"Le bouddhisme est un mode de vie par lequel nous développons les qualités de notre esprit.
C’est un mode de vie très particulier, car c’est une façon d’atteindre le bonheur
sans nuire à autrui."
LE XVIIe GYALWA KARMAPA, TRINLEY THAYÉ DORJÉ
"Le bouddhisme est un mode de vie par lequel nous développons les qualités de notre esprit.
C’est un mode de vie très particulier, car c’est une façon d’atteindre le bonheur
sans nuire à autrui."
LE XVIIe GYALWA KARMAPA, TRINLEY THAYÉ DORJÉ
Retrouvez sur cette page des enseignements parus dans la revue "Tendrel" éditée par Dhagpo Kagyu Ling jusqu'en 2002.
Lama Jigmé Rinpoché
Introduction
Il est important de savoir pourquoi nous pratiquons le dharma. Il nous faut comprendre ensuite ce qu'est la méditation puis rassembler les conditions de sa mise en pratique. La méditation est un processus progressif. Il n'est pas nécessaire d'engager une trop grande volonté dans la pratique de la méditation et de tenter d'en obtenir les fruits à tout prix. L'enseignement explique comment méditer, mais l'explication ne suffit pas.
Il est indispensable d'y réfléchir afin que l'enseignement ne soit pas simplement une information extérieure mais qu'une compréhension intérieure se développe. Après avoir écouté les instructions, nous y réfléchissons puis nous les mettons en pratique. Il n'y a que nous-mêmes qui pouvons parcourir le chemin, personne ne peut le faire à notre place. Au début, quand nous commençons à apprendre la méditation, nous traversons une période d'euphorie. C'est merveilleux car c'est nouveau.
Mais si nous n'en percevons pas clairement la signification profonde, nous allons nous lasser. Comprendre ce que nous faisons amène une certitude sur le sens de la méditation et sur le sens de notre engagement dans sa mise en pratique. Cette compréhension n'est pas évidente à acquérir parce que nous appréhendons ces notions nouvelles à partir de nos tendances et de nos habitudes mentales. De plus, l'esprit est sans cesse influencé par les circonstances extérieures. D'où l'importance de prendre le temps d'intégrer les instructions qui nous sont données, d'y réfléchir pour bien en dégager la signification et ensuite de les mettre en pratique pour pouvoir les expérimenter au-delà d'une simple compréhension.
La souffrance
Mais qu'est-ce que la souffrance ? Le sens de la souffrance est quelque chose de plus subtil que ce que nous pouvons en penser. Quand nous nous demandons ce qui ne va pas dans l'esprit, nous constatons que nous sommes pris en permanence par des tendances et des habitudes mentales. Ces tendances et ces habitudes sont comme un processus naturel qui nous entraîne dans la répétition des mêmes comportements.
Nous n'avons pas besoin d'entraînement pour être négatifs dans les situations que nous rencontrons avec notre entourage. Naturellement, les tendances et les habitudes s'accumulent et se renforcent dans l'esprit. Dans le dharma, nous ne partons pas du fait que l'être humain est mauvais. Il s'agit plutôt de voir quelle est la situation dans laquelle nous nous trouvons. Et à partir de cette situation-là, notre souhait est d'atteindre les qualités exposées dans le dharma.
Elles sont accessibles mais nous avons besoin d'une ligne de conduite. Cette ligne de conduite est double: d'une part, il y a les enseignements, les instructions, les explications, les transmissions que nous pouvons recevoir; et d'autre part, un processus naturel va prendre place une fois que nous commençons à pratiquer. Outre la technique, la méthode de la méditation, il est nécessaire d'acquérir l'esprit de la méditation. Nous ne pouvons pas limiter la pratique de la méditation à une technique.
Le propos du chemin est ce que nous appelons en tibétain "sem ti gnowo" : "sem", c'est l'esprit et "gnowo", le visage. Le propos est de reconnaître le visage de l'esprit, avoir une reconnaissance directe et immédiate de ce qu'est l'esprit. Exactement comme nous regardons une rose, une fois que nous l'avons vue, nous connaissons ses couleurs, comment ses pétales sont constitués et toutes ses caractéristiques. Tant que nous n'avons pas vu la rose, nous ne savons pas ce que c'est, nous ne pouvons que l'imaginer. Il en va de même pour l'esprit. Il s'agit d'aller à cette rencontre, ce face à face avec l'esprit et pour ce faire, il est nécessaire de dissiper les voiles qui nous empêchent de le reconnaître.
Illusion
Le Bouddha a dépeint les différentes souffrances que nous rencontrons dans cette existence humaine: les souffrances de la naissance, de la vieillesse, de la maladie et de la mort. Il a décrit tout cela pour nous ramener à notre condition réelle. Nos certitudes sont confrontées à l'impermanence des phénomènes. Nous pourrions nous dire: « Je suis humain, je vais mourir et puis après je serai de nouveau humain» Mais, au moment de la mort, nous n'avons pas le choix.
Actuellement, nous sommes reliés à notre aspect physique, l' esprit est limité par la forme matérielle du corps. Mais au moment de la mort, l' esprit est comme de l'air, il n'est entravé par rien. Il n'y a pas de choix possible parce que l'esprit est emporté par ses tendances. Exactement comme dans le rêve: le rêve n' a pas de substance et pourtant nous sommes persuadés que ce qui se passe est vrai. Il en ira de même après la mort : les tendances, les habitudes, le karma, font que nous n'avons pas du tout le choix.
Nous sommes poussés par les tendances de l'esprit et il n'y a aucune certitude sur ce qui se passera. Alors au-delà des bienfaits immédiats de la pratique au niveau relatif, il faut aussi réfléchir à la dimension ultime. Nous allons approfondir la pratique pour nous rendre compte qu'au-delà du bienfait à court terme, il y a aussi l' objectif de se libérer de la confusion, de l'ignorance et de l'illusion. Il s'agit de se réveiller de notre rêve.
Nous sommes dans l'illusion du samsara, dans l'illusion du cycle des existences. Le mot illusion est souvent mal compris et génère de la confusion. Parce que je ne reconnais pas ce que je suis réellement, je tiens pour vraie ma perception des choses. Le terme d'illusion n'induit pas de jugement moral, ce n'est pas quelque chose de bien ou de mal, c'est tout simplement organique, comme une loi naturelle. Plus mon esprit sera clair et mieux j'éviterai de tomber dans la même condition que maintenant pour, finalement, sortir de mon illusion. renseignement propose de percevoir, avec ce même esprit, la sagesse plutôt que l'illusion. Mais pour passer de la dimension illusoire à une dimension lucide et claire, nous avons besoin d'une méthode, d'un moyen. En effet, cet enchaînement ne s'arrête pas de lui-même.
Réfléchir
Quand nous écoutons un enseignement, il nous est difficile de ressentir immédiatement la vérité profonde qu'il véhicule. Réfléchissons au sens des mots et ne restons pas au niveau d'une compréhension superficielle. Souvent, en effet, nous sommes apparemment d'accord mais au fond de nous-même, nous n'acceptons pas réellement ce qui est énoncé. Notre écoute est orientée selon notre manière personnelle d'envisager les choses. Approfondir notre compréhension nous oblige à nous remettre en question. D'où l'importance de se rappeler les enseignements pour en dégager le sens profond.
D'autre part, il y a toujours un décalage entre l'instruction qui est donnée et notre situation présente. c est comme Si nous n’arrivons pas à savourer, à expérimenter ce qui est dit. Ainsi, parfois nous sommes témoins des difficultés que rencontrent d'autres personnes mais nous ne sentons pas impliqués. Nous ne pensons pas que cela pourrait nous arriver. c'est exactement ce qui se passe avec l'enseignement; il y a toujours ce décalage: lorsque nous entendons parler du cycle des existences et de la souffrance, nous sommes entièrement d'accord, mais nous ne nous sentons pas vraiment concernés.
Il n'est pas demandé d'arrêter d'être ce que nous sommes maintenant et d'avoir, d'un seul coup, l'attitude juste. Nous avons notre vie quotidienne, notre vie relationnelle, des
amis, un entourage. Comprenons que le propos de la pratique spirituelle est de nous libérer nous-même de l'ignorance et de la confusion et de nous permettre d'aider les autres. Bien sûr, la pratique spirituelle va nous permettre d'être plus détendus, d'avoir l'esprit clair et de mieux communiquer avec les autres.
Toutes ces applications du dharma ne sont pas un défaut, mais ce n'est pas le but du dharma. Ce ne sont en fait que des conséquences de la pratique de dharma. Le véritable but est d'aller au-delà de ces avantages et de nous libérer nous-même de l'ignorance et de la confusion. A partir de là, nous prenons conscience qu'il n'y a pas que nous, mais qu'il y a tous les êtres. La pratique est motivée par le souhait d'aider véritablement les autres, de les sortir eux aussi de l'ignorance. C'est donc sur la base de cette motivation que je vais mettre ma pratique en oeuvre, me libérer de l'ignorance et aider les autres à y parvenir également.
Insatisfaction
Les grands pratiquants expérimentent la souffrance du samsara comme un cheveu dans l'œil. Quand nous avons un cheveu dans l'œil, c'est insupportable. La seule chose que nous avons envie de faire, c'est de l'enlever. Un grand pratiquant réagit immédiatement dès qu'il rencontre la souffrance. Chaque situation difficile l'invite à approfondir son engagement dans la pratique. Les pratiquants ordinaires ont aussi ce cheveu, mais dans la main.
Un pratiquant ordinaire ne ressent pas une telle urgence pour réagir, car il n'a pas une conscience aiguë du processus qui engendre la souffrance. Nous n'allons pas nous transformer d'un seul coup. Lorsque nous recevons les instructions, nous les gardons à l'esprit, nous les mettons en pratique et nous les expérimentons. C'est cela qui, petit à petit, va faire progresser notre vision des choses. Nous comprendrons ce qui est à éviter et ce qui est à adopter.
Dans l'enseignement, il y a énormément d'instructions sur ce qui est nuisible ou bénéfique pour soi et pour les autres. L'important est de comprendre les causes et les conséquences de nos actes et de nous libérer progressivement du samsara. Mais nous ne sommes pas toujours bien conscients des causes et des conséquences de nos attitudes. Nous aimerions apprécier les phénomènes selon des catégories simples: ceci est noir, cela est blanc.
Ce serait évidemment plus simple, mais entre les deux il y a le gris. Nos attitudes sont souvent le produit d'intentions diverses, exactement comme sur un tableau on parle d'un bleu et insensiblement ce bleu devient de plus en plus clair pour finalement aboutir au blanc. Au départ nous étions dans le bleu de la pratique et insensiblement, la pratique se mélange aux voiles, à la confusion, et sans nous en rendre compte nous passons du bleu au blanc de l'ignorance. Il est important de rester vigilants durant notre progression.
Etudier
Le dharma est constitué d'un immense corpus d'enseignements. Il y a de nombreuses manières différentes d'enseigner le dharma. Une approche peut nous convenir plutôt qu'une autre. Mais lorsque nous recevons un enseignement, évitons de choisir ce qui nous convient et de rejeter les aspects qui nous dérangent. Il ne peut pas y avoir de bienfaits à écouter un enseignement si nous sélectionnons ce que nous voulons et ce que nous ne voulons pas.
Dans un deuxième temps, nous mettons en œuvre ce que nous avons compris. Au départ, c'est nouveau et nous manquons d'habitude, mais ce n'est pas un problème essentiel. Le problème, ce sont les voiles et les obscurcissements. Nous avons l'esprit voilé et nous ne comprenons qu'à partir de nos voiles et de nos obscurcissements. Il nous faut rassembler les conditions pour lever progressivement ces voiles et développer une compréhension juste.
Dans les différents enseignements que le Bouddha a donnés, il y a différentes approches. Par exemple, dans le hinayana, il y a toute une série d'enseignements sur ce qu'est l'attitude juste appelée le vinaya. Le vinaya explicite toutes les attitudes du corps, de la parole et de l'esprit qui vont nous permettre d'éviter les perturbations dans l'esprit puis de créer de nouvelles habitudes positives. C'est le sens de la conduite éthique.
Donc, si nous voulons changer, il va falloir passer par cette discipline. Nous devons consacrer le même temps à accumuler des tendances positives que nous avons passé à accumuler des tendances négatives. Et de surcroît, il nous faut faire un effort pour ne pas suivre nos tendances naturelles.
Il s'agit de développer une conscience du corps, de ce que nous sommes, de ce que nous faisons, et petit à petit, avec cette clarté, cette conscience, modifier nos habitudes, ce qui va nous mettre dans une dynamique de transformation. L'éthique n'est pas une morale ou une règle, c'est une approche naturelle. C'est une attitude du corps, de la parole et de l'esprit, qui nous préserve des tendances négatives, car elles créent une nuisance pour nous-mêmes et pour les autres. L’éthique consiste à générer des causes justes pour produire les conditions d'une attitude d'esprit claire et juste.
L'esprit et la lettre
Si nous comprenons le sens de l'enseignement, nous ne serons pas prisonniers d'une règle ou d'un précepte. Il est nécessaire de découvrir par soi même le sens réel des mots et de ne pas s'attacher à un savoir. Donc il y: tout un aspect évident: par exemple, "Qu'est-ce que le dharma ?" C'est réduire toutes les actions négatives qui génèrent de la souffrance et mettre en pratique les actions positives qui génèrent du bonheur.
C'est important e c'est facile à comprendre: une fois que nous l'avons entendu, nous savons c qui est à faire. Si nous établissons cet état d'esprit, cette compréhension, nous vivrons le dharma au quotidien et à terme nous allons pacifier les émotion. Alors il n'y aura plus d'émotions perturbatrices. Mais cela correspond à un certain niveau de réalisation et tant que celui-ci n'est pas atteint, les émotion s'élèvent. Donc, plutôt que de rêver d'un état sans émotions, nous allons changer le rapport que nous entretenons avec elles puis les transformer.
Il y a d'abord l'ignorance. A partir de l'ignorance, il y a la saisie et à pal tir de cette saisie, l'attachement. Si nous parlons de l'attachement, nous sommes conscients de ce que cela veut dire. Une fois que nous avons une compréhension, nous sommes bloqués par cette compréhension, freinés par elle.
Pour suivre le chemin du dharma, il ne faut pas être pris par le dharma, par le savoir du dharma, ne pas être comme fascinés par la connaissance de cet enseignement. Tout cela fait référence à un voile dont parle le Bouddha dans son enseignement: le voile de la connaissance. Ce voile du savoir nous empêche d'aller en profondeur.
C'est au travers du quotidien, des petites expériences de tous les jours, que progressivement nous intégrons le dharma. Face aux circonstances, le sens de l'impermanence, de la précieuse existence humaine et du karma va s'approfondir. Que ces circonstances soient positives ou négatives n'a aucune importance. Nous allons comprendre et lire autrement ce que sont nos attachements et notre saisie. Heureusement, il y a beaucoup de vies qui suivront celle-ci pour nous permettre de continuer à avancer vers l'Eveil.
Comprendre
Pourquoi devrions-nous réfléchir à l'impermanence ? Pour comprendre le sens de l'attachement. Si nous ne comprenons pas le sens de l'attachement, nous n'avons pas de raison de renoncer ou nous faisons du renoncement un déni. Nous rejetons les choses, nous les renions. Aussi est-il important de réfléchir à l'impermanence, faute de quoi nous serons emportés par les circonstances. Il y a des choses que nous n'aimons pas que nous n'arrivons pas à éviter, puis celles que nous aimons et que nous n'arrivons pas à obtenir. Nous sommes « pris » dans l'ignorance et l'attachement.
Si nous laissons les choses en l'état, nous ne pouvons pas comprendre, d'où l'importance de relire nos attachements et notre situation à la lumière de l'impermanence. Tout ce qui est autour de nous a une fin, à un moment ou à un autre cela va disparaître, y compris nous-mêmes. Nous allons mourir. C'est cela l'impermanence. Il ne faut ni l'ignorer, ni faire semblant. Il est nécessaire de faire face aux différentes situations, à ce qui se passe, de le reconnaître et de le contempler.
Mais dans les circonstances difficiles il y a une saisie, cela nous bloque, nous entrave. Nous aimerions bien être plus légers mais ça ne marche pas parce qu'il y a une saisie sur les circonstances. Nous n'arrivons pas à faire de choix, nous sommes pris dans les situations. La raison en est que nous oublions le processus du karma.
Comprendre le karma, c'est comprendre quelle cause produit quel effet. Cela me permet de comprendre que ce que je vis maintenant est le fruit de ce que j'ai créé dans le passé, pas seulement un passé récent, mais depuis des vies ~t des vies. Du fait du karma, je ne suis pas toujours libre de réagir de manière saine et lucide. La réflexion sur l'impermanence éclaire mes attachements, la réflexion sur la loi de cause à effet éclaire le fonctionnement des êtres et des choses.
Existence humaine
Comprendre quelle cause entraîne quel effet nous amène naturellement à poser des choix plus sages, parce qu'ils sont faits en conscience. Même les circonstances qui nous bloquent et nous entravent, ne sont pas un problème parce que nous comprenons cette loi de cause à effet. Un désagrément n'est plus nécessairement un empêchement, nous commençons à le comprendre différemment. Cette existence humaine est précieuse.
A un moment ou à un autre, cette vie humaine va finir et nous ne savons pas ce qu'il adviendra ensuite. Si nous réfléchissons sur cette dimension précieuse et rare de l'existence humaine, nous saurons ce qui est essentiel pour nous. Nous saurons ce que signifient les difficultés et les souffrances dans lesquelles nous nous trouvons. Une fois que nous voyons la situation dans laquelle nous sommes et ce qui l'a causée, nous renonçons aux causes de la souffrance.
Il n'y aura même pas d'effort: ce sera un renoncement naturel, un renoncement évident. Nous avons des tendances, des habitudes, le dharma nous demande de renoncer à beaucoup ou pour le moins de ne pas renforcer nos tendances négatives, de pas nous laisser emprisonner par elles. Evitons d'appliquer le dharma comme une règle morale contraignante. Une telle attitude manque de réflexion personnelle et de curiosité.
Il faut y réfléchir de manière à nous approprier l'enseignement et voir ce que cela veut dire pour nous. S'il y a cette compréhension, le renoncement sera spontané et se manifestera naturellement dans notre activité. L'objet du désir n'aura pas la même valeur. Nous comprendrons le sens de nos attachements, nous relativiserons nos besoins et tout sera plus clair. Il ne faut pas forcer artificiellement tout ce processus. C'est quelque chose qui mûrit dans le courant de notre réflexion et de la pratique. En fait, à quoi tout ce processus nous mène-t-il ? A savoir ce qui est important pour nous, ce dont nous avons vraiment besoin.
Intelligence intérieure
Nous aimerions bien nous poser dans un endroit tranquille pour méditer et approfondir notre pratique, mais tout à la fois, nous aimerions bien nous balader et faire un peu ce que nous voulons. Nous n'arrivons pas à nous stabiliser à cause de nos tendances. Nous sommes ballottés d'un désir à l'autre. C'est cela l'ignorance. Nous ne comprenons pas le sens de ce qui nous arrive. La dynamique qui prend place à l'intérieur et autour de nous-mêmes nous échappe.
D'où la nécessité de réfléchir sur notre vie à la lumière des perspectives précédentes: l'impermanence, la loi de cause à effet et le caractère précieux de cette existence humaine. Il importe donc de revenir au sens réel et non à celui que nous plaquons sur les choses à partir de nos attachements. Tout cela nous amène à un esprit plus clair, plus lucide, plus précis, qui permet plus de souplesse face aux circonstances et aux conditions rencontrées.
Il s'agit d'une approche qui nous amène progressivement et naturellement à transformer notre vision. Nous prenons conscience que les autres sont dans la même situation que nous-mêmes, même ignorance, même confusion, même saisie, et enfin même souffrance. La rencontre avec nous-mêmes accompagnée de l'ouverture aux autres va nous donner la capacité de percevoir la condition de souffrance commune à tous les êtres. C'est de là que va s'élever une authentique compassion.
Si nous abordons la situation ainsi, conscients de ce que nous vivons et ouverts aux autres, alors s'installent une réelle détente et un encouragement pour la pratique. Sans cette compréhension ni cette ouverture, nous jugeons. Nous sommes tout le temps dans le jugement. Nous jugeons les autres et nous-mêmes. De fait, ce jugement ne fait qu'augmenter insatisfaction et souffrance.
Les deux bienfaits
Il est important d'être bienveillant à l'égard des autres. Une bienveillance qui reste superficielle nous coupe de nous-mêmes et des autres. La compassion est un processus complètement naturel, que nous ne pouvons pas forcer. Elle n'est pas un déni de nous-mêmes mais nous permet au contraire de nous libérer de notre confusion, de notre souffrance. C'est l'idée des deux bienfaits: le nôtre et celui des autres, ou celui des autres et le nôtre.
Mouvement d'exploration pour mieux comprendre les autres, il nous permet en nous ouvrant à eux, d'aborder nos problèmes de façon différente. Dans la perspective d'aider autrui, nos difficultés, nos empêchements, nos entraves se dissipent d'eux-mêmes, naturellement. Nous pourrions énoncer: '~der les autres est bon pour guérir notre propre souffrance." C'est le fait d'aider les autres qui nous permet de résoudre nos propres difficultés. Si nous avons une maladie très forte et très douloureuse, nous comprenons mieux ceux qui ont cette maladie. En nous préoccupant de leur souffrance, nous oublions la nôtre.
Quand nous mettons cela en œuvre, nous évitons de saisir, de nous attacher et de nous identifier à ce qui se passe. Cela signifie qu'une circulation fluide de la compréhension des choses prend place, le sens se fait naturellement. D'une manière générale, nous restons superficiels, une idée nous engage dans une action pour en obtenir le fruit: c'est le monde de l'efficacité ! L’approche du dharma est plus subtile, elle nous relie à la vérité des choses.
Dans cette ouverture aux autres, une énergie bénéfique s'accumule naturellement. Elle est la cause de l'accomplissement des souhaits et du bienfait de tous. La pratique est un processus vivant. Un premier résultat peut être bénéfique dans la pratique, mais il sera nécessaire d'approfondir. L’expérience n'est pas rouge ou jaune, elle est souvent orange! C'est mélangé et il y a une difficulté à discerner les couleurs dans ce que nous reconnaissons car nous manquons de profondeur.
Si la pratique donne de bons résultats, nous pensons être arrivés quelque part. Si nous nous relâchons, nous n'avançons plus car, plutôt que de nous asseoir sur notre coussin, nous nous asseyons sur nos lau riers. Il va falloir développer le discernement sur le fruit de la pratique. Quel que soit le bienfait résultant de la pratique, que faisons-nous de ce bienfait pour continuer à avancer ? Parfois nous ne pratiquons pas, nous calculons. Nous anticipons sur le résultat et nous prévoyons les étapes futures.
La mort
Nous avons l'impression de toujours entendre la même chose. C'est voulu. Seule une écoute répétée va nous permettre d'intégrer, d'apprivoiser les instructions et de pouvoir les mettre en pratique pour en avoir le fruit. Les choses à dire sont très simples. La méthode en elle-même est simple, par contre elle est difficile à appliquer. Quand l'instruction reçue s'oppose à nos désirs, elle devient problématique. C'est sur la base d'une incompréhension que nous sélectionnons ce qui nous convient.
D'où l'importance d'aller voir nos réactions. Nous croyons qu'il n'est pas important d'observer les mouvements subtils qui nous traversent l'esprit, nos petites réactions dans les situations du quotidien. C'est justement là que nous pouvons opérer une réelle transformation et une réelle compréhension de l'enseignement. "Qu'est-ce qui est dangereux pour nous ? Sommes-nous en danger ?" Oui, dans le sens où nous ne savons pas du tout où notre conscience va aller au moment de la mort.
Tout le processus de méditation et de réflexion va nous mener très précisément à voir où est le danger réel pour nous. Nous allons voir en quoi nous ne sommes pas libres et comment nous libérer. Il ne s'agit pas de rejeter le quotidien, et tout ce que nous vivons au jour le jour. La pratique du dharma va nous amener à ne pas saisir les circonstances favorables et à ne pas les rejeter non plus. Nous allons devenir conscients du processus qui prend place dans notre relation aux choses et à nous-mêmes.
Nous devenons lucides sur ce qui est important pour nous, c'est-à-dire sur ce qui va nous conduire à l'essentiel. Il ne s'agit pas de renoncer artificiellement à ce à quoi nous sommes attachés, mais de voir ce qui génère de la souffrance pour petit à petit nous en détourner. Nous allons nous rendre compte de notre situation, de nos attachements et de nos attentes, puis observer comment l'attachement générant le bonheur, il est lui-même marqué par la souffrance, processus sans fin si nous ne changeons rien.
Bénédiction
La bénédiction aide à dissiper les voiles et les obscurcissements dus au karma négatif et aux émotions perturbatrices. Cette bénédiction nous introduit au sens réel de l'enseignement. Elle perce les voiles dus à trop d'informations, trop de savoir sur le dharma ou plus exactement trop de fascination sur ce savoir. Ce n'est pas tant le savoir que la fascination par ce savoir qui génère de la confusion. Dans le vajrayana, nous sommes aidés sur le chemin par l'influence spirituelle.
Cela n'a rien à voir avec de la magie, mais avec les qualités éveillées de notre esprit. C'est un processus naturel. Un fruit a beaucoup plus de goût quand il a mûri au soleil. Il en est de même pour l'esprit sous le soleil de la bénédiction. Grâce à cette influence spirituelle, les émotions se pacifient et se dissipent plus vite et plus facilement. C'est pourquoi dans l'approche du vajrayana une telle importance est mise sur le lama et le guide spirituel.
La bénédiction est difficile à comprendre d'un point de vue intellectuel. Il s'agit de l'aborder à travers ce que nous appelons la confiance et la dévotion. La bénédiction est un lien avec la sagesse qui est en nous, notre nature de bouddha. Nous ne pouvons pas nous transformer uniquement parce que nous le décidons. Il est important d'être en contact avec un guide spirituel parce que c'est de lui que nous recevrons la bénédiction et la transmission.
De plus pour qu'il puisse transmettre, il faut qu'il possède la réalisation de ce qu'il enseigne. Il a acquis celle-ci au travers de la pratique et reçu, quant à lui, la bénédiction de son propre maître. La bénédiction et la transmission sont véhiculées sans interruption dans le temps par une lignée, de maître à disciple.
Visualiser
Visualiser, c'est développer la certitude de la présence du lama en face de nous. Les choses se compliquent si nous essayons de voir réellement le lama. C'est par la visualisation que nous pouvons établir un lien avec l'Eveil et avec l'influence spirituelle. Pour intégrer ces notions de lama et de bénédiction, il est nécessaire de recevoir l'enseignement, d'y avoir réfléchi et de lire les biographies des maîtres du passé. Nous devons nous imprégner de l'enseignement pour pouvoir être inspirés.
La pratique du gourou yoga est une approche qui demande du temps, de l'écoute, de la réflexion et de l'inspiration. Ainsi Milarépa a été lui-même disciple, il a eu un maître. Il est passé par toutes les étapes de l'intégration progressive de l'enseignement et de ce qu'est la dévotion. Prenons exemple sur Milarépa pour savoir comment aborder l’enseignement. Pour certains pratiquants, invoquer le lama est facile, ils le font naturellement. La dévotion vient des tendances passées.
Si nous comprenons mal les instructions, nous ne pourrons pas les appliquer ni les mettre en œuvre, du fait de nos habitudes. Il est difficile de se changer directement. Il faut changer nos habitudes, développer graduellement des habitudes qui nous amènent vers plus de clarté, tel est le but des pratiques préliminaires au gourou yoga.
L'activité éveillée
La relation que nous établissons avec l'activité éveillée est sans condition, il ne s'agit pas d'un contrat. Cette activité touche naturellement les êtres de façon bénéfique. D'un coté se trouve notre confiance et de l'autre, l’activité spontanée des bodhisattvas. Nous n'avons pas besoin de grande connexion personnelle avec tel ou tel grand bodhisattva ou tel lama. L'activité est spontanée et cela n'a rien à voir avec la présence physique.
Cela ne dépend pas non plus du degré d'intimité de notre relation avec le lama, mais avec cette bénédiction naturelle qui est là, présente, dès l'instant où nous nous ouvrons à elle. Nous avons parfois des doutes quand nous prions Milarépa, c'est pourquoi il est important de rassembler toutes les conditions, tout cela pratique soit juste et recevoir ainsi les bénédictions. Nous faisons la requête pour qu'à notre tour nous puissions déployer une telle activité éveillée. Le but du chemin est de pouvoir nous-mêmes déployer l'activité d'un bodhisattva. Dans un premier temps c'est juste une prière, une ouverture dans l'esprit, puis, lorsque la bodhicitta (ou esprit d'éveil) est complètement déployée et amenée à maturité, une activité spontanée se déploie et s'épanouit pour le bien des êtres. C'est le fruit, l'aboutissement de notre pratique fondée sur l'esprit d'éveil.
Dhagpo Kagyu Ling
Landrevie - 24290 Saint-Léon-sur-Vézère - tél : 05 53 50 70 75 -
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Dhagpo, siège européen de la lignée Karma Kagyu, est membre :
Fédération Française des Centres Bouddhistes Karma-Kagyu |