont les trente-sept pratiques des bodhisattvas, comment doit-on les comprendre et les mettre en application ( Cet enseignement est très précis et très profond, il rassemble les instructions permettant de développer les qualités des bodhisattvas, mais on ne peut, pour le moment, le mettre en pratique tel quel.

Ces instructions peuvent nous servir d'exemples. Il est important d'abord de savoir ou nous en sommes, d'avoir une bonne compréhension de ce qui est enseigné, d'en saisir le sens profond et d'enrichir ainsi notre propre expérience. Nous sommes pour l'instant dans un état de confusion; nous sommes soumis à nos habitudes mentales et avons tendance à nous associer aux êtres et aux choses par attachement et par ignorance.

Le terme ignorance s'énonce de deux manières en tibétain: mongpa et marikpa. La première fait référence à une notion de stupidité, alors que la deuxième désigne les obscurcissements mentaux, les voiles qui nous maintiennent dans l'ignorance. C'est à cause de marikpa que nous errons dans le cycle des existences et que nous sommes soumis aux émotions perturbatrices dont la principale est l'attachement.

Le sens des trente-sept pratiques est de nous montrer dans quelle direction nous diriger, c'est-à-dire l'opposé de ces tendances habituelles. Cet enseignement fera naître en nous une attitude plus juste, induisant une action correcte, et c'est ainsi que l'on pourra avancer pas à pas sur le chemin des bodhisattvas.

 

La particularité de cet enseignement tient au fait que les mots utilisés sont relativement simples, ce qui peut donner une impression de facilité. Celle-ci est liée à l'ignorance. Lorsque nous entendons des mots faciles dans les enseignements, nous avons tendance à dire: "je connais !", car le concept semble facile à saisir. Par contre, lorsque l'enseignement utilise des mots plus difficiles, on a l'impression que l'on ne pourra jamais le mettre en pratique. Nous accordons trop de valeur aux mots au détriment du sens.

Il faut comprendre "Les trente-sept pratiques des bodhisattvas" comme des instructions sur les attitudes et actions fondamentales. Dans cet enseignement, il n'y a pas de mots compliqués, le langage est simple, quotidien. Si l'on se dit: "Je connais déjà, c'est du déjà vu", on ne pourra pas le mettre en pratique.

C'est parce que le langage est simple qu'il est aisé de se souvenir de cet enseignement. C'est cela l'essentiel: se souvenir des instructions pour pouvoir les mettre en pratique. Ces instructions simples peuvent changer beaucoup de choses en profondeur, à condition de les mettre en application. Leur simplicité cache leur profondeur.

C'est avec les circonstances et les situations quotidiennes qu'il faut pratiquer pour qu'une vraie transformation prenne place. Les petites choses amènent un grand résultat; l'une après l'autre, elles permettent un vrai mûrissement de l'être. C'est comme quelqu'un qui fait de la musculation: c'est à force d'entraînement qu'il peut porter des poids de plus en plus lourds.

Cet entraînement nous permettra de découvrir la cause de nos obscurcissements mentaux, de nos émotions perturbatrices, ce qui nous conduira à mieux comprendre les autres êtres. On a tendance à croire que regarder les autres est suffisant pour les comprendre, alors qu'en plus un travail sur soi est nécessaire.

"Les trente-sept pratiques des bodhisattvas" expliquent la façon dont les bodhisattvas parlent, gèrent leurs émotions, la manière dont ils rencontrent le bonheur, la souffrance et dont ils vivent leurs expériences quotidiennes. Comprendre la façon d'agir des bodhisattvas nous aidera à changer notre propre

comportement. Mais cela ne se fera pas immédiatement. Il faut faire l'effort d'y réfléchir pour comprendre leur façon d'agir, le but de cette compréhension étant de nous libérer de nos obscurcissements. A force d'entendre les enseignements, ils deviennent plus clairs en notre esprit et nous nous en souvenons. Les exemples donnés dans "Les trente-sept pratiques des bodhisattvas" sont là pour nous permettre d'approfondir notre compréhension. L'écoute et la réflexion sont indispensables dans un premier temps, pour acquérir l'état d'esprit des bodhisattvas; une compréhension juste amène une attitude juste.

 

On trouve parfois des instructions qui semblent contradictoires. Alors que quelque chose est conseillé au début d'un chapitre, on nous dit à la fin du même chapitre de ne pas le mettre en pratique. En fait, cela dépend de l'orientation de notre esprit. L'important est de ne pas avoir un esprit bloqué, figé, et encore moins une foi aveugle. Les situations qui se présentent doivent être abordées sans attachement. La véritable définition du samsara est: le domaine dans lequel tout est possible et tout peut survenir. En fonction de notre état d'esprit, les choses qui nous paraissent essentielles à un moment donné, ultérieurement nous apparaîtront comme peu importantes; des actions que l'on dit à priori ne pas devoir faire devront, en d'autres circonstances, être accomplies.

 

Certaines actions doivent être évitées, il ne faut pas en prendre l'habitude ni s'y attacher, et ainsi bien des situations pourront être vécues avec beaucoup plus de liberté. Nous ne serons pas collés, liés à ces situations, car nous développerons la conscience et la vigilance qui nous apporteront la compréhension. Cela paraît simple, mais la mise en pratique est difficile, car nous n'avons pas l'esprit libre et ouvert mais traînons au contraire des préjugés, c'est-à-dire que nous jugeons la situation avant de l'avoir comprise. De ce fait, les expériences qui se présentent sont inévitablement marquées par la souffrance et la frustration car elles nous dérangent.

"Les trente-sept pratiques des bodhisattvas" nous aident à développer davantage de compréhension. On comprend comment les bodhisattvas, par leur exemple, nous inspirent dans notre propre démarche. Ce n'est pas immédiat. Il y a, bien sûr, une façon très rapide de mettre ces enseignements en pratique, c'est ce que le yogi Milarépa a fait au cours de sa vie. Mais, en ce qui nous concerne, nous sommes fortement impliqués dans la confusion du samsara et, de plus, nous avons tendance à rester dans cette condition. C'est pourquoi le changement aura pour cause principale notre changement de vision.

"Les trente-sept pratiques des bodhisattvas" nous permettent d'accomplir une transformation intérieure personnelle à l'instar des bodhisattvas du passé. Ceux-ci nous montrent comment des actions ordinaires s'intègrent petit à petit au chemin et comment la mise en pratique de ces différentes attitudes amène à la libération du cycle des existences et de l'ignorance. Nous avons la possibilité de faire beaucoup de choses positives dans notre vie; il faut simplement essayer de progresser continuellement et de toujours développer l'attention consciente.

 

Troisième stance :

Loin des lieux nuisibles, les émotions négatives peu à peu s'évanouissent, Loin des distractions, une conduite vertueuse naturellement se développe; De l'esprit clair, la confiance dans les enseignements s'élève.

S'établir dans la solitude, c'est agir en bodhisattva.

 

Loin des lieux nuisibles, les émotions négatives peu à peu s'évanouissent.

Il est important d'éviter les endroits qui suscitent les émotions négatives, qui provoquent la distraction, cela permettra de diminuer les émotions perturbatrices. Ceci fait référence au sangha: chacun doit montrer l'exemple à l'autre et développer des attitudes positives, de façon à se libérer des habitudes et tendances du samsara.

Il faut devenir autonome et être capable de discriminer par soi-même. Il s'agit de se garder de favoriser les tendances habituelles telles que le désir, l'attachement et l'ignorance qui induisent la souffrance et, pour cela, il faut éviter les endroits où l'on serait poussé à nourrir ces tendances. Cela dépend des capacités de chacun; arrêter complètement ces distractions signifierait devenir moine ou moniale.

Il s'agit donc d'éviter de fréquenter des endroits qui ne nous aident pas à transformer nos émotions perturbatrices. Ce ne sont pas les endroits qui "salissent" les gens, mais plus exactement l'assemblée des individus qui fait qu'un endroit devient positif ou négatif. Ce n'est pas le lieu qui change les gens, mais ceux-ci qui font évoluer le lieu. Prenons l'exemple du sangha.

Lorsque ses membres se réunissent, ils influent sur l'endroit pour qu'il devienne positif. Il faut se rendre compte qu'il est nécessaire de se montrer mutuellement l'exemple, afin que chacun puisse devenir autonome et prendre ses responsabilités. L'attitude du bodhisattva est d'agir positivement, en évitant les endroits et les compagnies négatives et en créant une ambiance positive, sans attachement ni colère ou ignorance.

Quand le dharma est établi dans un endroit, les obscurcissements disparaissent. Il ne s'agit pas de penser que l'on peut accomplir tout cela du premier coup, ce n'est pas possible, il ne faut pas se fixer d'objectif trop rapide. Par exemple, on a tendance à voir la colère comme une émotion très négative, mais on peut également la considérer avec compassion et l'utiliser selon les situations pour l'amener au chemin.

Il faut éviter les endroits négatifs et s'associer avec des individus positifs. Il n'y a pas d'endroit négatif où vont les bodhisattvas. C'est comme la musique. Si l'air nous plaît, on le chantonne et il reste en nous: les habitudes négatives fonctionnent de la même manière. C'est pour cette raison qu'il faut se tenir à l'écart des mauvaises mélodies et changer d'air. Il s'agit d'aider les êtres en ajoutant la compassion, sans trop d'attachement, de colère ou d'ignorance car, à notre niveau, nous n'arriverons pas à exclure totalement ces tendances. Cette attitude éveillée marquée par la compassion est une clef du grand véhicule et des tantras. Elle demande de l'entraînement, à 1'image de la cuisine bhoutanaise: au départ, on ne peut pas la manger, car elle est trop épicée mais, au fil du temps, avec l'habitude, on parvient à la manger sans difficulté.

 

Lorsque notre principal souci est de parvenir à mettre en pratique ces instructions, on s'aperçoit que l'on a tendance à éprouver de l'angoisse: on veut prendre des responsabilités, être parfait... De plus, cette tension constante est inconsciente. C'est une attitude qui se situe à l'opposé de celle des bodhisattvas. Dès le début d'une action, le bodhisattva est conscient que ce qu'il fait, il le fait pour autrui et il y a ainsi moins de tension.

En ce qui nous concerne, la volonté de trop bien faire dans notre activité génère une pression, une peur, due à l'attachement à soi, à l'ego. L'attitude du bodhisattva est différente parce que toute son énergie est orientée vers autrui. Dès que l'on commence à se préoccuper de soi-même, on est en attente et on se tend; en revanche, l'attitude change lorsqu'on se soucie de ce dont les autres ont besoin. Pour se rapprocher de l'attitude du bodhisattva, il faut se poser la question de , savoir si dans chaque action on se préoccupe de soi-même ou des autres.

La vraie question est: que puis-je prendre de la situation ou que puis-je y apporter. Au début, l'attitude est mélangée, et il faut que cela soit clair dans notre esprit. On doit se poser la question; en y répondant, on essaye de comprendre et on suit ainsi l'exemple des bodhisattvas. Grâce aux enseignements, nous serons capables d'agir pour et envers les autres, et ensemble nous créerons quelque chose de positif pour tous les êtres afin que cela serve d'exemple.

Dès que l'on accomplit quelque chose de responsable, qui tend à la perfection, cela développe une tension parce que l'on essaie d'obtenir quelque chose pour soi-même. Les bodhisattvas ont une attitude d'esprit qui ne se préoccupe que du bien-être d'autrui. Par exemple, si l'on nettoie une pièce en étant uniquement intéressé par son propre point de vue et ses difficultés, on est très vite fatigué. Si l'on se met dans l'idée qu'on le fait pour quelqu'un d'autre, ce sera plus facile, on y mettra beaucoup plus de coeur et d'énergie.

L'idée de base des bodhisattvas, c'est d'être détendu, d'agir pour le bien d'autrui et de faire cette dédicace dans toutes leurs actions. Ce qui rend les autres heureux nous réjouit également, sinon nous serons rapidement fatigués et en proie à de multiples émotions. Pour faire décroître l'attachement, l'ignorance et l'aversion, on agit de manière simple en se demandant ce que l'on peut faire pour les autres et non plus seulement pour soi. C'est l'attitude de base du bodhisattva, le premier pas. Il s'agit de quelque chose de fondamental et de difficile, car ce n'est pas notre attitude d'esprit habituelle. On est plutôt habitué à penser à soi en priorité.

 

Loin des distractions, une conduite vertueuse se développe.

Il s'agit de ne pas perdre de temps pour accumuler des actions positives. Agir en bodhisattva, c'est accomplir plus d'actions et de pensées positives. Le texte explique l'attitude de base: il s'agit d'agir pour le bien de tous les êtres. Il est important d'utiliser toutes les circonstances nous permettant d'être la cause du développement d'actions positives. L'idée est de ne pas perdre de temps dans l'action et la pensée, de rester vigilant afin de ne pas perdre un instant pour agir de manière positive, et de comprendre que l'action peut être utile pour soi-même mais doit l'être aussi pour autrui.

 

De l'esprit clair, ta confiance dans tes enseignements s'élève.

La phrase qui suit traite de la clarté de l'esprit. Celui-ci peut devenir plus limpide par l'approfondissement du sens du dharma. Certains mots relatifs aux enseignements sont importants, mais il faut faire attention, car si l'on ne s'attache qu'à l'importance des mots rien ne pénètrera l'esprit. Il faut entendre les mots sans leur donner trop d'importance et en allant directement au sens. Il s'agit d'un déploiement de l'esprit: il devient plus clair par la méditation et la compréhension des émotions perturbatrices. La compréhension du dharma nous rend capables de développer notre esprit.

Par l'écoute de l'enseignement, on comprend les instructions et on peut se situer par rapport à elles. Grâce à cette compréhension et à la mise en pratique des instructions, la méditation, on clarifie de plus en plus l'esprit. Le dharma doit être regardé comme un moyen de compréhension de notre propre esprit; c'est pour cela qu'il ne vient pas de l'extérieur. Il s'agit d'une méthode de compréhension de notre esprit par nous-mêmes. Mais cela ne peut advenir immédiatement. C'est un entraînement qu'il faut faire de façon continue, afin d'avoir une compréhension de plus en plus profonde de la nature de notre propre esprit.

 

S'établir en la solitude, c'est agir en bodhisattva.

L'attitude du bodhisattva est de rester dans un endroit tranquille, ce qui englobe trois choses: éviter les endroits qui favorisent la distraction, ne pas perdre de temps, et garder l'esprit clair. C'est cela que l'on entend par s'établir en la solitude. Un endroit tranquille ne veut pas dire un endroit où l'on ne fait rien, mais un endroit où l'esprit est clair tout en étant conscient. Ne pas perdre de temps, dans ce contexte, signifie agir toujours de manière à s'engager dans des actions positives, avec un état d'esprit positif. Eviter les endroits de distraction signifie éviter les habitudes à la distraction. Tel est le sens de: un endroit favorable à la quiétude.

 

 

Voici quelques autres stances des trente-sept pratiques des bodhisattvas :

La source de toutes les souffrances est le désir d'un bonheur égoïste ; La parfaite bouddhéité naît de la pensée d'aider autrui.

Echanger en réalité son bonheur contre la souffrance d'autrui,

C'est agir en bodhisattva.

 

Percevoir que, sous leur apparente beauté,

Les objets plaisants et attrayants n'ont pas plus de réalité Qu'un arc-en-ciel un jour d'été, et lâcher prise,

C'est agir en bodhisattva.

 

Les différentes souffrances sont comme la mort d'un fils en rêve. Qu'il est épuisant de tenir ces mirages pour réels!

Considérer les difficultés comme illusoires,

C'est agir en bodhisattva.

 

Sans éthique, il est impossible d'accomplir son propre bien; Prétendre alors accomplir celui des autres prête à rire.

C'est pourquoi observer une discipline sans motivation mondaine, C'est agir en bodhisattva.

 

En bref, où que ce soit et en toute activité,

Etre conscient de son état d'esprit du moment,

Et accomplir le bien des autres avec une attention et une vigilance constantes, C'est agir en bodhisattva.

 

le texte des "Trente-sept pratiques des bodhisattvas", dont une partie a déjà été publiée dans le numéro 39, a été rédigé par le comité de traduction des éditions Padmakara. leur catalogue est disponible à l'adresse suivante :

Editions Padmakara - laugeral - 24290 Saint-léon-sur-Vézère - Tél. 53508051.

 

leur dernière traduction est disponible aux éditions du Seuil, dans la collection Points Sagesses, sous le titre: "le Trésor du coeur des êtres éveillés", dont vous trouverez le compte-rendu dans Infos-livres.

 

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