"Le bouddhisme est un mode de vie par lequel nous développons les qualités de notre esprit.
C’est un mode de vie très particulier, car c’est une façon d’atteindre le bonheur
sans nuire à autrui."
LE XVIIe GYALWA KARMAPA, TRINLEY THAYÉ DORJÉ
"Le bouddhisme est un mode de vie par lequel nous développons les qualités de notre esprit.
C’est un mode de vie très particulier, car c’est une façon d’atteindre le bonheur
sans nuire à autrui."
LE XVIIe GYALWA KARMAPA, TRINLEY THAYÉ DORJÉ
Retrouvez sur cette page des enseignements parus dans la revue "Tendrel" éditée par Dhagpo Kagyu Ling jusqu'en 2002.
Lama Jigmé Rinpoché
L'important est la prise de conscience de soi, actions qu'on entreprend et de l'attitude de l'esprit. Les actions ne se situent pas seulement au niveau corps. Ce sont également les paroles et les pensées. Ces trois types d'activités sont des actions dirigées soi vers autrui; il faut donc avoir présentes à l'esprit cette loi du karma et la notion d'acte bénéfique négatif.
Tsultrim, l'éthique juste
Pour cela, on développe la compréhension des conditions de ces actions, tsultrim en tibétain. On acquiert la compréhension de ce qui est véritablement, nuisible ou néfaste et de ce qui est véritablement positif ou bénéfique. On traduit généralement tsultrim par « éthique » ou « morale ». Mais ces termes sont trop restrictifs. Tsultrim est une notion beaucoup plus large. Il ne s’agit pas simplement d’appliquer les règles, mais de comprendre en profondeur et donc d’accepter de s’engager dans ce qui est bénéfique et de se détourner de ce qui est négatif.
Tsultrim est une prise de conscience très large de l'action entreprise et de ce qui nous anime lorsqu'on agit. Il faut se souvenir des trois poisons - le désir, la colère et l’ignorance - présents dans l'esprit, qui nous poussent à réagir suivant les circonstances. Si on ne développe pas tsultrim, on risque d'être emporté par des actions dont le résultat sera pénible pour tout le monde. Il faut donc essayer de développer tsultrim, sans pour autant la figer dans des règles de discipline, mais en l’élargissant à une compréhension et à une acceptation.
Prenons l'action de tuer. Il est dit que tuer est un acte à proscrire, mais il faut savoir ce qui anime celui qui commet un tel acte. On peut tuer par désir, on peut tuer par colère, on peut tuer par ignorance. Il est très important de déterminer l'impulsion première. On peut tuer sans savoir que c'est mal de le faire; on tue alors par ignorance. On ne se met pas à la place de l'autre car on est centré sur son propre point de vue, et on tue en se disant que cela n'a pas vraiment une grande importance. Certaines personnes, par exemple, prennent un grand plaisir à chasser. Elles n'éprouvent pas de haine ni de désir vis-à-vis des animaux qu'elles tuent, mais elles n'ont pas conscience de la loi du karma et ne savent pas qu'elles commettent ; une action nuisible qui engendrera des conditions adverses. On peut aussi tuer par colère ou par haine. Quand quelqu'un nous dérange, il arrive qu'on développe une forte colère et qu'on réagisse en supprimant l'obstacle qui se place devant nous, en l'occurrence en tuant. On peut enfin agir sous l'influence du désir: on a besoin ou envie de se procurer quelque chose, et on tue pour satisfaire ce besoin ou cette envie.
Comprendre les émotions pour les transformer.
Il importe d'avoir conscience de ces trois poisons, parce qu'ils sont à la base de toutes les perturbations et de toutes les actions qu'on entreprend sous l'influence des émotions. Quelles que soient les actions entreprises, il ne s'agit pas de dire: "à partir de maintenant, c'est terminé et d'arrêter comme cela. Il est beaucoup plus important de comprendre et d'avoir conscience de ce qui se passe pour effectivement transformer les actions, les stopper ou les accroître.
Les actions se situent à trois niveaux: le corps, la parole et l'esprit. Elles sont toutes aussi importantes les unes que les autres. On peut évidemment développer une action jusqu'au bout, c'est-à-dire qu'une pensée se traduit vers l'extérieur par l'intermédiaire de la parole et du corps. Mais il faut savoir que la simple action la pensée est importante. On peut penser à quelque chose et en rester au niveau l'esprit. S'il s'agit d'une pensée entachée de l'un des trois poisons, ce n'est pas car il en restera des traces: il existe une certaine portée de l'action au niveau l'esprit et, même si l'on ne va pas jusqu'aux actes, il y a quand même nuisance, serait-ce qu'au niveau de nous-mêmes et de notre esprit. On peut aussi créer beaucoup de causes par l'intermédiaire de la parole; il faut donc être vigilant quand à son emploi. Et au niveau du corps, quand on agit, des résultats très divers peuvent survenir selon la motivation première.
Tsultrim est fondamentale. Il est nécessaire d'avoir conscience de ce qui se passe à tous les niveaux - esprit, parole et corps - et de réaliser dans quelles conditions nous nous trouvons, dans quelles conditions se trouvent les personnes qui sont face de nous et quel résultat entraîne chacune de nos actions. Grâce à une telle prise de conscience, on agit en connaissance de cause et on peut dès lors dire qu'on vraiment développé tsultrim, la conduite éthique.
S'il y a des actes à éviter absolument tels que tuer ou voler, etc., il y a aussi des actes où l'on a le choix, et il n'est pas toujours évident de savoir s'il faut agir comme ceci ou comme cela : nous sommes souvent confrontés au choix dans l'action alors que la situation n'est pas forcément évidente. C'est là qu'il est important d'avoir développé tsultrim car c'est à nous de discriminer, d'observer et de savoir quelle l'attitude correcte.
Le Bouddha a donné nombre d'enseignements sur les comportements corrects adopter, ainsi que sur la loi du karma. Il faut ensuite voir comment nous pouvons nous en servir. C'est en effet à nous de savoir à quel niveau nous nous situons quelles sont nos capacités, comment nous comportons nous, dans quel sens pouvons nous aller, enfin de voir la situation générale dans laquelle nous nous trouvons. Dès lors nous n'aurons pas d'idée préconçue sur ce qu'est il comportement correct et ne risquerons pas de devenir fanatiques; au contraire nous relativiserons les choses en nous rendant compte de ce que nous sommes capables de faire.
Faire le bon choix
Même si l'on n'aime pas accomplir telle ou telle action, on s'aperçoit que, de par les circonstances et la condition dans laquelle on se trouve, on est poussé à agir de telle ou telle manière. On se rend compte également qu'on a souvent tendance à agir dans tel sens sans vraiment savoir pourquoi ni comment. C'est donc un processus individuel, une compréhension intime et particulière qu'il faut développer à la lumière des enseignements du Bouddha, afin de reconnaître les comportements qui nous sont accessibles et ceux qu'il faut modifier. La motivation première est évidemment d'agir pour le mieux, mais chacun se situe à un niveau différent, avec des circonstances et des comportements différents. Agir pour le mieux revient à dire qu'on essaie d'accroître et de développer toutes les actions positives et d'abandonner tous les actes qui sont nuisibles non seulement pour les êtres autour de nous, mais aussi pour nous-mêmes.
Nous avons parlé de la sangha précédemment. Le sens de notre vie est souvent influencé par ceux qui nous entourent. Du fait de notre état d'ignorance, nous ne savons pas toujours quelles sont les actions vertueuses vers lesquelles il faut tendre, ni quel sens donner à notre vie. Si nous avions dépassé ce stade d'ignorance, nous aurions l'esprit très clair et saurions toujours quelle action est correct. Comme ce n'est pas le cas, nous nous laissons influencer par les personnes qui nous entourent, et si quelque chose nous semble bien, nous sommes tentés d'aller dans cette direction. C'est pourquoi il est très important de s'en remettre à l'influence d'une sangha possédant de vraies qualités positives et reliée à tsultrim,
Il y a quatre ans, un ami m'a accompagné à l'aéroport de New York. Quelques instants après mon embarquement, je fus rejoint par cet ami qui venait me dire au revoir. Fort étonné, car il n'est pas permis normalement de monter dans l'avion sans billet, je lui demandai comment il avait fait pour venir jusque là. Il me répondit : "J'ai utilisé un moyen très simple. Je me suis présenté au service d'immigration en demandant à passer; on m'a demandé pourquoi et j'ai dit que je devais m'occuper de personnes qui allaient prendre l'avion. La personne du service d'immigration a refusé, expliquant que cela était interdit. Je lui ai répondu que c'était très ennuyeux car, ces personnes étant célèbres, on ne pouvait pas les laisser comme cela. L'officier m'a demandé qui étaient ces personnes. Je lui ais répondu: "Comment! Vous ne lisez donc pas les journaux ? I1s parlent tous de leur venue, et cet homme, de peur de paraître stupide, m'a laissé passer." (Lama Jigméla précise qu'il n'avait pas du tout fait la une des journaux !) Cet ami avait trouvé un moyen habile pour obtenir ce qu'il voulait, mais un moyen basé sur la tromperie et utilisant la naïveté de l'interlocuteur. En regardant les choses, on se dit d'abord que cet ami est quelqu'un d'assez génial, et on aurait tendance à souhaiter être comme lui. C'est là où il faut être très vigilant et avoir présente à l'esprit cette notion de tsultrim. En regardant l'histoire en détail, on voit qu'il s'agit d'une tromperie associée au mensonge et à l'exploitation de la naïveté des autres. Ce n'est donc pas une action correcte. Il faut développer tsultrim, la vision de ce qui est juste et de ce qui ne l'est pas, sinon nous risquons de nous laisser fasciner par des actions qui au premier regard semblent excellent, alors qu'elles sont sous l'influence d'un poison, en l'occurrence ici l'utilisation des autres. A priori ce n'est pas très grave, mais cela laisse des empreintes dans l'esprit, qui deviennent de plus en plus profondes et ne sont pas tournées vers le respect et le bienfait d'autrui.
L'amour, un sentiment plus large.
Le développement de l'amour et de la compassion permet de comprendre vraiment ce qu'est tsultrim et pourquoi il est nécessaire de rencontrer une sangha qui possède des qualités véritables. Sans l'amour et la compassion, on ne développe pas attention et une vigilance suffisantes pour être certain de se comporter à chaque instant de façon correcte. Sans l'amour et la compassion, on est obnubilé par nous-même, et lorsqu'on voit que quelque chose nous est profitable et nous fait plaisir, on ne se pose pas trop de questions et on persévère dans ce sens. L'amour n'est le fruit d'un désir et ne se limite à une ou deux personnes, ou à un environnement quelconque. L'amour est un sentiment beaucoup plus large qui s'étend à tous êtres sans exception. Quand on voit un chien, on le trouve peut-être gentil, mais n'éprouve pas forcément pour lui ce sentiment profond qu'est l'amour véritable. Celui-ci ne s'élève qu'à partir du moment où l'on est conscient des conditions lesquelles se trouve le chien, de ses nécessités et du contexte où il vit. Quand on voit un lapin dans un champ, on le trouve sans doute mignon mais, encore une fois,on reste à la surface et ce n'est pas de l'amour qu'on éprouve mais simplement un petit regard sympathique en passant, car on ne voit pas les conditions de vie de l'animal. Nous n'aimons pas trop nous poser des questions désagréables, ni penser aux peurs qui habitent les êtres, comme celle d'avoir à endurer des conditions difficiles par exemple le froid, etc. Nous préférons penser à notre environnement douillet calme. Notre amour est donc limité. Pour étendre l'amour et la compassion, il faut regarder les conditions dans lesquelles sont placés les êtres, et leurs besoins: il faut se mettre à leur place. On s'aperçoit finalement qu'ils ont des conditions de vies difficiles et que leurs sensations et leurs aspirations sont identiques aux nôtres. Un véritable amour et une compassion authentique s'élèvent alors, s'étendant à tous, l'action qu'on entreprend est dès lors beaucoup plus large. Sans une telle démarche, on s'enferme dans un amour limité à un territoire connu. Ce n'est pas vraiment de l'amour; au contraire, cela renforce la distinction entre ce qu'on aime et ce qu'on n'aime pas. On aboutit ainsi à une sorte de jugement sans une attitude vraiment équanime.
Il est possible de comprendre ce qu'est l'amour ou la compassion et de ne p pouvoir de les mettre en pratique. Il y a effectivement des choses qui sont difficiles à faire. C'est l'entraînement de l'esprit qui nous permet de nous développer et d'aller davantage dans le sens de l'amour et de la compassion: on crée des habitudes, et au fur et à mesure qu'elles s'ancrent dans l'esprit, on devient capable d'agir dans le sens de l'amour et de la compassion. Ces habitudes permettent à l'esprit d'accepter des situations et des types d'actions et de comportements qui, a départ, semblaient éloignés de nous-mêmes ou que nous n'avions pas envie d’accepter.
Les moyens habiles de la compassion
Lorsqu'on développe cette compréhension et qu'on agit dans le sens de l'amour et la compassion, on comprend la nécessité et la réalité des rituels de purification. On ne prie pas pour s'établir sur son petit nuage de paix et de sérénité. Le but de la prière est beaucoup plus large: il s'agit d'apporter un soulagement et un bienfait à tous les êtres. Il est certain qu'on agit parfois de façon erronée et qu'il nous est difficile d'éviter que nos comportements aient des conséquences fâcheuses pour autrui. En voiture, par exemple, on écrase et on tue beaucoup d'insectes, ce qui n'est pas vraiment une action altruiste! Pourtant on n'y peut rien, il faut bien se déplacer. Si l'on n'a pas les moyens d'éviter ce type d'action, on peut par contre prendre conscience de cet état de fait et développer des souhaits pour que l'action entreprise soit la plus légère possible et que les êtres tués par notre action prennent une renaissance plus facile. Cette prise de conscience est bénéfique et profitable pour les êtres et pour nous-mêmes. Si l'on rencontre un animal qui souffre, on ne peut pas toujours faire quelque chose, mais il est bon de développer une attention et de former des souhaits pour que cet animal puisse vraiment sortir du cycle de la souffrance et évoluer dans le sens de l'Eveil. C'est pour cette raison qu'existent les rituels de purification, c'est la raison même des poudjas : on les effectue afin de pouvoir accomplir des actions et formuler des souhaits plus profitables et plus puissants pour tous les êtres.
Dhagpo Kagyu Ling
Landrevie - 24290 Saint-Léon-sur-Vézère - tél : 05 53 50 70 75 -
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Dhagpo, siège européen de la lignée Karma Kagyu, est membre :
Fédération Française des Centres Bouddhistes Karma-Kagyu |