Jamgön Kongtrül Rinpoché - des souhaits pour l’éveil

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À la croisée des dates

« Qu’est-ce qu’il est grand ! » C’est l’évidence qui s’impose quand on est face à Jamgön Kongtrül Rinpoché. C’est un moine imposant de presque deux mètres, la démarche posée, ses 22 ans assumés, émanation de l’esprit du grand Jamgön Kongtrül Lodrö Thayé, qui arrive à Dhagpo, à l’étonnante croisée de plusieurs dates anniversaires et célébrations :

• 40 : cela fait 40 ans que le XVI^e Gyalwa Karmapa a consacré le site de la côte de Jor par cinq jours de rituels intensifs.
• 30 : cela fait 30 ans que le précédent Kongtrül Rinpoché a conféré la pleine ordination à plusieurs occidentaux disciples de lama Guendune. 
• 20 : cela fait 20 ans que lama Guendune Rinpoché a quitté son corps après avoir mis en œuvre, jusqu’à leur terme, les instructions du XVI^e Karmapa.

Pour continuer avec les chiffres : c’est la troisième visite de Kongtrül Rinpoché, mais c’est la première fois qu’il vient sans son père, Beru Khyentsé Rinpoché ; c’est sa première grande tournée européenne. Les plus anciens qui ont connu l’incarnation précédente se réjouissent de le retrouver pour trois jours d’enseignement sur les souhaits de Conduite Excellente et l’initiation de Manjushri.

Choisir sa roue

« Qu’est-ce qu’il est vaste ! » C’est l’évidence qui s’impose quand on lit les souhaits de Conduite Excellente que Kongtrül Rinpoché transmet avec précision. Il explique que, par manque de temps, il ne peut commenter le texte en expliquant chaque mot et qu’il ira directement au sens. L’avantage est que, pour chaque stance, il va ainsi à l’essentiel.

D’abord il fait le tri : il y a les souhaits susceptibles de se concrétiser et les autres. Puis parmi les souhaits réalisables, il y a les vertueux et les non vertueux. Et enfin, il y a les souhaits vastes comme ceux émis par le bodhisattva Samantabhadra en présence du bouddha Sakyamuni, qui décrivent la conduite des bodhisattvas possédant l’aspiration à les réaliser.

Ensuite pour chaque stance, pour chaque souhait, il montre le processus à mettre en œuvre, fondé sur le discernement. Par exemple, pour rendre hommage aux bouddhas et aux bodhisattvas, il s’agit de bien connaitre leurs qualités, c'est-à-dire les caractéristiques du corps éveillé, les qualités de la parole accomplie et les multiples dimensions de l’esprit réalisé. Ce n’est que sur cette base que la confiance peut prendre place. Et qui dit confiance dit aspiration. D’ailleurs, en tibétain le mot souhait se dit mönlam, qui se traduit par chemin (lam) d’aspiration (mön). L’aspiration une fois posée, il nous faut parcourir le chemin afin de rassembler les causes et les conditions pour la réaliser.

Kongtrül Rinpoché présente parfois ce chemin à parcourir de façon inattendue. Il explique que si nous considérons notre propre esprit, deux roues sont possibles : celle du samsara ou celle du nirvana. Si nous demeurons dans le fonctionnement afflictif fait d’attachement et d’aversion, fondé sur la méprise et le manque de clarté, l’interdépendance continue à fonctionner malgré nous et génère toujours plus de souffrance ; c’est la roue du samsara. Par contre, si nous nous entrainons ànous libérer progressivement des afflictions et de l’égarement, alors nous « roulons vers l’éveil ». Pour rouler, il nous faut un chemin, c’est celui que propose le Dharma ; c’est la roue du nirvana.

Êtres ordinaires puis bouddhas

Parlant des bouddhas, Kongtrül Rinpoché explique qu’avant d’être des bouddhas, ils étaient des êtres ordinaires. Ils avaient des afflictions et faisaient des erreurs. Ils ont dissipé les défauts et purifié les négativités, ils ont parcouru le chemin et parachevé les accumulations pour réaliser l’état libre de tout défaut. Avant cela, ils ont émis des aspirations vastes pour accomplir le bien des êtres. Nous savons ce qu'il nous reste à faire…

Kongtrül Rinpoché raconte que, lorsque son maître lui enseignait ce texte des souhaits de Conduite Excellente, il lui disait : « Si tu te limites aux mots, tu fais une erreur. Il faut aller au sens, il est vaste et ne peut être compris juste avec les mots. On y parle de sagesse, de motivation pure, etc., mais au-delà de cela le sens est ineffable et inexprimable. Toi, tu regardes les mots, mais pour comprendre ce texte, il faut sortir dans le monde et regarder ce qui se passe. » Et Rinpoché ajoute : « Il est important de ne pas en rester aux mots, mais d’amener le sens dans notre expérience. Il s’agit de la pratique des bodhisattvas. Il faut aller dans le monde et accomplir l’activité des bodhisattvas. »

Et parlant des bienfaits, il conclut en disant que le bienfait de la pratique des aspirations n’est pas octroyé par quelque chose ou quelqu’un d’extérieur. C’est un phénomène naturel, qui est le résultat de l’interdépendance. Par exemple, quelqu’un qui est sous l'emprise de l’ignorance développe naturellement les afflictions. Si cette personne purifie son ignorance, naturellement les afflictions diminuent et elle obtient paix et bien-être. Ce n’est pas octroyé, mais c’est un processus naturel.

Nous ne sommes pas dépaysés : c’est bien d’étude, de méditation et de soutien aux autres qu'il s’agit. La voie des bodhisattvas reste celle que nous visons et à laquelle ces souhaits de Conduite Excellente nous convient.

Puntso, responsable du programme de Dhagpo.