"Le bouddhisme est un mode de vie par lequel nous développons les qualités de notre esprit.
C’est un mode de vie très particulier, car c’est une façon d’atteindre le bonheur
sans nuire à autrui."
LE XVIIe GYALWA KARMAPA, TRINLEY THAYÉ DORJÉ
"Le bouddhisme est un mode de vie par lequel nous développons les qualités de notre esprit.
C’est un mode de vie très particulier, car c’est une façon d’atteindre le bonheur
sans nuire à autrui."
LE XVIIe GYALWA KARMAPA, TRINLEY THAYÉ DORJÉ
Retrouvez sur cette page des enseignements parus dans la revue "Tendrel" éditée par Dhagpo Kagyu Ling jusqu'en 2002.
Lama Jigmé Rinpoché
Ce que l'on appelle couramment la pratique du bouddhisme concerne l'individu dans son entier; elle s'applique à tous les aspects de l'existence, non seulement l'attitude de l'esprit, mais aussi les paroles et les actions, pas seulement les actions accomplies spécifiquement dans le cadre d'une pratique formelle, mais toutes les actions de l'existence.
L'essentiel de la pratique est contenu dans ce que l'on appelle la prise de refuge, qui consiste à tourner résolument son esprit vers l'obtention de l'éveil et à conformer toutes ses paroles, ses actions et ses pensées à ce but. La voie parfaitement pure consiste à purifier les voiles qui recouvrent l'esprit - le voile de l'ignorance, le voile du karma, le voile des émotions - ainsi qu'à pratiquer l'accumulation d'activité positive, c'est-à-dire à s'engager réellement à agir positivement. Tout cela forme l'entraînement de l'esprit et ne concerne pas seulement l'esprit, mais se rapporte à l'esprit et à tout ce dont il est responsable, c'est-à-dire tous nos actes.
Comment s'engager sur le chemin
A partir du moment où l'on est décidé à entreprendre cette progression vers l'éveil d'une manière correcte, il est important de l'établir sur des bases vraiment fermes et de ne pas confondre hâte et précipitation. Il faut prendre un certain nombre de précautions avant de commencer. L'essentiel, c'est la disposition d'esprit dans laquelle on s'établit, et pour que cette disposition soit clairement et fermement établie, il est important de comprendre les mécanismes qui régissent l'esprit.
La première chose à faire, lorsqu'on veut s'engager dans ce chemin parfaitement pur, est donc de voir l'esprit à l'œuvre, d'y reconnaître la présence des phénomènes mentaux, des émotions, etc., d'essayer de les comprendre et d'en admettre la présence. Alors seulement on peut établir un plan d'action et se dire: "je vais essayer de modifier ceci, de changer cela, utiliser ceci ou cela... "On peut travailler d'une manière fondamentale.
En s'appuyant sur ce qui existe dans l'esprit, en regardant les actions passées, on connaît les résultats produits par telle ou telle tendance; on peut estimer ces résultats, voir s'ils sont positifs ou négatifs et essayer de comprendre pourquoi; quand on a compris pourquoi, et seulement alors, on peut dire: "Dans l'avenir, il y a ceci et cela à modifier pour obtenir des résultats réellement positifs et conformes à la voie que je poursuis.
L'entraînement de l'esprit commence donc par une prise de conscience de l'esprit et de ses mécanismes. Cela est extrêmement important, car si on se lance dans une pratique frénétique sans trop savoir ce que l'on fait, on risque de se tromper et, de toutes façons, on ne peut pas établir une pratique stable.
Gampopa a donné des conseils extrêmement précieux pour tous les pratiquants du dharma. Le premier de ses conseils est qu'il faut tourner son esprit vers le dharma. Qu'est-ce que cela signifie ?
Cela veut dire comprendre exactement ce qu'est le dharma et ce que l'on est soi-même. On ne peut pas se rendre vraiment compte du caractère merveilleux, précieux du dharma tant qu'on n'a pas compris ce qu'on est soi-même : si l'on ne s'aperçoit pas que l'existence humaine, qui est la nôtre, est quelque chose de tout à fait exceptionnel, on ne peut pas accorder au dharma toute la valeur qu'il a.
Le dharma est ce qui nous permet, si nous le pratiquons correctement, d'utiliser cette existence humaine à ce qu'il peut y avoir de plus formidable comme but à atteindre.
La première chose à faire est donc de considérer vraiment ce corps, cet esprit qui possède la nature de bouddha, ces conditions de relative liberté dans lesquelles on est placé, toutes ces possibilités qui nous sont données. On s'aperçoit alors que l'occasion de réaliser cette nature de bouddha nous est offerte.
Si nous faisons vraiment cet examen, si nous nous rendons vraiment compte de la situation extrêmement privilégiée dans laquelle nous sommes, nous avons une chance de voir que cette constatation ne reste pas simplement une idée, mais devient quelque chose de fondamental dans notre esprit, comme une partie de notre conscience, et qu'un sentiment d'urgence à utiliser cette situation pour parvenir à l'éveil devient une motivation extrêmement profonde: dans toutes nos actions, dans toutes les circonstances de notre vie, cette préoccupation est présente.
Nous voulons tous atteindre l'état de bouddha, mais en attendant il y a des étapes ; la pratique du dharma, c'est la pratique formelle, la méditation, les prières, les rituels, mais c'est aussi la vie quotidienne. Et à partir du moment où l'on a vraiment pris conscience du caractère précieux de l'existence humaine, où l'on a vraiment tourné son esprit vers le dharma, tout cela se retrouve intégré en une seule et même chose: il n'y a pas d'un côté la pratique et de l'autre côté la vie quotidienne, mais tout est conditionné par la préoccupation constante de se diriger vers l'éveil ; même si on n'en est pas complètement conscient, il y a toujours quelque chose dans notre esprit qui nous pousse dans ce sens. C'est un peu comme si l'on avait tout à coup découvert de l'or dans notre esprit, qui serait là en permanence et rendrait notre esprit précieux pour avoir changé sa nature.
Comprendre dans la détente et le non-agir.
Pour parvenir à la compréhension véritable du dharma et de notre situation présente, il faut développer autre chose que la simple réflexion et la simple attention que nous utilisons pour l'instant. Il faut développer le non-agir, la non-fabrication, la non-intervention. Habituellement, lorsque nous regardons quelque chose, nous le classons aussitôt dans telle ou telle catégorie: "C'est bon, c'est mauvais, c'est bien, ce n'est pas bien, ça me plaît, ça ne me plaît pas, ça doit continuer, ça doit s'arrêter, etc .
Nous portons ainsi sur toutes les choses un regard qui non seulement nous permet de les voir, mais les transforme immédiatement. Ce n'est plus simplement un objet, un être, une pensée ou une action que nous regardons, c'est un objet qui nous plaît ou nous déplaît, une pensée désagréable ou agréable, un être plaisant ou déplaisant, etc. Si l'on veut vraiment tourner son esprit vers le dharma, il faut s'entraîner à une autre manière de voir les choses, à simplement les considérer telles qu'elles sont, sans les qualifier de bonnes ou de mauvaises, sans intervenir
dans la réalité. C'est le but de la contemplation. On s'entraîne d'abord, dans la contemplation, à cette non-intervention, à ce non-agir de l'esprit et puis, petit à petit, cela s'étend à la vie quotidienne; on voit alors réellement les choses telles qu'elles sont. Tant que l'on fonctionne d'une manière interventionniste, tant que l'esprit intervient et que des phénomènes mentaux se rajoutent, on reste à la surface des choses, sans les comprendre ni les connaître; on perçoit une enveloppe, on ne goûte pas vraiment les choses ou les situations.
Par contre, lorsqu'on s'entraîne au non agir, non seulement on comprend les choses, mais encore on les sent, on les perçoit, elles font réelle-ment partie de notre conscience, pourrait-on dire. Quand on applique ce non-agir de l'esprit à la réflexion sur le caractère précieux de l'existence humaine, à la réflexion sur la nature de l'esprit, à la réflexion sur la nature du dharma, etc., non seulement on comprend intellectuellement de quoi il s'agit, mais en plus on le sait, on le possède, on vit cette compréhension. Là, on peut dire qu'on a réellement tourné son esprit vers le dharma.
Si l'on adopte une attitude correcte, on aborde le dharma, la voie vers l'éveil, d'une manière détendue. Si l'on s'entraîne à l'examen dont on a parlé, qui est dépourvu de fabrication, d'intervention, etc., on se libère par la même occasion progressivement de ce qu'on appelle les huit dharmas mondains, comme l'attachement au succès, la crainte de l'échec, l'attachement au fait d'être bien considéré ou mal considéré, etc.
Cette espèce de crispation de l'ego qui fait que nous envisageons toutes les situations avec une sorte de tension, partagés entre l'espoir que cela se déroule bien et la crainte que cela n'aille pas vrai-ment bien, n'est pas la bonne attitude pour aborder la voie qui mène à l'éveil. Cette voie conduit à la libération de toutes les limitations de l'esprit et donc de toute crispation; il y a ainsi une incompatibilité totale entre le fait de vouloir obtenir l'éveil et le fait d'avancer complètement crispé, en disant: "Est-ce que c'est bien, est-ce que ce n'est pas bien, est-ce que je pratique bien ou pas bien ? "
S'entraîner à la contemplation de toute chose d'une manière sereine, sans intervenir, mais en restant extrêmement lucide, s'entraîner à ne plus à être crispé sur le désir d'un résultat immédiat, mais à simplement attendre que les choses mûrissent est essentiel si l'on veut réellement obtenir un résultat dans la pratique du dharma.
Prendre conscience de ses émotions
Comme on vient de le dire, quoi que l'on fasse, où que l'on aille, on se rapproche progressivement de l' éveil dans toutes nos actions. C'est effectivement possible à partir du moment où l'on a réellement tourné son esprit vers le dharma et où l'on a appris à porter sur toute chose, en particulier sur son propre esprit, un regard clair, n'intervenant pas dans un sens ni dans l'autre. Quoi que l'on fasse, tant qu'on n'a pas atteint l'état de bouddha, l'esprit est habité par la colère, la jalousie, l'avidité, l'envie, l'aversion, l'attachement, etc.
Pour l'instant, on se dit: "Tout cela n'est pas bien, donc je ne veux pas le voir" et finalement ces émotions prennent le dessus et nous poussent, sans que nous le sachions, à accomplir des actes nuisibles et à entretenir des attitudes qui ne sont pas compatibles avec l'éveil. A partir du moment où l'on a décidé d'ouvrir les yeux, de ne pas juger, mais de voir clairement, il faut faire confiance à notre sagesse innée.
Nous avons tous la nature de bouddha, elle se manifeste quand même, et à partir du moment où l'on voit la colère, la jalousie, l'attachement excessif, etc., on est parfaitement capable de dire non et de ne pas se laisser entraîner par son aversion ou son avidité. Cela n'est possible que si l'on est capable de reconnaître ces choses-là, de les voir vraiment sans se voiler les yeux. On peut alors vraiment agir en conséquence et faire du dharma notre chemin: tous nos actes accomplis sciemment seront empreints de cette conscience même.
Si on se laisse emporter par la colère, on saura que la colère est présente et qu'il vaut mieux l'éviter; si par contre on voit la colère avant de se laisser emporter, on pourra peut-être dire non et trouver un autre moyen; de même pour la jalousie, etc. A chaque fois, on sera réellement conscient de ce qu'on fait et on prendra ainsi conscience de la nature de nos actes.
A la base des actes négatifs, il y a des émotions. La malveillance, la convoitise, l'aveuglement volontaire ont pour résultat le fait de nuire à autrui, de tuer, de voler, de mentir, de calomnier, etc. Il existe une relation directe entre les émotions et les actes négatifs, et lorsqu'on est conscient des émotions, on peut éviter de commettre des actes négatifs. Mais, si l'on n'en est pas conscient, si on ne veut pas les voir, il est impossible d'éviter les actions négatives.
S'approprier l'enseignement
Cela nous amène à parler de la manière d'accueillir et d'utiliser les enseignements. Nous écoutons des enseignements, mais il faut aussi réfléchir à leur contenu, et cela est directement lié à ce qu'on vient de dire. On écoute un enseignement et ensuite on réfléchit, en disant: " Oui, c'est un bon enseignement, je suis d'accord ou pas d'accord, etc.", mais cela ne suffit pas.
Malheureusement, on s'arrête très souvent là et finalement on se fait une idée un peu schématique des choses. Lorsqu'on dit que telle action est négative, que tel comportement mène à plus d'obscurité, etc., c'est parfaitement vrai, mais on le répète sans l'avoir intégré, sans que cela soit devenu une partie de nous-mêmes, une partie de notre esprit. Et dès qu'on a le dos tourné, on l'oublie et, au moment d'agir, on n'en tient pas compte du tout.
C'est très curieux, parce que, d'un côté, on sait ce qu'il faudrait faire et, de l'autre côté, on fait exactement le contraire. Cela vient de ce qu'on n'est pas allé assez loin dans la deuxième phase qui est celle de la réflexion. Il s'agit là de contemplation. Encore une fois, il s'agit d'aller voir si c'est vrai; on nous a dit que cela fonctionnait comme cela, que telle émotion existait, alors on regarde sans penser: "c'est bien ou c'est mal". On utilise cette contemplation qui ne rajoute rien, ce non-agir de l'esprit, et ensuite, quand on nous parle des conséquences négatives de tel mode de pensée, de telle action, on regarde vraiment autour de soi, dans la vie de tous les jours. Il faut faire cela encore et encore, avec décontraction, jusqu'à ce qu'on ait vraiment compris.
Ce n'est pas: "le lama me l'a dit" ou "je l'ai lu", c'est: "je le vois, parce que c'est clair et évident". Une fois que c'est devenu évident, on n'a plus peur, on est complètement décontracté, on n'a plus à craindre de se faire du mauvais karma ou de tomber dans l'erreur, parce que l'on sait, que l'on y voit clair et que tout naturellement on utilise les bonnes méthodes.
Mais tant qu'on n'a pas fait cet effort d'aller au-delà d'une simple compréhension consistant à dire: "oui, c'est bien, c'est ainsi", tant qu'on n'a pas fait l'effort de redécouvrir par soi-même, d'ouvrir les yeux par soi-même, on est toujours crispé quand on pratique le dharma, parce qu'on n'est pas sûr de ne pas se tromper. La seule manière de le pratiquer d'une manière décontractée, c'est d'aller suffisamment loin dans la réflexion et la contemplation pour que cela devienne complètement naturel.
On tend alors à ce que la pratique du dharma soit réellement notre vie et à ce qu'elle soit spontanée et naturelle. On n'a plus à se demander: "Du point de vue du dharma, vaut-il mieux faire comme ceci ou comme cela. L'action que l'on est amené à accomplir est tout naturellement l'action juste du point de vue du dharma. Cela ne peut se faire que lorsqu'on a vraiment intégré ce point de vue: on peut alors dire qu'on a réellement fait du dharma son chemin.
Les bienfaits de la compréhension
Trois choses se produisent. Tout d'abord, on accumule spontanément des actions positives puisqu'on a réellement compris la loi de causalité, qui n'est plus une notion intellectuelle, mais quelque chose que l'on sent, comme son équilibre corporel. Nous avons tous des tendances naturelles, venant de très loin, qui sont des tendances négatives, mais lorsqu'elles se manifestent, on en perçoit immédiatement le danger et on n'y cède pas forcément. On a plutôt tendance à favoriser les tendances positives. Ainsi, on pratique spontanément l'accumulation de karma positif.
Ensuite, on pratique la purification de l'ignorance petit à petit, on tend à rechercher toutes les occasions de clarifier sa pensée, d'affiner sa compréhension vécue, notre contemplation de la nature des choses et de l'esprit, et des émotions qui nous animent. On va donc vers un déblaiement de l'esprit et du karma à la fois.
Enfin, on développe tout naturellement la vigilance, qui est une concentration mais sans crispation, c'est la faculté de poser son esprit sur un sujet ou un objet et de le voir clairement, sans être distrait, sans passer d'une chose à l'autre. Là encore, c'est quelque chose qui tend à se développer tout naturellement.
Notre existence intègre complètement tous ces aspects d'une façon naturelle. Ce n'est pas pour cela qu'on est complètement débarrassé des tendances négatives ; elles sont toujours là, mais n'ont plus le même pouvoir et, en tout cas, ne nous empêchent plus ni de voir les choses telles qu'elles sont, ni de poursuivre notre chemin vers l'éveil.
Ainsi donc, pratiquer ce chemin parfaitement pur qu'est la voie du dharma, constamment pratiquer les deux accumulations, accumulation de karma positif, et par là même purification du karma négatif, et accumulation de sagesse. Ces deux accumulations se font d'une manière tout à fait naturelle et spontanée, à partir du moment où l'on a pris conscience des différentes tendances qui nous animent.
On s'aperçoit aussi que toutes ces tendances sont le résultat d'habitudes, habitudes d'esprit, habitudes d'agir et de ressentir, etc., prises au cours de temps extrêmement longs à partir des émotions comme l'aversion, l'attraction, l'ignorance. Les comportements renforcent les tendances, les tendances renforcent les comportements, et ainsi de suite. Une fois qu'on a pris conscience de cela, on peut progressivement changer ses habitudes; c'est ce qu'on fait au travers de la compréhension, de la vision claire de la situation, et c'est cela l'entraînement de l'esprit.
D'une part, on est beaucoup plus conscient de ce qui se passe à l'intérieur de l'esprit, d'autre part les actions que l'on accomplit sont beaucoup plus orientées d'une manière positive. Ces actions orientées d'une manière positive développent des habitudes et des tendances elles-mêmes positives qui combattent l'influence des tendances négatives. On assiste peu à peu à une modification du comportement, à une clarification de l'esprit et à une diminution de l'ignorance. En effet, dès qu'on a vraiment commencé ce cycle, on ne s'arrête plus, on avance vers davantage de compréhension et toujours moins d'ignorance.
L'aspiration à l'esprit d'éveil
Pour compléter ce tour d'horizon de la voie du dharma, il faut savoir que tout cela n'est vraiment valide qu'éclairé par l'esprit d'éveil, lorsqu'on cesse de considérer la progression spirituelle comme une affaire personnelle et égotique, pour la replacer dans un contexte beaucoup plus général. L'esprit d'éveil est ce qui permet de développer les qualités inhérentes à notre propre esprit. Il est impossible de développer la bodhicitta, l'esprit d'éveil, l'amour et la compassion sans les autres : nous avons absolument besoin d'eux. Tel est l'enseignement fondamental appelé l'entraînement de l'esprit.
Les autres, même et surtout lorsqu'ils nous font du mal ou qu'ils essaient de nous créer des obstacles, sont indispensables si nous voulons réellement développer l'esprit d'éveil. A partir de cette bodhicitta, de cette ouverture, il est possible de progresser régulièrement vers la réalisation, de développer les deux accumulations, de purifier complètement son esprit. Si l'on ne tient pas compte de cet esprit d'éveil et du fait qu'il est nécessaire de se tourner d'abord vers les autres pour progresser soi-même, on risque de se heurter à des obstacles considérables.
L'objet de l'esprit d'éveil, ce sont les êtres en général, les personnes, les animaux, etc. et il est essentiel de prendre conscience que, sans eux et sans l'amour et la compassion que l'on peut développer à leur égard, on est complètement impuissant à se diriger vers l'éveil. Ils représentent un élément totalement indispensable à notre propre éveil, et il faut s'habituer à les considérer sans les juger et à baser l'amour et la compassion que l'on peut ressentir pour eux sur quelque chose de solide.
Ressentir de l'amour et de la compassion pour quelqu'un que l'on aime bien ou qui souffre, c'est en fait développer de l'attachement; par contre, l'amour et la compassion pour les êtres prennent leur source dans la compréhension de la situation de ces êtres. On comprend ce qu'est la loi de causalité, on sait que tous les êtres sont soumis au karma et à l'ignorance et que, du fait de cette ignorance, ils créent leur propre souffrance par les actes négatifs qu'ils commettent.
Quand on constate la souffrance qu'il peut y avoir dans le monde autour de soi, sans parler du samsara en général, c'est quelque chose d'horrible, et on n'a qu'un désir, que cela s'arrête. Tout le monde a droit au bonheur, et notre souhait est que tous les êtres soient heureux. Qu'on connaisse les gens ou qu'on ne les connaisse pas, cela n'a aucune espèce d'importance. L'important est de considérer, d'une part, la loi de causalité, d'autre part, l'ignorance et ce système absurde qui fait que des êtres, par ignorance, se font du mal à eux-mêmes et aux autres. Il faut que cela s'arrête.
Voilà ce que sont l'amour et la compassion. A partir du moment où l'on commence à développer cela et où l'on se dit que cela ne doit pas avoir de limites, il s'agit d'une compassion qui s'étend à tous les êtres. Certains êtres sont horribles, certains êtres sont méchants, mais ils ont autant droit que les autres à notre compassion, parce que leur méchanceté et leur malveillance, bien que révoltantes, proviennent de l'ignorance et qu'ils se préparent ainsi des souffrances terribles. Il faut s'entraîner à l'amour et à la compassion, ils ne sont pas spontanés. Petit à petit, notre amour et notre compassion engloberont tous les êtres et, quels qu'ils soient, nous pourrons les regarder avec le regard de la bodhicitta. Cela est indispensable pour suivre le chemin parfaitement pur vers l'éveil.
Sincérité dans l'application
Il convient enfin d'insister fortement sur la façon de mettre en application ce qui vient d'être dit. Il existe deux façons de comprendre les choses, la façon intellectuelle, et l'autre façon qui consiste à examiner, aller voir, constater et dire:
" Ce n'est pas la vérité que l'on m'a transmise, c'est ma vérité, parce que je sais que c'est ainsi." Et quand on parle d'amour et de compassion vis-à-vis des êtres, ou quand on parle de bon ou de mauvais karma, cela doit représenter la vérité de chacun d'entre nous. Ce n'est pas parce qu'on nous a dit qu'il fallait développer l'amour et la compassion qu'on va se tourner vers les êtres avec amour et compassion: "Ah! le pauvre !'
Cette attitude est comme de la peinture à la surface de l'esprit, c'est une attitude plaquée, un simple décor. Ce qu'il faut, c'est simplement réfléchir, regarder, et puis, sans qu'on ait besoin de se dire qu'il faut éprouver de l'amour et de la compassion, on éprouvera spontanément de l'amour et de la compassion, parce qu'on aura compris et que cela sera notre vérité.
Dhagpo Kagyu Ling
Landrevie - 24290 Saint-Léon-sur-Vézère - tél : 05 53 50 70 75 -
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Dhagpo, siège européen de la lignée Karma Kagyu, est membre :
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