"Le bouddhisme est un mode de vie par lequel nous développons les qualités de notre esprit.
C’est un mode de vie très particulier, car c’est une façon d’atteindre le bonheur
sans nuire à autrui."

LE XVIIe GYALWA KARMAPA, TRINLEY THAYÉ DORJÉ

Revue "Tendrel"

Retrouvez sur cette page des enseignements parus dans la revue "Tendrel" éditée par Dhagpo Kagyu Ling jusqu'en 2002.

 MEDITATIONS


Gyaltrul Rinpoché

La pacification de l'esprit

Pour réaliser la sagesse ultime, il est nécessaire d'avoir un esprit stable, paisible, et c'est pour cela que la pratique de chiné, ou pacification de l'esprit, est tout d'abord nécessaire.
Afin que la pratique de pacification de l'esprit produise ses fruits, il faut procéder à quelques préparatifs. En premier lieu, il est nécessaire de trouver un endroit favorable à la méditation. Dans les textes, il est dit: un endroit où l'on puisse se procurer tout ce qui est nécessaire à la vie quotidienne.
En second lieu, on doit se sentir en sécurité dans cet endroit, bien protégé des voleurs ou des animaux sauvages, sinon on ne pourra jamais se détendre et pratiquer la méditation, ni se concentrer. Pour les débutants tout particulièrement, il faut un endroit calme, éloigné de tous les bruits et distractions éventuels, un endroit où ne se pose aucun problème d'hygiène, très frais et très propre. Certains préparatifs concernent notre personne. Pour que notre méditation produise ses fruits, il faut que nous prenions au moins un des cinq v ceux de libération individuelle. Il est dit que garder un de ces cinq v ceux, n'importe lequel, constitue une base pour l'absorption méditative ou samadhi. Si vous avez les v ceux de bodhisattva, ou ceux de moine ou de moniale, ce voeu que l'on doit garder est déjà présent dans ces voeux-Ià.
Une autre condition nécessaire à la pratique est d'avoir l'esprit satisfait. Sans cette satisfaction de base, l'esprit est continuellement agité, et l'absence de satisfaction représente un des voiles principaux dans la méditation. Pour cette raison, il faut, avant la méditation, préparer l'esprit afin de l'entraîner à ce contentement.

Après ces préparatifs, on doit prendre en compte deux aspects concernant la méditation elle-même : l'attitude de l'esprit et la position du corps.
Il faut essayer d'établir le corps dans la posture en huit points. Certains textes parlent de la posture en sept points, tout dépend des versions. Tout d'abord, si
l'on peut, on garde les jambes pliées en complet lotus et, si on ne peut pas, les jambes sont simplement croisées en tailleur. Ensuite, le dos doit être complètement droit. Il faut également garder l'équilibre entre les deux épaules et respirer de façon normale. La langue doit reposée contre le palais, et l'on regarde devant soi, le regard dans le prolongement des ailes du nez. Le cou est très détendu, la tête ne penche ni en avant, ni en arrière. Les mains reposent dans le giron.
Il n'est pas nécessaire de garder cette position de façon stricte pour la pratique de chiné. Par contre, pour d'autres pratiques comme les six yogas de Naropa, la position du corps doit être gardée de façon beaucoup plus stricte.
Si la position est trop difficile à tenir, si elle devient un empêchement à la méditation, il ne faut pas s'y attacher obstinément. Par exemple, si la posture du plein lotus devient intenable tellement les genoux sont douloureux, il vaut mieux détendre les jambes et méditer assis en tailleur.

Pour la pratique de la méditation elle-même, on peut utiliser différents supports, comme la syllabe OM ou HA ou HOUNG, ou une quelconque syllabe-germe d'une divinité; on peut aussi poser l'esprit ~ sur une statue du Bouddha ou d'un bodhisattva. Ce sont des méditations qui utilisent un objet comme support. On peut également~ méditer en utilisant comme support une projection mentale, telle une R divinité. Par exemple, dans la pratique d'Amitabha, on visualise la terre
pure de Déouatchène, avec toutes ses caractéristiques de terre pure et Amitabha lui-même en face de nous, etc. Cela peut constituer le support de notre pratique de chiné. Lorsque l'on accomplit la pratique d'Amitabha, on peut varier les" supports de méditation: on peut se concentrer sur la syllabe-germe HRI, ou, poser son esprit sur une représentation d'Amitabha, ou visualiser sa terre pure entière de façon instantanée, ou encore méditer sur Amitabha, mais cette fois-ci progressivement, comme si on dessinait son corps.
Cette dernière méthode est excellente pour l'esprit, car elle est facile et permet de pacifier l'esprit plus aisément que la visualisation en un point. Le fait de bouger progressivement l'esprit, en dessinant mentalement le Bouddha, permet à l'esprit de se pacifier plus facilement. On le dessine de bas en haut: en remontant depuis le lotus. Un autre support mentionné dans les textes est la lumière: on médite sur la lumière brillante d'une lampe à beurre par exemple ou, dans le cadre de la pratique d'Amitabha, sur la lumière infinie du Bouddha Amitabha lui-même. Cette méditation sur la brillance du Bouddha Amitabha nous amène à une méditation progressive qui nous permettra de réaliser la clairvoyance, la connaissance du passé et du futur.
U n autre support de méditation, c'est nous-même. On développe la conscience de ce qui se passe en nous, des perceptions physiques en rapport avec les sensations qu'elles procurent, etc. Cette méditation est très utile parce qu'elle nous amène à comprendre les autres, à être conscient de ce qu'ils vivent. Une fois que l'on se connaît bien soi-même, on est à même de comprendre les autres. Le Bouddha a expliqué qu’il fallait arrêter de nuire aux autres, de la même façon que lion ne veut pas se nuire à soi-même, et ce type de méditation permet de bien le comprendre.
Un autre type de méditation consiste à s'entraîner à se rappeler. ce que l'on a fait dans le passé, ce que l'on disait il y a un moment, ce que l'on a fait ce matin ou hier, etc. En pratiquant cette méditation du souvenir, en essayant de se rappeler tout ce que l'on a accompli, à force d'entraînement la mémoire se développe de plus en plus.
Ces différentes méthodes correspondent à toute une série de capacités que l'on peut développer dans l'esprit. Je vous conseille de souvent changer de méthode, d'utiliser différents types de supports.

En ce qui concerne la durée des méditations, il est déconseillé de méditer pendant de longues périodes. Il est préférable de faire plusieurs courtes sessions plutôt qu’une seule longue. On fait, par exemple, des sessions de cinq minutes. Cela ne signifie pas qu'on va méditer pendant cinq minutes et que, lorsque ces cinq minutes seront écoulées, on arrêtera de méditer. C'est trop saisir la notion de temps, ce qui est très distrayant pour l'esprit. Il faut au contraire être très détendu et juste prendre ces cinq minutes comme un point de repère. Si l'on médite plus longtemps que cinq minutes, ce n'est pas un défaut, et si l'on médite moins longtemps, ce n'est pas un défaut non plus.
Si l'on médite de façon prolongée, le corps sera en méditation, mais par contre l'esprit ne le sera plus du tout, il pensera à autre chose et s'échappera de la méditation. C'est pour cette raison qu'il est préférable de faire plusieurs courtes sessions, afin de garder l'esprit alerte et présent. Si, pendant ces courtes sessions, l'esprit est à l'aise, s'il n’est pas entravé par les pensées qui s'élèvent, on peut progressivement rallonger la durée des méditations.

Il est également déconseillé de méditer après un effort physique. Si l'on a fait un effort physique, il faut ménager une pause entre cet effort et le moment de la méditation.


La vision pénétrante selon le madhyamika

On pratique réellement la vision pénétrante lorsqu'on a atteint la réalisation de la première terre de bodhisattva, c'est-à-dire lorsqu'on a stabilisé la reconnaissance de la vacuité. Avant, on peut s'entraîner à cette vision pénétrante, et il existe deux façons de le faire. D'une part, on peut utiliser les moyens de l'analyse en se référant à la logique du madhyamika. La seconde manière consiste à développer la dévotion envers le lama, et surtout envers les différentes qualités du lama. Cette méthode permet de purifier le karma accumulé et d'avoir une réalisation soudaine de la vacuité.

Si l'on pratique la méditation de la vision pénétrante en utilisant la logique du madhyamika, on prend tout d'abord un objet solide comme référence, un objet que l'on peut toucher et voir. On se rend compte que, dès l'instant où il ya un objet solide, celui-ci se déploie dans l'espace, ce qui veut dire qu'il a différentes directions; dans ce cas-ci, il en a au moins six: les quatre directions cardinales, plus le nadir et le zénith. Si un objet quel qu'il soit possède ces différentes directions, cela signifie qu'on peut le diviser en différentes parties. Chacune de ces parties aura à son tour différentes directions que l'on pourra à nouveau diviser. En réfléchissant ainsi, on se rend compte qu'on ne peut pas trouver une entité en tant que telle, une partie indivisible qui soit réellement existante. Il ne faut pas le croire parce que le Bouddha ou un lama l'a dit, il faut vraiment l'expérimenter par soi-même. L' important dans cette méditation est d ' accomplir cette réflexion, cette analyse, pour arriver soi-même à la conclusion et trouver soi-même ce qui est et ce qui n'est pas.
Le Bouddha a expliqué qu'il pouvait nous conduire jusqu'à l'eau, mais le seul qui peut boire cette eau, c'est nous-même.
Dans la pratique du mahamoudra, il est dit aussi que la vérité ultime ne peut être exprimée à travers des mots, mais qu'elle se réalise uniquement par l'expérience. Ainsi, toutes les pratiques conduisent à ce point essentiel, l'expérience personnelle et directe.
Faisons un peu de mathématiques... S'il y a de nombreux zéro et qu'on les additionne tous les uns après les autres, le résultat sera toujours zéro. Prenons une voiture à présent: elle est constituée de toute une série de pièces différentes qui, mises ensemble, sont appelées voiture. Mais chacune de ces parties prise séparément n'est pas la voiture: il y a les roues, mais ce n'est pas la voiture; il y a le moteur, mais ce n'est pas la voiture en tant que telle. Le moteur lui-même est composé de toute une série de pièces et de parties différentes. Lorsque l'on met toutes les pièces de la voiture ensemble, d'un point de vue ultime on ne peut pas dire que cela fait une voiture réellement existante, parce qu'elle n'est pas une en tant que telle, elle est la composante de toutes ses parties.
On peut se dire que l'exemple avec l'addition des zéro ne correspond pas exactement à l'exemple de la voiture. Faisons un calcul: une porte constitue environ 2% de la voiture, le moteur 20%, une roue 5%, etc. Si l'on additionne les différentes parties, on arrive à 100%. Ces différentes parties ne représentent pas rien du tout, comme les zéro que l'on a additionnés auparavant. Les différentes parties sont quelque chose, donc cela ne colle pas vraiment. Mais voyons cela un peu plus en détail. Considérons la porte par exemple, qui constitue 2% de la voiture. Cette porte est quelque chose de solide, elle occupe donc l'espace. Si elle occupe l'espace, elle a différentes directions. Si elle a différentes directions, on peut la diviser en ses différentes parties. Si l'on divise ces parties en différentes parties, on en arrive à la conclusion que la porte est un assemblage de différents atomes, de différentes petites particules. Si l'on pousse cette réflexion jusqu'au bout, si l'on approfondit complètement l'analyse, on se prend compte qu'on ne peut pas trouver une entité existante  indivisible; on ne peut pas trouver quelque chose qui soit véritablement existant et que l'on ne puisse pas diviser en ses différentes parties.
On procède de la même façon pour toutes les pièces de la voiture, et si l'on ne peut pas trouver une entité réellement existante, il est impossible de les rassembler pour que cela fasse quelque chose. L'assemblage de parties qui n'ont pas d'existence réelle ne peut pas exister. En parvenant à cette conclusion, on reste établi dans la méditation.
En arrivant à la conclusion que les objets extérieurs n'ont pas d'existence réelle, il est facile pour nous d'en arriver à la conclusion que l'esprit qui considère ces objets ne peut pas exister réellement non plus, parce que l'esprit, l'objet et le sujet fonctionnent en inter relation: l'un n'existe que par rapport à l'autre. Si l'on ne peut pas trouver un objet réellement existant, l'esprit qui le considère ne peut pas avoir d'existence réelle non plus.
Ce type de réflexions et d'analyses représentent les méditations qui sont associées au madhyamika.

La vision pénétrante par le gourou-yoga

Lorsqu'on parle de vacuité, il ne faut pas se tromper. On confond souvent vacuité avec vide. La vacuité fait pour nous référence à une espèce d'espace sombre, ou à une chute d'un avion dans l'espace vide, dans le ciel ouvert. C'est une vision erronée de la vacuité. En effet, d'une part on considère l'espace comme étant vide et d'autre part on se considère soi-même comme étant réellement existant. C'est une erreur, ce n'est pas la vacuité.

Après avoir vu la pratique de la vision pénétrante selon la logique du madhyamika, voyons à présent cette même pratique selon l'autre méthode: le développement de la dévotion au lama.

Pour comprendre cette seconde méthode, il faut comprendre la situation dans laquelle on se trouve. Nous n'avons pas réalisé la vacuité, nous n'avons pas encore vu la nature de notre esprit, du fait des voiles qui la recouvrent. Ces voiles proviennent des tendances fondamentales, des habitudes mentales qui nous font croire que les phénomènes et nous-même ont une existence réelle. Ces habitudes mentales ne datent pas d'hier, cela fait des vies et des vies qu'elles sont nourries dans l'esprit.
De ce fait, même lorsqu'on entend des enseignements sur la vacuité ou qu'on lit un livre sur ce sujet, on en a une compréhension, peut-être même une impression, mais très fugitive, qui ne durera que quelques instants et après disparaîtra. En effet, le temps que l'on a consacré à la vacuité est très court; par contre, le temps que l'on a consacré à l'attachement est beaucoup plus long, et c'est donc lui qui l'emporte. Dans les pratiques du mahamoudra, il faut utiliser les différentes méthodes, telles que la réflexion sur les quatre pensées fondamentales, qui permettent de purifier ces voiles.
Les ayant purifié, on aura alors beaucoup plus de chances de reconnaître la nature de l'esprit et d'avoir une vision de la vacuité. On n'a pas à se faire d'inquiétude concernant ces méditations, il faut simplement ne pas se décourager. Prenons un exemple: imaginons que nous soyons dans une pièce obscure dénuée de fenêtre. Il y a bien un éclairage électrique, mais la lampe n'a pas été allumée. L'interrupteur est donc quelque part et la plus grande difficulté pour nous est de le trouver. Même si cette pièce a été dans l'obscurité pendant des millions et des millions d'années, pour nous cela n'a aucune importance; l'essentiel est de trouver l'interrupteur, et une fois qu'on l'aura trouvé et tourné, la lumière jaillira et l'obscurité se dissipera. Comment un instant de lumière peut-il dissiper l'obscurité ~ Comment, de la même façon, un instant de reconnaissance de la vacuité peut-il dissiper l'ignorance ~ Cela vient du fait que la nature fondamentale de l'esprit est déjà pure.
Il y a différentes étapes dans la pratique. La première est l'obtention d'un précieux corps humain; celui-ci est difficile à trouver, mais c'est lui qui nous amènera à la pratique du dharma et qui sera le support de notre succès dans cette pratique.
Sur cette base, en pratiquant, on reconnaîtra la nature de l'esprit et on verra la vacuité. Ce sera encore trop fugace et il faudra continuer à pratiquer pour stabiliser cette reconnaissance, pour lui donner force et durée. Une fois que cette reconnaissance de la nature de l'esprit sera complètement stabilisée, on ne pourra pas retomber, on ne pourra pas revenir dans la confusion. La réalisation de la première terre d'éveil est le moment où cette stabilisation est définitive.
Tout comme le soleil est nécessaire pour que la neige fonde sur la montagne, la dévotion est nécessaire pour recevoir la bénédiction du lama. Cette bénédiction est essentielle, mais il faut bien comprendre de quoi il s'agit. La bénédiction n'a rien à voir avec une décharge électrique ou une augmentation de la température interne. La réelle bénédiction consiste à reconnaître la nature de l'esprit, à voir cette sagesse qui est présente. La bénédiction, c'est aussi trouver l'esprit paisible en soi, c'est transformer son esprit et acquérir une façon de penser plus positive. Tels sont les fruit de la bénédiction, de l'influence spirituelle du lama. La bénédiction du lama est importante, parce que, sans cette influence spirituelle, on ne peut pas reconnaître la nature de notre esprit. D'une part, il ya la compassion du lama, d'autre part, il y a son habileté, les méthodes qu'il utilise pour nous amener à la reconnaissance de la nature de l'esprit. Et enfin, en troisième lieu, il y a notre dévotion. Quand ces trois éléments (la compassion du lama, ses méthodes et notre dévotion) se rencontrent, on a de grandes chances de pouvoir réaliser la nature de notre esprit.
Il est dit qu'il faut que celui-ci devienne inséparable de la sagesse du lama, de son esprit éveillé. De nouveau, il ne faut pas se tromper, il ne faut pas développer une idée erronée telle que penser qu'il s'agirait d'un mélange comme du lait que l'on rajouterait à du thé. Il faut comprendre que l'esprit du lama et notre esprit sont depuis toujours inséparables, ils sont déjà indifférenciés et il s'agit simplement de reconnaître cela, de le retrouver, comme l'eau est déjà inséparable de sa qualité d'eau, de sa qualité d'humidité. La dévotion est donc nécessaire pour recevoir la bénédiction du lama, et cette bénédiction est nécessaire pour reconnaître la nature de notre esprit. Sans dévotion, pas de bénédiction, et sans grâce, pas de reconnaissance de la nature de l'esprit.

Je souhaite que ces enseignements puissent vous aider dans votre pratique.

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