"Le bouddhisme est un mode de vie par lequel nous développons les qualités de notre esprit.
C’est un mode de vie très particulier, car c’est une façon d’atteindre le bonheur
sans nuire à autrui."

LE XVIIe GYALWA KARMAPA, TRINLEY THAYÉ DORJÉ

Revue "Tendrel"

Retrouvez sur cette page des enseignements parus dans la revue "Tendrel" éditée par Dhagpo Kagyu Ling jusqu'en 2002.

 

ALLOCUTION DE  SON  EMINENCE SHAMAR RINPOCHE

Shamar Rinpoché

Quelques mots de bienvenue

Aujourd'hui, sont rassemblés ici des représentants du monastère de Rumtek*, de purs moines, des Khenpo* et des Khenpo juniors qui, tous, ont une expérience personnelle de ce qui s'est passé à Rumtek durant ces quatre dernières années. Ils ont une connaissance directe de la tradition de Rumtek, de l'étude et de la pratique des enseignements du bouddha et ils savent également à quel point le monastère est en état de déclin.

Sont également présents beaucoup d'autres disciples du dernier Karmapa, Rangjung Rigpé Dordjé, qui viennent d'Himalaya, d'Asie, d'Europe et d'Amérique, venus ici pour participer à cette réunion. Je vous souhaite à tous la bienvenue et vous remercie d'être présents. Je veux aussi remercier les responsables et toute l'équipe qui a organisé cette conférence.

 

Certains d'entre vous représentent les différents monastères ou centres du dharma, d'autres sont simplement des disciples du XVI" Karmapa. Vous êtes tous venus ici avec l'espoir que moi, Shamar Rinpoché, j'éclaircisse la situation concernant les événements liés à la reconnaissance de la dernière incarnation du Karmapa, ce qui inclurait la révélation d'instructions laissées par le XVI" Karmapa. Je vais donc clarifier tout ce qui est arrivé jusqu'à maintenant et expliquer ce qui a été accompli.

 

Les instructions laissées par le lama

 

Dans la tradition monastique dont le Karmapa est le chef, différentes incarnations ont été retrouvées, identifiées, amenées au monastère et, par conséquent, intronisées ; il y a eu ainsi dix-sept Karmapa. En fait, si nous comptons toutes les incarnations, il yen a eu dix-huit, mais seulement dix-sept ont été établies au monastère. Le XIV" Karmapa ayant quitté son corps, il y eut des instructions concernant un jeune garçon qui ne vécut que trois ans, et qui ne fut donc jamais intronisé. C'est pourquoi ce Karmapa ne fait pas partie de la lignée officielle.

Néanmoins, son corps fut amené au monastère de Tsurphu* où il fut embaumé. Nous avons donc réellement dix-huit incarnations des Karmapa, alors qu'officiellement on n'en compte que dix-sept. Nous ne savons pas si le fait que ce Karmapa n'ait vécu que jusqu'à l'âge de trois ans est regrettable ou non, parce que les grandes incarnations ont un but spécifique lorsqu'elles se manifestent. Elles le font toujours pour le bienfait de tous les êtres. Des mille bouddhas de ce kalpa*, certains ne vivront que sept jours; pour se limiter à une aussi Courte vie, il doit y avoir des raisons particulièrement subtiles.

Voici presque quinze ans que le Karmapa Rangjung Rigpé Dordjé nous a quittés. Jusqu'à présent, nous n'avons pas encore reçu d'instructions laissées par celui-ci. Même moi, un des détenteurs de la lignée Karma Kamtsang*, je n'ai reçu aucune instruction de ce genre, et il en va de même pour les membres de l'administration du monastère. Nombreux sont ceux parmi l'entourage du Karmapa, les membres du monastère de Rumtek, tels que le maître de rituels, les Khenpo etc. qui sont ici présents, et aucun d'entre eux n’a reçu d’instructions non plus.

 

A propos de la nature de ces instructions, elles ne peuvent être comparées à celles laissées par des parents, tel un testament permettant le partage des propriétés entre les enfants. Les instructions laissées par des incarnations telles que le Karmapa sont fondées Sur d'autres motivations. Les bouddhas et les bodhisattvas n’envisagent pas seulement une seule existence mais ils considèrent le bienfait de tous les êtres.

Ils prennent en considération les diverses circonstances du moment, ainsi que les circonstances futures. On ne peut donc comparer cela avec la volonté des parents d'un défunt. Le processus de reconnaissance d'une incarnation est une pratique spirituelle. Et ce n'est pas non plus comparable à la volonté d'un roi vis-à-vis du prince régent. Le processus de reconnaissance et d'identification d'une incarnation est une pratique purement spirituelle.

 

Dans la lignée Karma Kagyu, le processus de reconnaissance est basé sur les enseignements du bouddha. En fait, l'identification d'une incarnation est une activité éveillée qui transcende l'activité des êtres ordinaires, elle n'est pas compatible avec la façon de penser et d'agir samsarique.

C'est du domaine des bodhisattvas qui parcourent les terres et les chemins de l'éveil. Une personne ordinaire qui pratique les enseignements du bouddha n'a pas les compétences nécessaires pour reconnaître une incarnation. Cela n'est possible que pour les êtres qui ont déjà atteint un haut niveau de réalisation et qui ont des capacités spirituelles particulières. Il doit s'agir de quelqu'un qui puisse voir à la fois le passé et le futur, ou d'une personne capable de communiquer directement avec une divinité de méditation.

La personne qui suit les instructions laissées par une incarnation doit avoir atteint un niveau de réalisation au-delà du monde ordinaire. C'est pourquoi, si des personnes n'ont pas atteint le niveau de réalisation requis, la reconnaissance ne peut se faire dans de bonnes conditions. La reconnaissance des incarnations est une activité éveillée. Si des individus interviennent, motivés par leurs ambitions personnelles, des objectifs financiers ou politiques, cela rend la situation problématique.

 

Par contre, si la personne responsable est un lama authentique, elle sera entourée de personnes qui ont foi en leur lama et en les enseignements; il n'y aura, alors, plus de problème. Par contre, si des personnes ordinaires prennent part à la reconnaissance, il n'y aura que des effets néfastes. Le processus de reconnaissance du dernier Karmapa a démontré cette difficulté. Cela a été très préjudiciable pour l'enseignement du bouddha.

 

On peut également considérer la situation autrement: les lamas et leurs disciples, tous ceux qui n'ont aucun intérêt à détourner le dharma pour la politique, sont restés unis, ce qui a fait progresser la situation.

Gardant cela à l'esprit, je voudrais vous expliquer en détails comment j'en suis arrivé à identifier Thayé Dordjé comme la réincarnation du précédent Karmapa.

 

Comme vous le savez, le XVle Karmapa, Rangjung Rigpé Dordjé, nous a quittés en 1981. Peu après, le dernier secrétaire général de Rumtek, Damtcheu Yongdu, fit la requête aux quatre régents, Shamar Rinpoché, Sitou Rinpoché, jamgon  Rinpoché et Gyaltsab Rinpoché de prendre ensemble la responsabilité d'identifier la nouvelle incarnation du Karmapa ; ce qui fut accepté par nous quatre.

 

D'un point de vue historique, cette initiative est une modernisation. Dans le passé, le Tibet comptait de nombreux maîtres bouddhistes qui accomplissaient une activité juste et entretenaient les uns avec les autres des relations fondées sur le dharma. Si l'un d'entre eux était considéré comme ayant des capacités spirituelles, il aurait certainement été choisi pour s'établir en méditation afin de découvrir les détails concernant l'incarnation.

Ce lama aurait sans doute eu une vision ou une expérience qui lui aurait indiqué le lieu où trouver l'incarnation. Il aurait alors discuté de cette expérience avec d'autres lamas. C'est de cette manière que l'on aurait identifié une incarnation.

La nouvelle procédure proposée par l'ancien secrétaire était une modernisation, une nouvelle façon de retrouver l'incarnation.

Finalement, c'est devenu comme l'équipe de directeurs d'une compagnie qui se réunissent une fois l'an. Je n'ai pas besoin d'expliquer pourquoi ce n'était pas très heureux, vous l'avez tous compris. Avant 1992, je n'ai jamais rien divulgué en public des discussions que nous avions entre régents lors des réunions, pas même à des proches ou à ma famille. En aucun cas, je n'ai utilisé ce qui a été dit. En 1992, il y eut une sorte d'explosion, qui m'amena à parler de tout cela avec les autres. C'est tout ce que je voulais dire sur le processus politique passé.

 

Rencontre avec Chobjé Tri Rinpoché

 

A présent, je souhaite expliquer quels ont été mes efforts, fondés sur le dharma, pour retrouver et identifier la réincarnation du dernier Karmapa.

En 1986, je supervisais la construction du KIBI (Karmapa International Bouddhist Institut) à New-Delhi. Durant cette période, je reçus la visite d'un grand maître Sakya*, Chobjé Tri Rinpoché, dont le monastère se trouve à Katmandou au Népal. J'ai une grande considération pour ce lama qualifié qui est un maître de haute réalisation spirituelle.

De plus, beaucoup de personnes appartenant aux différentes écoles du bouddhisme tibétain considèrent Chobjé Tri Rinpoché comme un saint. Sa Sainteté le Dalaï-Lama le tient en haute estime, ainsi que le faisait le XVè Karmapa. J'ai moi-même beaucoup de respect et de dévotion pour Chobjé Tri Rinpoché, qui m'a de même montré énormément d'affection.

 

Chobjé Tri Rinpoché, après avoir écourté une visite à un monastère Sakya à Moussurie, est venu à New-Delhi pour me rencontrer. Il voulait me voir au plus vite pour me dire: "Peu de temps avant que le dernier Karmapa, Rangjung Rigpé Dordjé, ne quitte son corps, j'ai eu un rêve, très tôt le matin. J'ai rêvé que Karmapa, vêtu des robes du dharma, circumambulait le stoupa de Bodnath ; il semblait fragile et faible.

Dans le rêve, cela m'attrista et je criai. Peu de temps après, le Karmapa nous a quittés." Chobjé Rinpoché était venu afin de me raconter un autre rêve, qu'il avait eu du Karmapa tôt le matin, quelques jours avant de venir à Delhi: "Sa sainteté était habillée avec les robes jaunes du dharma et circumambulait un stoupa. La couleur de ses robes était claire, étincelante.

Il portait la coiffe de Gampopa et il était très souriant." A midi, le jour même où il eut ce rêve, Chobjé Tri Rinpoché reçut la visite d'un proche venu de Lhassa qui apportait une photographie d'un jeune garçon réputé dans la région de Lhassa pour avoir dit: " Je suis Karmapa." C'est pour cela que Chobjé Tri Rinpoché était venu me voir à Delhi.

 

J'ai senti alors qu'il fallait que je me renseigne sur ce jeune garçon pour établir une connexion avec lui. Chobjé Tri Rinpoché me dit également: "Ne prenez pas de décisions sur la base de ce que je viens de vous raconter. Les décisions doivent être fondées sur les instructions transmises et sur les visions et expériences de maîtres spirituels qualifiés.

Néanmoins, il me semblait nécessaire de venir vous dire tout cela, parce que vous êtes le Shamarpa. Dans l'histoire de la lignée Karma Kagyu, il est bien connu que les lamas Shamarpa et les lamas Karmapa sont considérés comme inséparables." Le garçon sur la photographie était très jeune, il avait environ trois ans. Je ne parlai de toute cette histoire à personne.

La visite de Lopeun Tséchu à Lhassa

 

Début 1987, Lopeun Tséchu Rinpoché devait partir à Lhassa, en tant que représentant de l'Association Népalaise Bouddhiste; je lui ai alors demandé de se renseigner sur l'enfant de la photographie, ceci sans que quiconque ne soit mis au courant de cette démarche.

Le garçon habitait à Lhassa avec ses . parents dans un quartier appelé Bakhor. Son père était un lama Nyingma* appelé Mipham Rinpoché, qui avait deux fils, tout deux considérés comme extraordinaires par les habitants de ce quartier.

J'ai donc demandé à Lopeun Tséchu Rinpoché d'essayer de rencontrer la famille sans que quiconque puisse connaître le but de sa visite. Il revint avec des informations sur le nom de la famille, sur les lieux et les dates de naissance des fils, etc.

Mipham Rinpoché, le père, est la réincarnation d'un grand maître Nyingmapa qui est également lié à la lignée Kagyu. Lopeun Tséchu Rinpoché découvrit que celui-ci possédait des objets religieux ainsi qu'une lettre du précédent Mipham Rinpoché. Dans cette lettre, il était expliqué que sa prochaine incarnation aurait un fils nommé Rigpé Yéshé Dordjé.

La partie du nom Rigpé Dordjé est connectée au dernier Karmapa, Rangjung Rigpé Dordjé. Mipham Rinpoché ne voulant pas se séparer de la lettre, Lopeun Tséchu Rinpoché contacta un autre lama, ami proche de Mipham, pour convaincre celui-ci de l'autoriser à copier la lettre à la main. L'original a donc été conservé par Mipham Rinpoché, et j'en détiens une copie manuscrite.

Lopeun Tséchu a été la première personne que j'ai contactée pour s'informer sur le garçon. Il n'est pas un représentant officiel, que j'aurai mandaté pour rechercher le Karmapa, mais comme il allait de toute façon à Lhassa et qu'il est digne de confiance, je lui ai demandé de rassembler des informations. Lorsqu'à son retour il m'a fait part de ce qu'il avait découvert, je n'ai manifesté aucune réaction. J'ai gardé tout ceci pour moi.

 

Une deuxième personne à Lhassa

 

Pour avoir plus d'informations, j'ai envoyé une deuxième personne. Cette personne revint avec les mêmes informations que celles rapportées par Lopeun Tséchu Rinpoché, avec cependant une importante information supplémentaire. Un jour, l'enfant était sorti en promenade avec un ami proche de Mipham Rinpoché, au temple du Jokhang à Bakhor, connu pour sa statue du bouddha. L'ami portant l'enfant, ils circumambulaient le temple lorsqu'ils remarquèrent qu'une foule s'était formée; ils entrèrent alors à l'intérieur. Un lama de forte corpulence était en train de peindre le visage du bouddha à l'or.

On leur dit que ce lama venait d'Inde. Lorsque l'ami posa l'enfant à terre, celui-ci courut vers le lama et lui demanda: "Me reconnais-tu ?" Celui-ci répondit: "Non." L'enfant revint et ils retournèrent chez ses parents. L'ami raconta alors l'incident à la famille, ce qui attisa leur curiosité. Ils se renseignèrent et apprirent qu'il s'agissait de Gyaltsab Rinpoché. Ils s'apprêtèrent à le rencontrer avec le garçon, mais celui-ci leur dit: "Je ne veux pas le rencontrer, parce qu'il ne m'a pas reconnu." Cette histoire me fut rapportée par la deuxième personne envoyée à Lhassa.

 

En 1988, ici en Inde, j'ai rencontré un fervent disciple du dernier Karmapa, tout à fait digne de confiance, qui m'a certifié avoir reçu du dernier Karmapa des instructions à propos de l'incarnation. Il y a quelque temps, j'ai rencontré sa sainteté le Dalaï-Lama, qui me demanda si, effectivement, je connaissais une personne qui avait reçu des instructions sur l'incarnation du Karmapa ou si ce n'était qu'une rumeur. Je lui répondis que j'avais rencontré cette personne.

Quand sa sainteté me demanda quand je l'avais rencontrée, je lui répondis que cela s'était passé quelques années en arrière à Bénarès, lors d'une rencontre entre les différentes écoles du bouddhisme tibétain. Sa sainteté me demanda l'identité de cette personne, mais je répondis que je ne pouvais pas la lui donner.

 

Sa sainteté insista pour avoir cette information, toutefois je persistais à penser qu'il était préférable de ne pas révéler son identité. La personne à laquelle je fais souvent référence et qui détient des instructions authentiques est cette personne que j'ai rencontrée à Varanasi.

 

Une troisième personne à Lhassa

 

Parallèlement à mes rencontres avec les trois rinpoché, je poursuivais secrètement mes recherches sur l'enfant dont je vous ai parlé. J'envoyai donc une troisième personne à Lhassa afin qu'elle entre en contact avec la famille. Le père, qui est un lama et un maître spirituel, était souvent sollicité par les uns et les autres. D'ailleurs beaucoup de lamas vivent dans la région habitée par cette famille. Leur maison restait accessible à tous. De ce fait, n'importe qui pouvait passer pour demander un avis ou solliciter une bénédiction. Ce n'est pas comme ici où les gens doivent prendre un rendez-vous.

Je conseillai à la personne que j'avais envoyée à Lhassa de prendre contact avec la famille en prétendant avoir besoin d'un conseil. Il avait pour mission de rencontrer souvent la famille afin de pouvoir observer l'enfant. Lorsqu'il arriva dans la région de Bakhor, il circumambula les temples, puis il se présenta chez la famille où il rencontra un jeune enfant au visage agréable qui lui dit immédiatement :

"Vous êtes venu me voir". L'adulte ne répondit pas et demanda à rencontrer le père. L'enfant le conduisit dans la maison et il obtint les conseils dont il avait prétendument besoin. Il resta à Lhassa peu de temps. Il revint en possession d'informations assez identiques à celles

que je possédais déjà.

Le fait que l'enfant ait indiqué à cette personne qu'il savait qu'elle viendrait le voir était révélateur d'un être non ordinaire. Seules des réincarnations d'êtres de haut niveau spirituel

ont cette perception très fine qui leur permet de connaître les objectifs de celui ou de celle qui se trouve devant eux. Cette qualité émerge souvent dans l'histoire des incarnations et c'est une compétence exceptionnelle que possède celui qui a un haut niveau spirituel.

Pendant ce temps, les rencontres avec les trois rinpoché continuaient. Étant donné qu'elles devenaient de plus en plus politiques, je ne pouvais parler de l'information que je possédais. Je n'étais pas sûr de pouvoir faire entièrement confiance à toutes les personnes qui se trouvaient là. Ceci n'est pas dû à un manque de respect de ma part; c'est malheureusement ainsi qu'était la situation.

 

Retraite

 

Afin de déterminer qui était cet enfant, il m'a semblé important de m'en aller faire une retraite. C'est ainsi que nous procédons habituellement afin de déterminer nos choix quant à une incarnation. Afin de savoir où elle se trouve, il n'est pas possible de simplement tracer un plan d'action et de s'y tenir. Le Karmapa n'avait pas, pour des raisons inconnues de nous, laissé d'instructions qui nous soient accessibles à ce moment là. Donc, dans de telles circonstances, le seul moyen d'obtenir de véritables informations était la méditation, et comme je voulais vraiment trouver l'incarnation authentique, c'est ce que je fis.

 

Au matin du septième jour de la retraite, le Karmapa m'apparut en rêve. Il était assis sur un siège, accomplissant un rituel pour les morts, afin de les libérer des souffrances du monde. Cette pratique est aussi faite pour les gens qui sont très malades. Dans le rêve, sa sainteté me dit: "J'ai libéré la personne que je devais libérer. De ce fait, je peux maintenant aller où tu le désires.

Je passai le jour suivant à prier mon yidam, ma divinité de méditation. J'étais maintenant quasiment certain que l'enfant que j'avais rencontré à Lhassa était l'incarnation authentique que je recherchais. Mais je voulais aussi obtenir les indications me permettant d'être sûr qu'il servirait le bouddha et le dharma à la mesure de son statut.

 

Le rêve

 

En réponse aux questions que je me posais, je fis un autre rêve le lendemain. Je rêvai de l'apparition d'une immense statue du bouddha, en or. Devant la statue, des rangées de bols d'offrande remplis d'eau parfumée. Dans le rêve, j'étais sur le point de consacrer la statue. Comme vous le savez probablement, il est de coutume pour le lama, dans de telles circonstances, de jeter du riz afin de consacrer l'objet. Les grains de riz que je lançai se démultiplièrent et se transformèrent en pluie qui tombait sur la statue du bouddha. Derrière la statue, se trouvaient d'innombrables statues du bouddha, et, en leur centre, il y avait un lampe à beurre remplie à rabord.

Au centre de la lampe à beurre, à la place de la flamme, il y avait une boule lumineuse d'où rayonnait une lumière. Bien sûr, ceci étant un rêve, personne n'est là pour confirmer ce que je vous dis. Toutefois, j'ai ressenti cela comme une confirmation que l'enfant de Lhassa était bien la réincarnation que je recherchais. J'étais très excité à cette idée et je décidai d'aller à Lhassa incognito. J'allai là-bas sous l'identité d'un homme d'affaires, et j'en profitai pour me rendre au temple dans la région de Bakhor. J'entrai peu à peu au sein de la famille où je pus observer l'enfant.

 

Shamar Rinpoché à Lhassa

 

N'ayant jamais été à Lhassa auparavant, j'imaginais que le secteur de Bakhor était très grand. Mais c'est un endroit assez petit, à l'image d'un petit monastère. Il devint peu à peu évident que je n'allais pas pouvoir me fondre dans la foule. Il y avait des marchands venant du Tibet, de l'Inde et du Népal, et il pouvait très bien se trouver parmi eux quelqu'un qui me reconnaisse. De ce fait, entrer dans la famille et observer l'enfant pourrait

entraîner des conséquences négatives. J'avais appris que les autorités étaient au courant de ma présence et suivaient mes faits et gestes. J'aurais voulu aller à un endroit du Tibet appelé Tsari, ainsi qu'au Lac Blanc, afin d'y effectuer une retraite de sept jours. Ce lac est important dans l'histoire de la lignée Kagyu, car l'on s'y retirait fréquemment afin d'y obtenir des informations sur un candidat potentiel.

Toutefois, étant donné les circonstances, j'ai dû changer mes plans. J'avais voyagé jusqu'au Tibet en passant par Hong-Kong et Chengdu, pour finir par découvrir que, malgré ma couverture d'homme d'affaires, je ne pouvais pas demeurer incognito. Afin de détourner l'attention des autorités, j'entrepris un voyage dans une région touristique appelée Namtso, au nord du pays. De retour à Lhassa, je pris le premier avIon en partance pour Katmandou.

 

J'aimerais vous parler d'un autre incident dont je fus en partie responsable. En 1988, Dilgo Khyentsé Rinpoché avait été informé par l'une des SCEurs du roi de Bhoutan, la princesse Seunam Cheudreun, qu'elle avait eu une vision dans laquelle elle avait obtenu des informations concernant la réincarnation du Karmapa. Elle avait mentionné un lac dans la région de Tö comme étant le lieu de la réincarnation du Karmapa. Dilgo Khyentsé Rinpoché fut informé de tout ceci par la princesse en personne. Il envoya un courrier à ce sujet à Sitou Rinpoché, Jamgon Rinpoché, Gyaltsab Rinpoché, sa sainteté le Dalaï Lama et moi-même.

Lorsque je parvins au Tibet, je me suis entretenu de cette lettre avec l'un des secrétaires du siège du Shamarpa, au monastère Yangpa Chen. Je n'avais pas d'objectif précis en faisant cela. Ce fut un acte spontané. Mais il semble que, par la suite, il transmit lui-même cette lettre au monastère de Tsurphu et qu'il s'en suivit un certain nombre de conséquences. Mais comme nous avions tous reçu cette lettre, cet événement n'avait rien de spécial. Je veux préciser par là que je n'ai pas été au Tibet suite à la vision de la princesse Seunam Cheudreun. J'y ai été pour me renseigner sur cet enfant dont je vous ai précédemment parlé.

 

Divination

 

A cette époque, Lama Tsultrim Dawa, un lama senior, fut mon conseiller. Il était avec moi depuis de nombreuses années. C'est quelqu'un envers qui j'ai beaucoup de respect à cause de ses capacités spirituelles. Ce lama vivait au monastère de Swayambhou à Katmandou. De retour au Népal, je lui ai demandé d'aller à Parphing, à l'extérieur de Katmandou. Il y a, à Parphing, une image de Tara qui a émergé spontanément, et qui est un lieu de vénération. Dans le bouddhisme tibétain, lorsque l'on désire obtenir des indications sur une réincarnation ou des conseils sur d'autres sujets, il est d'usage de mettre sur papier les différentes possibilités envisagées, de rouler ensuite ces bouts de papier en boule avec de la pâte et de les disposer dans un récipient.

Puis l'on se rend dans un lieu sacré et pendant que l'on fait tourner le récipient, on prie afin que tombe le bout de papier comportant les indications correctes. Parphing est très fréquenté, et il y avait alors beaucoup de rumeurs en cours concernant l'incarnation du Karmapa. Étant donné les circonstances, j'envoyai donc Lama Tsultrim à ma place. Il yavait deux possibilités écrites sur deux bouts de papier distincts. Sur l'un de ces papiers, il était indiqué que le fils de Mipham Rinpoché, Tendzin Khyentsé (c'était le nom de Thayé Dordjé à l'époque), était la réincarnation du Karmapa. Sur l'autre bout de papier, il était dit qu'il n'était pas la réincarnation. Ces deux bouts de papier furent roulés dans deux morceaux de pâte et mis dans un récipient.

Après avoir fait tourner le récipient, l'un des bout de papier tomba. C'était celui sur lequel il était indiqué que le fils de Mipham Rinpoché, Tendzin Khyentsé, était bien la réincarnation du Karmapa. Le même procédé fut utilisé le lendemain dans le quartier de Dulikhel, à Katmandou, où se trouve une image sacrée de Mahakala. Le même bout de papier tomba à nouveau.

Le jour suivant, Lama Tsultrim Dawa se rendit dans un autre endroit sacré, toujours à Katmandou, où se trouve une peinture de Mahakala faite par le dixième Karmapa, Choying Dordjé. A nouveau, le même bout de papier tomba. Et puis Lama Tsultrim Dawa se rendit, de son propre chef, dans un autre lieu sacré de Katmandou, appelé le Noble Bouddha Blanc du Monde. Et c'est toujours le même bout de papier qui tomba. Ceci finit par me convaincre que Tendzin Khyentsé était bien l'incarnation authentique du Karmapa.

 

La "lettre de prédiction"

 

A ce moment de mes recherches, je me demandai s'il était approprié que je parle aux autres rinpoché de mes découvertes. C'est à cette époque que nous eûmes une nouvelle réunion. Vous êtes probablement au courant des événements qui eurent lieu pendant cette réunion. Je ne souhaite pas entrer dans les détails étant donné les conflits encore en cours.

Comme je m'étais rendu compte que l'ambiance était plutôt à la politique, je décidai de ne pas parler de mes découvertes aux autres. J’avais le sentiment que je ne pourrai peut-être pas faire confiance à tout le monde. Je ne voulais pas mettre l'incarnation de sa sainteté dans une situation politique comportant trop d'obstacles à son activité, car il n ' aurait alors pas les mains libres afin d'agir pour le bien de tous les êtres. J’avais eu cette préoccupation tout au long de mes recherches.

En conséquence de quoi, je gardai l'information pour moi. J'estimais que les échanges, les discussions n'auraient pas été les mêmes que dans l'ancien Tibet. En effet, la situation avait évolué, il n'y avait plus de discussions d'ordre purement spirituel. Après que nos désaccords furent mis sur la place publique, il n'y avait plus moyen d’entamer avec les autres un échange sur les informations que j'avais en ma possession.

Je restais en contact étroit avec la personne qui m'avait dit avoir des informations sur le Karmapa. J'obtenais chaque fois un peu plus d'informations et quand je fus vraiment convaincu que l'enfant de Lhassa, Tendzin Khyentsé, était bien la réincarnation authentique, j'entrai en contact avec cette personne pour savoir s'il avait quelque objection. A chaque fois, il me répondit que non, mais qu'il ne pouvait pas révéler les informations qui lui avaient été confiées, et ceci jusqu'au moment où il en recevrait l'ordre.

En 1992, lors d'une rencontre avec les autres rinpoché, Sitou Rinpoché nous présenta ce qui est écrit dans "la lettre de prédiction". Ainsi que je vous l'ai déjà dit, je ne trouvais pas cette lettre très convaincante. Je signalai à chacun que l'écriture me semblait différente de celle du Karmapa. Je leur montrai que la signature était floue et que je souhaitais voir cette lettre authentifiée par un professionnel. Je leur dis que si la lettre était authentifiée par des tests, je n'émettrai aucune objection.

Mais comme vous le savez tous, les tests n'ont jamais eu lieu. Par contre, beaucoup d'événements désagréables eurent lieu. Je pris à nouveau contact avec cette personne dont je vous ai précédemment parlé pour la tenir au courant du tour que prenaient les événements. Je lui demandai conseil sur "la lettre de prédiction" de Sitou Rinpoché et s'il pensait qu'elle était authentique. Il me répondit qu'elle n'était pas authentique, mais que nous n'y pouvions rien et qu'à partir de là il valait mieux laisser les autres agir comme ils l'entendaient. Il m'invita à il rester à l'écart de tout cela. Par contre,

il m'était difficile de ne pas intervenir du tout. J'imagine que vous êtes tous au courant de tous ces événements, et je n'en dirai donc pas plus.

 

Le Karmapa vient en Inde

 

Un an passa. De plus en plus de personnes ayant des penchants politiques s'étaient impliquées dans la recherche de l'incarnation. Au début de 1992, beaucoup d'événements malheureux se déroulèrent au monastère de Rumtek. Ce qui avait été créé là-bas en terme d'institution monastique, tant au niveau de l'enseignement que de la méditation, était détruit.

 

Comme je l'ai mentionné plus tôt, des gens du monde reprirent les paroles du bouddha à leur compte et, sous prétexte de suivre une démarche spirituelle, ils intervenaient et en fait asseyaient ainsi leur position, pour satisfaire des objectifs personnels.

La recherche de l'incarnation du Karmapa était ramenée à un niveau si bas que les gens en parlaient à Gangtok, sur la place du marché appelé "Lal Bazaar". Discussions et décisions y avaient cours Concernant l'incarnation de sa sainteté. Pendant plusieurs années, je ne sus que faire tant la situation s'était détériorée.

Je disais aux personnes que je pensais authentiques de patienter et d'attendre. Mais comme il est difficile d'attendre pendant de longues périodes, j'ai décidé de vous donner l'information que je suis Sur le point de vous divulguer. l'ai pris cette décision car vous êtes d'authentiques disciples du Karmapa. Comme je vous l'ai dit, je ne savais pas quoi faire pendant un temps. C'est Pour cela que je me suis contenté d'attendre.

Toutefois, comme je suis maintenant convaincu que Tendzin Khyentsé est l'incarnation authentique, je l'ai invité à venir en Inde. Ce qu'il y a d'extraordinaire au sujet de Tendzin Khyentsé et de sa famille c'est qu'ils ont pu quitter le Tibet par des voies entièrement légales. La famille était en quelque sorte sous liberté surveillée au Tibet, c'est pourquoi ils ont décidé de quitter le pays. Ils ont pu effectuer ce voyage et arriver en Inde.

Conclusion

 

Durant toutes ces années, j'ai gardé le contact avec la personne qui détient les instructions provenant de feu Karmapa. je l'ai informée de chacune de mes initiatives et elle n'a jamais émis d'objection à ce que je mettais en oeuvre. Lorsque j'invitai Tendzin Khyentsé et sa famille, j'en informai cette personne en lui fournissant tous les détails. je lui dis que j'avais l'intention de rendre ma décision publique et lui demandai s'il y voyait un inconvénient. Il me dit que non. Il eut les paroles suivantes: "Vous êtes l'incarnation de Shamar, je ne vois rien à redire à votre action en cours".

Je demandai à cette personne de me révéler les instructions qui lui avaient été confiées, mais il me répondit qu'il ne pouvait pas le faire avant d'y avoir été lui-même autorisé. Il insista pour faire les choses exactement comme il lui avait été demandé de les faire. Comme il est difficile pour des fidèles d'attendre encore pendant de nombreuses années, je décidai de communiquer au moins les circonstances qui ont entouré ma reconnaissance de sa sainteté le dix-septième Karmapa.

D'un point de vue historique, ma position est telle qu'il est approprié que j'agisse ainsi. Bien sûr, les choses auraient été plus simples si l'incarnation de sa sainteté était née au Sikkim, au Bhoutan, ou dans un lieu de ce type. Les problèmes liés aux documents officiels nécessaires au voyage auraient été évités.

Toutefois, il ne s'agit pas d'influencer les circonstances à cause de telles raisons. 

L' incarnation doit être authentique. Etant donné les instructions spécifiques que feu le Karmapa avait confiées à la personne dont je vous ai parlé, je ne peux en dire plus. L'ancien Karmapa avait ses raisons en laissant ses instructions sous cette forme. Ses intentions et ses buts ne peuvent pas être compris par des personnes ordinaires. Ils sont basés sur une grande sagesse et, comme la personne qui détient ces instructions a pour consigne de les garder par devers lui pendant un certain temps, je ressens qu'il est important de respecter cela.

Il ne m'a pas informé sur le contenu de ces instructions. Si, individuellement ou en tant que groupe, vous estimez que son identité doit vous être révélée, je pourrai vous le présenter. Mais tout d'abord réfléchissez pour savoir s'il serait bénéfique d'agir ainsi. Vous êtes tous venus ici dans l'espoir de découvrir les instructions qu'avait laissées l'ancien Karmapa.

Vous vous sentez concernés à juste titre, et vous avez maintenu vos engagements envers sa sainteté, vous ne vous êtes pas impliqués dans des actions violentes, dans des actions qui ne siéraient pas à des gens qui suivent la voie du bouddha et du dharma. De ce fait, je me sens bien avec ce que je vous ai dit. S'il s'agissait d'un rassemblement composé de gens ayant des objectifs politiques et si les participants n'avaient pas de dévotion envers le Karmapa, je n'aurais rien dit. Mais je crois que vous êtes tous dévoués au Karmapa et que vous avez maintenu vos engagements envers lui. C'est pourquoi j'ai décidé de vous donner ces informations.

 

Je remercie les organisateurs qui avaient demandé qu'entre autres choses je vous communique cette information, et je suis très heureux d'avoir eu l'occasion de vous parler aujourd'hui.

 

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