"Le bouddhisme est un mode de vie par lequel nous développons les qualités de notre esprit.
C’est un mode de vie très particulier, car c’est une façon d’atteindre le bonheur
sans nuire à autrui."
LE XVIIe GYALWA KARMAPA, TRINLEY THAYÉ DORJÉ
"Le bouddhisme est un mode de vie par lequel nous développons les qualités de notre esprit.
C’est un mode de vie très particulier, car c’est une façon d’atteindre le bonheur
sans nuire à autrui."
LE XVIIe GYALWA KARMAPA, TRINLEY THAYÉ DORJÉ
Retrouvez sur cette page des enseignements parus dans la revue "Tendrel" éditée par Dhagpo Kagyu Ling jusqu'en 2002.
Cet article est la suite de l'Enseignement sur la pacification mentale,
du neuvième Karmapa Wangtchouk Dorjé, dont la première partie est
publiée dans TENDREL numéro sept.
I. APPREHENDER L'ESPRIT
a) LE MAINTIEN DE L'ESPRIT
S'il s'élève un courant continu de pensées, il ne faut pas voir cela
comme un défaut, mais simplement s'accoutumer à rester heureux, en se
disant : "que ces pensées se meuvent autant qu'elles le veulent .
On s'établit dans le mouvement des pensées sans s'y laisser prendre par
inattention ou laxisme. Elles sont ainsi amenées à être le support du
maintien de l'esprit. Ces pensées étant sans fondement (1), elles se
libèrent en leur non-substantialité. Alors naît la stabilité. A ce moment-
là, il ne faut pas du tout se distraire ne serait-ce qu'un seul instant,
comme quelqu'un qui passe un fil dans le chas d'une aiguille ou comme
un guerrier qui brandit son épée en s'engageant dans le combat.
L'esprit doit rester imperturbable sans vaciller ; et il faut le laisser aller
oô bon lui semble, comme un oiseau qui s'envole du m‚t d'un bateau
en pleine mer (cet oiseau reviendra sur le bateau puisqu'il n'a pas
d'autre endroit oô se poser), ou encore comme un océan sans vagues ;
l'esprit doit rester exempt de recherche (d'anxiété), sans l'idée de
quelque chose à accomplir, comme un garouda qui s'élance dans le ciel
ou comme un cornac habile qui garde son éléphant. Tous ces exemples
doivent s'appliquer à la pratique de Chiné.
Au début de la méditation, il faut avoir l'intention de maintenir
l'esprit pendant cette période de méditation, et pendant le corps-
même de la pratique, garder la conscience claire. Par l'analyse minu-
tieuse du courant de notre être, on sait si l'esprit est stable ou non, s'il
est somnolent ou agité. Si l'on voit que l'esprit demeure naturel-
lement, il faut rester dans cette stabilité sans s'en départir ; par contre,
si l'on s'aperçoit que l'esprit n'est pas stable et qu'il est agité ou
engourdi, il faut alors reconnaître ce défaut et appliquer les méthodes
qui dissipent cette disposition. Ces méthodes sont reçues oralement du
Lama.
Au début, les sessions de méditation doivent être assez courtes ;
il faut, pour commencer, méditer pendant le temps d'une respiration,
puis, progressivement, allonger les sessions. Si l'on commence dès le
début par de longues sessions, les objets de méditation se mêlent et l'on
expérimente un état d'obscurcissement ´boueux . Apparaît alors le
défaut d'être ´béat comme un mouton (2). Pour cette raison, il faut
que les débutants pratiquent par sessions courtes et nombreuses ;
ainsi se repose-t-on dans la méditation, toujours avec diligence, dans un
état de clarté et de luminosité. Ensuite, il est possible de prolonger la
durée des sessions ; ceci est la méthode par laquelle on développe
l'enthousiasme de l'esprit, la joie et l'harmonie, sans aller jusqu'à la
frustration.
b) LES TROIS STADES.
La pratique de ces instructions orales permet d'appréhender l'esprit
qui jusque là était sans contrôle ; et apparaissent successivement
les trois stades progressifs de la stabilité.
1) La cascade.
Dans un premier temps, on voit que l'esprit ne demeure pas de
façon stable sur l'objet de référence. Ceci est le signe que l'on
commence justement à acquérir un peu de stabilité.
Ensuite, quand la conscience est devenue un peu plus précise, il
peut sembler qu'il y a plus de pensées que précédemment, que l'on a
davantage de pensées qu'auparavant lorsqu'on ne méditait pas, mais il
n'en est rien. En fait, tant que l'on ne pratiquait pas la méditation, les
pensées se manifestaient tout autant mais on n'en avait pas la perception.
Maintenant, l'esprit s'est posé de manière équanime dans la médi-
tation, et comme la conscience est devenue plus vive on perçoit les
pensées dés. qu'elles apparaissent. En demeurant en méditation sans
emprunter les schémas habituels des pensées, celles-ci ne s'échappent pas
dans un courant subsidiaire, mais sont reconnues dès qu'elles s'élèvent.
Qu'est-ce que l'on entend par ´courant subsidiaire ? Celui-ci se
développe, par exemple, lorsque le méditant est attaché à un état de vacuité
conceptuel. Il veut à tel point maintenir cette idée de vacuité que le
courant subsidiaire des pensées continue à se dérouler sans être perçu,
comme un voleur qui s'échapperait masqué par la nuit. A partir du
moment oô il ne cherche plus à maintenir cette idée, le méditant peut
prendre conscience de la production des pensées et reconnaître également
que leur flot n'a jamais cessé. Quand on reconnaît l'existence de ce
courant de pensées, il n'est plus nécessaire de méditer en sessions de
courte durée. La conscience se meut dans l'expérience constamment
renouvelée de la vanité des pensées.
Lorsque cette méditation devient continuelle, comme un écoulement
sence de cet attachement, il est reconnu comme vide, libre d'élabo-
rations, naturel et spontané, et de ce fait, nous pouvons nous en libérer.
Aussi est-il nécessaire d'effectuer cette reconnaissance dans l'instant
même. S'il n'y avait pas d'attachement, il n'y aurait pas de libération.
Une citation de Gyalwa Yang Gueunpa : ´Il ne faut pas saisir l'idée
que les conceptions intellectuelles doivent être abandonnées, il ne faut
pas non plus vouloir obtenir délibérément un état libre de concep-
tions, mais il faut établir une attention très vaste et y demeurer.
Ainsi parvient-on à la méditation de la stabilité paisible . Pendant la
méditation, laisser l'esprit s'établir dans un état libre de distraction.
Quelles que soient les pensées qui apparaissent, les reconnaître au
moment de leur apparition par la conscience directe de leur manifes-
tation. Ne pas chercher à les rejeter ou à les saisir, mais laisser l'état
naturel de l'esprit tel quel. De ce fait, plus personne ne commandant les
pensées, celles-ci restent libres et insubstantielles.
2) La rivière.
En appliquant cette méthode d'observation des pensées, comme cela
a été expliqué auparavant, celles-ci vont devenir de plus en plus subtiles,
s'amoindrir et finalement disparaître naturellement ; on se meut alors
dans un état libre de conceptions. De loin en loin, une pensée isolée
peut surgir, mais il n'y a plus cette continuité de pensées reliées les unes
aux autres. Chaque pensée isolée va se dissoudre d'elle-même dès
qu'elle s'élèvera, comme un flocon de neige qui tombe sur une pierre
chaude ; il n'est, dès lors, plus nécessaire d'appliquer des antidotes
contre les pensées. Lorsqu'il semble que le mouvement des pensées soit
devenu si subtil (celles-ci sont comparées à la taille d'un cheveu) que
l'on peut les compter tellement elles sont rares, la méditation se
déroulant d'elle-même de façon continue, on atteint alors la deuxième
phase de stabilité comparée à une rivière qui s'écoule doucement dans
une vallée. Ce n'est pas comme si l'on était éloigné de la rivière,
incapable de voir son cours sans faire un effort, mais plutôt comme si
l'on était près de cette rivière et qu'on la voyait couler distinctement.
Quand les pensées s'élèvent, on est à l'aise en leur présence et l'esprit
reste décontracté.
3) L'océan.
En maintenant la méditation sur l'essence de l'esprit, le cours des
pensées subtiles et grossières est totalement tari et l'on demeure dans un
état calme, libre de concepts. Il n'y a plus la sensation du corps ni de ses
états agréables ou non, sa présence n'est plus ressentie ; même le flux de
la respiration (inspif, expir et la pause entre les deux) n'est plus perçu.
L'esprit se meut de manière constante dans un état qui est l'union de la
non-conceptualité, de la clarté et de la félicité et qui se prolonge en
dehors des sessions de méditation. Dans la post-méditation, tout en
accomplissant une activité ordinaire, si l'esprit n'est pas dans un
processus d'analyse attentive, on ne saisit pas la moindre notion d'objet ;
la perception étant suspendue, le mental n'intervient plus par rapport à
la distraction et on est comme absorbé dans un état d'oubli total (3).
On se promène alors continuellement et naturellement dans l'état
méditatif même lorsqu'on ne médite pas. Ce n'est pas un état d'obscur-
cissement ou de ténèbres, mais de luminosité comme si l'on se trouvait
au milieu de l'éclat d'un ciel sans nuages. Cette expérience n'a ni
surface ni profondeur, mais est caractérisée par un état de clarté calme,
chatoyante. Lorsque ceci apparaît, c'est l'état achevé de la stabilité
comparé à un océan immuable ; non pas comme un océan par une nuit
noire, complètement opaque, mais plutôt comme l'océan sous un soleil
lumineux en plein jour, l'eau étant claire et translucide de la surface
jusqu'au tréfond.
Puisqu'il est le corps même de l'absorption méditative, si l'on peut
prolonger la durée de cet état, la clairvoyance, les pouvoirs miraculeux,
etc..., qui sont le fondement de la vision de la Vérité Ultime
s'élèveront.
Si l'un de ces trois stades de stabilité s'est développé, avec les
indications du Lama, il est reconnu par le méditant lui-même. Il go˚te
la saveur de l'expérience et tous ses doutes sont tranchés. Par contre, si
on donne les indications de reconnaissance au disciple avant que l'état
(de stabilité) soit apparu, sa pratique peut en être faussée du fait de
vouloir dès lors obtenir cet état.
Cet état ne peut pas rester partiel car lorsqu'on a été guidé ne
serait-ce qu'une fois dans l'expérience il est impossible que les autres
phases ne se développent pas. Il se peut que, les deux premières phases
(de stabilité) ayant été développées, la troisième et dernière phase tarde
à s'élever ; dans ce cas, il faut méditer sur les instructions de stabi-
lisation qui permettent d'établir le contrôle de l'esprit.
Au sujet de ces expériences, il est important que le Lama ques-
tionne minutieusement son disciple, qu'il lui demande tout d'abord
comment est sa méditation et ce qu'il advient pendant la pratique. Il
doit lui enseigner les méthodes qui dissipent les défauts et celles qui
améliorent la méditation selon les réponses que lui aura données le
disciple et les signes qui en témoignent. Si un Lama, au tout début,
dit à son disciple que telle ou telle expérience va survenir, il se peut que
le disciple se trompe au sujet de sa réalisation, prétendant avoir eu une
expérience sans l'avoir réellement éprouvée, sa compréhension portant
seulement sur les mots et restant théorique et réifiée. Pour cette raison,
le maître doit dévoiler les instructions uniquement au fur et à mesure
des progrès de la. compréhension et de l'expérience du disciple. Tant que
n'apparaissent pas les signes des trois phases de stabilité chez le disciple,
ainsi que les manifestations qui y correspondent, le Lama ne doit pas lui
enseigner cette partie théorique mais plutôt l'encourager à poursuivre, ses
efforts de méditation sur un point de référence unique comme cela a été
expliqué précédemment. Les méthodes pour dissiper les obstacles et faire
m˚rir la méditation ainsi que les réponses aux questions qui peuvent
surgir sont traitées dans tous les paragraphes suivants.
II. AFFERMIR LE MAINTIEN DE L'ESPRIT
a) L'ATTENTION VIGILANTE.
Chaque fois que l'on s'efforce au contrôle de l'esprit, il est
important de tenir l'attention éveillée. Il faut guetter les défauts
éventuels de la méditation tels que somnolence, torpeur, etc... Si l'on
ne voit poindre aucun de ces défauts dans l'esprit, on peut alors
poursuivre la méditation telle qu'elle est. Si l'on note la présence d'une
défectuosité, il faut la dissiper. Au sujet de ces défauts, on peut dire, de
manière générale, que lorsque l'esprit est instable, la méditation est
inexistante parce que l'on ne se remémore pas l'impermanence et la
mort, que l'on n'a pas rejeté les soucis de cette vie et de ce corps, ni
écrasé les huit dharmas mondains ; que l'on n'a pas développé la
confiance et la dévotion naturelle, que par insouciance et par paresse on
demeure incapable d'abandonner la saisie égoÔste.
Comme antidote, il faut renoncer à la futilité et à l'inutilité
des choses de ce monde, couper avec force l'attachement à l'occupation
de cette vie et se détacher du cycle des existences. Ainsi on arrive à
dominer les huit dharmas mondains.. Ensuite nous devons reconnaître la
bienveillance du lama ; bien que d'innombrables Bouddhas et
Bodhisattvas se soient manifestés dans ce monde, nous n'avons pas été
assez fortuné pour en rencontrer un seul. Maintenant que nous avons
rencontré le Lama, il est possible de nous libérer du cycle des existences
et d'atteindre l'Eveil. Nous sommes enfin capable de suivre le chemin
qui mène infailliblement jusqu'à l'état de Bouddha. Considérant cela,
nous développons une grande dévotion et un profond respect envers le
Lama en lui adressant des prières ferventes qui viennent du fond du
cúur. Jusqu'ici, il nous a fallu surmonter d'innombrables difficultés
pour obtenir un résultat dans les activités mondaines et futiles ; il n'y a
donc pas de raison pour ne pas accepter maintenant avec patience toutes
les difficultés qui peuvent surgir dans la pratique du Dharma, car elle
seule est vraiment utile. Voyant ceci, nous devons développer une
grande persévérance dans notre méditation. Il est également important
de méditer sur les deux aspects de la Bodhicitta (4), l'attitude qui chérit
les autres plus que soi-même.
b) DEFAUTS ET REMEDES.
En particulier, sont exposées des méthodes spécifiques pour dis-
siper les défauts de la méditation. Il est dit : ´Il existe trois défectuosités
dans la méditation : la somnolence, la torpeur et l'agitation".
1) Somnolence.
´Si la somnolence apparaît, il faut rafraîchir sa position (c'est-à-
dire s'étirer, changer de posture et réinstaller son coussin}, s'arroser avec
de l'eau ou se laver, et continuer la méditation. Si la torpeur apparait, il
faut s'asseoir de manière à être fouetté de côté par le vent".
Si la conscience est somnolente, il faut s'asseoir dans un endroit
élevé, un endroit d'oô le panorama est très vaste, très ouvert.
D'abord, on s'allonge sur le dos, puis on s'assoit, la colonne vertébrale
parfaitement droite. Pour aviver la conscience, on porte, par exemple, le
regard sur le sommet de la montagne qui nous fait face. Puis on peut
s'asperger d'eau, soit en le faisant réellement soit en l'imaginant
seulement. Par exemple, on peut penser que l'on médite sous la pluie.
Plus particulièrement, on peut méditer que notre Lama-racine se trouve
devant nous dans l'espace, et, avec la conscience très vive de sa présence,
lui adresser des prières ferventes. On peut également s'asseoir dans un
endroit frais, porter des vêtements légers et pratiquer de brèves sessions
de méditation. On doit développer un sentiment de renoncement et de
dégo˚t du cycle des existences. On s'alimentera peu, on évitera de
s'asseoir à proximité d'un feu ou en plein soleil, et on pratiquera les
postures physiques avec beaucoup de vigueur. On peut également de
temps à autre se lever, faire quelques pas et se détendre un peu sans
perdre l'attention vigilante. Ainsi, par de telles méthodes, on pourra
arriver à clarifier la somnolence et la torpeur, et l'esprit s'établira dans
son état naturel.
2) Agitation.
Si l'esprit est agité, par exemple quand il est empli de pensées, on
développe un sentiment de frustation, on se sent mal à l'aise, on n'a pas
envie de rester assis en méditation, et si on se lève pour marcher, vient
le désir de s'asseoir, et ainsi de suite. Il est recommandé de détendre la
conscience, de manger une nourriture plus lourde : des úufs, de la
viande, du beurre, du yaourt, etc..., ou encore de faire des pratiques de
relaxation et de massage, de porter des vêtements chauds ; il faut aussi
demeurer le plus longtemps possible l'esprit posé sur un objet de
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référence en prenant, de temps à autre, des moments de repos.
Toutefois, si malgré nos efforts l'esprit est plein de projections mentales,
il faut l'examiner afin de déterminer s'il est empli de réflexions qui
n'ont rien à voir avec le Dharma ou si ces projections sont des pensées
orientées vers l'enseignement.
S'il s'avère que les pensées sont tournées vers des buts sans relation
avec le Dharma, il faut examiner si elles sont dirigées vers des amis ou
vers des ennemis, ou bien vers des possessions, des richesses, etc...
Quelles qu'elles soient, les productions de l'esprit sont dépourvues de
sens. Il est vain d'y attacher de l'importance, car tant que le courant de
l'être n'est pas discipliné, vouloir vaincre tous les ennemis extérieurs se
révèle une t‚che sans fin ; mieux vaut discipliner la saisie de l'ego, en
développant l'amour et la compassion, méditer en laissant l'esprit dans
son état naturel et en réalisant également l'inutilité de garder des amis
extérieurs tant que l'on n'a pas préservé expériences et réalisations
intérieures.
Si nos pensées tendent vers des idées de richesses ou de biens, il faut
en reconnaître l'inutilité car les possessions sont évanescentes comme un
arc-en-ciel et ne durent que l'espace d'un instant. Pour nous qui suivons
l'enseignement du Bouddha, il faut savoir qu'il ne s'agit pas de changer
son apparence physique (de porter tel ou tel vêtement), mais de ne pas
se laisser entraîner par toutes les distractions ou les activités étrangères à
la pratique du Dharma. Réfléchissons soigneusement sur ceci et dévelop-
pons sans cesse l'attention.
Si l'agitation vient plutôt de ce que nos pensées sont tendues vers le
Dharma et que l'on projette (par exemple) de faire beaucoup d'études
et de réfléchir aux enseignements avec cette ambition : ´Je souhaiterais
faire comme cette personne érudite qui est influente et qu'on vénère ,
il faut se rendre compte que de telles idées n'ont aucun sens.
L'enseignement du Parfait Bouddha n'est pas réalisé uniquement par la
récitation de mantras, la pratique des Paramitas, du Vinaya, des Soutras
ni même par l'écoute seule de l'Abhidharma. Ce n'est pas un système
ou une théorie qui nous permettra de voir le Mahamoudra de la Claire
Lumière. Voilée par les distorsions du désir et de l'aversion, la Claire
Lumière ne sera pas perçue. ´Les pensées conceptuelles endommagent le
sens des vúux et des serments du Vadjrayana dit Tilopa (5).
Tant qu'on se trouve lié par les huit dharmas mondains, parce
qu'on ne garde pas présentes à l'esprit la mort et l'impermanence et que
l'on ne se détourne pas du cycle des existences, il n'est pas possible
d'être quelqu'un de vénérable, d'érudit ou de considéré. Il faut donc
abandonner toutes les élaborations et les efforts dans ce sens et t‚cher
uniquement de laisser l'esprit demeurer dans son état naturel en
utilisant les méthodes appropriées expliquées par le Lama à travers ses
instructions orales. On arrive alors à la conclusion que toutes les
projections de l'esprit, les pensées et les concepts, sont totalement
inutiles et dénués de sens, et qu'il faut simplement méditer en un seul
point dans l'état d'absorption.
3) Torpeur et somnolence
La somnolence est présente lorsque la conscience manque d'éclat
mais n'est pas complètement endormie, comme c'est le cas dans l'état
de torpeur. Dans ces deux états, on n'est plus conscient du mouvement
des pensées, on n'arrive même plus à faire la différence entre les
´bonnes et ´mauvaises expériences. Pour remédier à ces défauts de la
méditation, il faut appliquer les visualisations et les méthodes décrites
précédemment et il est également conseillé de faire une ouverture dans
le mur à côté de l'endroit oô l'on médite, de façon à ce que le vent
vienne fouetter le corps directement (méditer près d'une fenêtre, par
exemple).
Etant donné que les causes de la torpeur et de la somnolence
viennent des existences antérieures au cours desquelles on a dénigré soit
le Lama soit les Trois Joyaux, il faut se confesser de tels actes devant un
support excellent (une statue, un texte ou un stoupa, qui représentent le
corps, la parole et l'esprit des Bouddhas). Il faut également s'efforcer
de pratiquer la méditation de Dordjé Sempa et la récitation du mantra
de cent syllabes, tout en effectuant la confession des actes négatifs, etc...
On peut aussi s'adonner à l'entretien des stoupas, faire des offrandes et
des prosternations, etc... Toutes ces activités auront pour effet de
purifier ces obstacles.
Sinon, sans chercher à employer les remèdes à la somnolence et à
l'agitation, il est possible de les dissiper en regardant simplement leur
essence et en voyant qu'en réalité ces états ne sont que l'esprit lui-
même, en réalisant que cet esprit lorsqu'il n'est pas lié à des projections
est vacuité. La reconnaissance de la présence de la somnolence et de
l'agitation s'élève comme étant la Sagesse Primordiale sans qu'il soit
nécessaire d'abandonner ces deux états. A la vue de ceci, il est
impossible que l'esprit ne soit pas contrôlé.
c) EXPERIENCES.
Bien qu'à ce niveau les trois expériences que sont la félicité, la clarté
et l'absence de conceptualisation puissent apparaître et que l'on en
vienne à penser : ´La méditation s'est élevée en moi ; j'ai obtenu la
réalisation ! , il est dit que : ´si l'on n'adresse pas des prières ferventes
au Vénérable Lama et si l'on ne se détourne pas de manière irré-
versible de l'attachement au cycle des existences, nos expériences
méditatives, même bonnes, seront sans suite . Donc, il est imponant
d'adresser des prières avec beaucoup de dévotion et de vénération afin
que notre méditation soit protégée, de se détourner de l'attachement
aux activités de cette vie, et d'errer simplement d'ermitage en ermitage.
Une méditation oô n'apparaissent pas la dévotion et la vénération envers
le Lama est comme ´sans tête . Une méditation qui n'a pas, à la base, le
détachement est comme ´sans jambes . Un corps qui n'a ni tête ni
jambes ne peut rien faire du tout. Ainsi, par la force de la manifes-
tation des expériences que sont la félicité, la clarté et l'absence de
conceptualisation, on se détache naturellement de l'attraction envers les
plaisirs sensoriels. Bien qu'il y ait de la nourriture, on n'a plus besoin
de manger beaucoup. On en vient même à ne plus percevoir le
mouvement de sa respiration et on pense que l'on a atteint l'esprit
même des Bouddhas ; cette compréhension fait naître en nous un grand
sentiment de joie. De même, on a la certitude que le Lama est
réellement le Bouddha. La clairvoyance et les pouvoirs miraculeux,
etc..., qui sont relatifs et transitoires peuvent éventuellement survenir,
mais on ne doit pas s'y attacher car on risque de développer l'orgueil
et ceci est un très grand obstacle à la méditation.
Si l'on est capable de préserver d'une année sur l'autre de telles
expériences, qui appartiennent à la première étape du Mahamoudra dite
en ´un seul point (6), lorsque l'on obtiendra la réalisation ultérieure
celle-ci demeurera stable.
Les critères qui permettent de juger si le calme mental est établi ou
non : un pratiquant supérieur ne sent plus le va-et-vient de sa
respiration et n'a plus la sensation de son corps ; un pratiquant moyen
en est conscient seulement s'il cherche à le ressentir ; un pratiquant
ordinaire n'est plus gêné par la pesanteur de son corps ou par le va-
et-vient de la respiration.
III. PARFAIRE LA STABILITE MENTALE
a) TECHNIQUES.
D'abord, il faut porter son attention en un seul point, sur une
forme se manifestant comme objet de vision, agréable ou non, quelque
chose de clair. Puis, lorsque cela est nettement visible, on concentre
l'esprit vers l'acte de voir cette forme. Lorsque l'on a acquis une
certaine stabilité en ce qui concerne un objet visuel, on peut utiliser
également comme support de méditation un son (objet de l'ouÔe),
une odeur (objet de l'odorat), une saveur (objet gustatif), une sensation
(objet tactile) et tous les phénomènes, quels qu'ils soient, qui apparaissent
comme objets mentaux. L'esprit doit demeurer en un seul point sur
l'objet de la méditation.
Plus précisément, il faut rester en méditation, l'attention dirigée en
un seul point, sur toute idée qui s'élève, comme objet du mental, que
ce soit une idée à rejeter (par exemple le désir, l'attachement envers nos
amis, la haine envers nos ennemis, les cinq poisons, etc...) ou une idée à
encourager (une vertu comme la générosité, ou les autres paramitas, ou
même une idée neutre, par exemple). Certains professent que l'on doit
s'efforcer de repousser les pensées "à abandonner" ; mais si l'on agit
ainsi, cela a pour effet d'accroître les productions mentales par la tension
créée dans l'esprit et il est difficile d'obtenir l'absorption méditative.
Pour cette raison, quelle que soit la pensée qui s'élève, il faut demeurer
directement sur cette pensée même, de manière détendue, et ne pas la
considérer comme un défaut. Sans couper ´la corde de la vigilance ,
aussi intense que soit le mouvement conceptuel, il faut s'établir dans ce
mouvement. Il faut reconnaître les pensées les unes après les autres dès
qu'elles apparaissent, sans que, par insouciance ou distraction, une seule
d'entre elles ne s'échappe. Puis on peut faire une pause et à nouveau
reprendre cette méditation en faisant alterner ainsi rigueur et détente.
Quand les pensées elles-mêmes sont devenues le support du
contrôle de l'esprit, le courant des pensées est tari, ce qui permet
d'atteindre un état de calme stable. Jusqu'à ce que ceci apparaisse, il ne
faut pas considérer l'augmentation du nombre des pensées présentes
comme un défaut, mais simplement maintenir la méditation dans un
état de non-distraction. Ainsi, puisqu'il n'y a aucune différence entre les
instructions précédentes concernant la façon de contempler un objet
visuel à l'extérieur de soi afin d'obtenir le contrôle de l'esprit et les
instructions qui viennent d'être données sur la façon d'observer les
pensées, cette dernière méthode permet de parfaire le contrôle de
l'esprit.
b) CONSEILS.
Une citation extraite de l'Ornement des Classes de Soutras :
´Pourquoi doit-on pénétrer l'attachement, etc..., dans son expression ?
Parce que par ce moyen il est totalement libéré et qu'en dépen-
dance s'élève le renoncement . Quel que soit l'objet d'attachement,
c'est par celui-ci même que l'on peut s'en libérer, en comprenant
l'essence de son attachement (7).
Une citation du Hévadjra Tancra : ´C'est par le désir que l'on est lié
au monde, et c'est par le désir-attachement même que l'on s'en libère
totalement . Actuellement, nous sommes totalement liés au monde par
l'attachement aux stimuli sensoriels ; en considérant directement l'es-
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c) EXEMPLES
II est important de débuter par de brèves sessions de méditation,
puis d'accroître la durée de ces sessions et de bien faire alterner les
moments de rigueur et de détente.
Pendant les périodes de rigueur, il faut discipliner l'esprit en portant
l'attention sur un seul objet de méditation, sans en être distrait ne
serait-ce qu'un seul instant. Le corps même, les quatre nerfs (c'est-
à-dire les quatre membres), doivent être soumis à une attention
rigoureuse, à tel point que nos yeux, notre bouche et nos oreilles sont
comme en alerte. Méditer avec une telle vigilence est comparé à
´essayer de repérer un jeune voleur au milieu d'une grande ville"
ou ´compter a distance un troupeau de chevaux et de vaches" ou
´traverser un pont constitué d'un seul tronc d'arbre" ou bien ´remplir
un pot a ras-bord avec du beurre fondu". Il faut développer ce degré
d'attention pendant la méditation.
Quant aux périodes de détente, elles, sont comme ´rejeter au loin
tous les efforts qui tendent a accomplir quelque chose pendant la
méditation". Ceci ne veut pas dire qu'il faille rejeter le sens de la
méditation mais toujours maintenir une attention instantanée, sans
distraction. Se laisser plonger dans un état libre de fabrication, continu,
sans la notion de quelqu'un effectuant un quelconque contrôle. Il est
possible de prolonger un peu la durée des sessions, tout en maintenant
le corps et l'esprit dans la détente. Cet état de détente est comparé a
´la joie d'une personne qui, s'étant beaucoup investie dans l'accom-
plissement d'un ouvrage, en verrait enfin l'achèvement , ou comme
´une personne qui est guérie d'une grave maladie et donc mentalement
soulagée , ou comme ´une botte de paille dont le lien est tranché",
ou comme ´un jeune enfant content d'avoir bien mangé et le ventre
plein", ou comme ´le soleil et la lune dénués de tous nuages ,
ou comme ´la flamme d'une lampe à beurre non agitée par le vent .
On raconte qu'une personne assez simple et qui n'avait jamais
beaucoup étudié était en retraite. Son Lama vint lui donner des
enseignements et lui dit : "Il faut méditer en étant semblable à l'océan
sans vagues . Ensuite il lui montra sa main en l'ouvrant et la refermant
doucement, et il lui expliqua qu'il fallait être alternativement détendu
et discipliné et jouir de ces deux états de l'esprit.
Ces deux méthodes, rigueur et détente, permettent de dissiper les
deux défauts principaux de la méditation que sont l'agitation et la
somnolence.
Copyright Tendrel 1985.
NOTES
(1) sans fondement ; Les pensées s'élèvent de l'esprit. L'esprit ne peut être établi comme existant ni
non-existant. Il n'est rien en soi et, pourtant, toutes choses s'élèvent de lui. Il est sans origine ni
cessation, sans réalité. Les pensées sont l'expression de cet esprit illusoire ; elles sont donc de même
nature que ce dont elles procèdent, c'est-à-dire sans fondement, sans origine propre.
(2) ´béat comme un mouton ; inconscient des processus mentaux, on a perdu la vigilance de sa
méditation, on ne perçoit pas la déviation de la méditation.
(3) oubli total : disparition des concepts superficiels et des shémas ordinaires de l'esprit ; en fait,
conscience plus vive.
(4) Bodhicitta : soit intention et application, soit relative et ultime, compassion et vacuité.
(5) dans l'état non-conceptuel, tous les samayas sont gardés purs.
(voir note Tendrel n∞ 5)
(6) ´un seul point : voir Tendrel n∞ 7.
(7) c'est-à-dire sans essayer de le rejeter ni sans rester sous sa domination.
ininterrompu, on obtient la première phase de la stabilité que l'on
compare à une cascade qui tombe du haut d'une falaise abrupte.
Cet exemple ne veut pas dire que notre état de méditation est comme si
l'on se trouvait sous la chute d'eau, au milieu des remous et des vagues,
et comme emporté par ce mouvement, et donc très mal à l'aise. Ceci
indiquerait que l'on médite encore sous l'emprise de l'espoir d'un état
sans pensées et de la crainte d'un esprit plein de pensées. C'est plutôt
comme si l'on regardait le mouvement de ces pensées sans lui donner
d'importance. Observant simplement l'apparition d'une pensée, il faut
demeurer naturellement dans la conscience de sa présence, sans la
considérer comme quelque chose de gênant, et la laisser disparaître.
Sans être troublé par l'apparition d'une pensée, on demeure simplement
dans la certitude qu'elle ne nuit pas à la méditation. Les pensées sont
comme un reflet dans un miroir : elles n'ont ni forme, ni existence
réelle ; ainsi, elles apparaissent naturellement et librement dans l'esprit.
Si l'esprit ne s'y attache pas et n'est pas troublé par leur présence, elles
s'élèvent, demeurent et disparaissent librement d'elles-mêmes.
Dhagpo Kagyu Ling
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