"Le bouddhisme est un mode de vie par lequel nous développons les qualités de notre esprit.
C’est un mode de vie très particulier, car c’est une façon d’atteindre le bonheur
sans nuire à autrui."
LE XVIIe GYALWA KARMAPA, TRINLEY THAYÉ DORJÉ
"Le bouddhisme est un mode de vie par lequel nous développons les qualités de notre esprit.
C’est un mode de vie très particulier, car c’est une façon d’atteindre le bonheur
sans nuire à autrui."
LE XVIIe GYALWA KARMAPA, TRINLEY THAYÉ DORJÉ
Original video with the welcome message in English | Español aquí
Message de bienvenue de Thayé Dorjé, Sa Sainteté le XVIIe Gyalwa Karmapa, marquant l’ouverture des dix-huitième Kagyü Mönlam, du 16 au 22 décembre 2020.
► Retrouvez la vidéo d'origine (tibétain - anglais [10'34'']) ici
Bonjour mes chers amis du Dharma du monde entier,
J’aimerais vous souhaiter le meilleur et, en même temps, je voudrais saisir cette opportunité pour partager avec vous quelques-unes de mes pensées au sujet de la pratique du Dharma en général et des aspirations en particulier.
Je viens de dire quelques mots en tibétain à ce sujet et je vais à présent faire de mon mieux pour transmettre ces notions en anglais, à ma propre manière.
Ce que j’ai dit aborde principalement le fait de s’améliorer et de progresser. Même si les êtres ordinaires, comme nous-mêmes, ne sont pas particulièrement aptes à reconnaître le changement, nous utilisons ou pratiquons l’idée du changement chaque jour, mais souvent selon notre manière autodestructrice, oserais-je dire. Comment cela ? Je pense que presque chacun d’entre nous partage le souhait, l’espoir inné de vouloir devenir une meilleure personne. Cela est présent presque en chacun d’entre nous et se manifeste généralement sous la forme d’un désir d'accroître notre pouvoir, notre fortune et notre renommée, les critères mondains habituels par lesquels nous mesurons la bonté, le succès et la progression.
La pandémie actuelle a encore donné naissance aux mêmes formes de souhaits, ou aspirations ; nous voulons améliorer les choses, être plus en forme, en meilleure santé. Nous nourrissons le souhait fervent de dépasser ce défi pour revenir à un état de normalité, aussi vite que possible. Nous essayons aussi d’approcher la pratique bouddhique de la même façon ! Notre compréhension du bouddhisme nous conduit à croire qu'avoir pour objectif l’éveil pour nous-mêmes et pour les autres signifie que nous avons besoin de nous améliorer. Par conséquent, nous souhaitons, à nous-mêmes et aux autres, de devenir de meilleures personnes, libres d’émotions, d’ignorance, de pauvreté, de maladies et de toutes sortes de malheurs. Il nous est donc facile de développer une idée fausse et de penser que les méthodes bouddhiques font en quelque sorte écho à notre souhait de devenir une meilleure personne.
Cette opportunité des Kagyü Mönlam, lors de laquelle nous allons formuler des aspirations ensemble – à la manière des bouddhas et des bodhisattvas, espérons-le – peut nous permettre de réfléchir à certaines choses. Pourquoi voulons-nous nous améliorer ? Pourquoi voulons-nous être en meilleure santé ? Pourquoi voulons-nous accéder à un quelconque état, lieu ou monde, après la pandémie que nous imaginons exister ?
J’aimerais saisir cette opportunité pour partager quelques pensées à propos de ce dilemme. D’après ma compréhension, les êtres éveillés, ou bouddhas, n’ont jamais destiné à notre amélioration la connaissance et l’expérience qu’ils ont acquises et partagées avec nous. Cela n’a jamais été leur intention. Néanmoins, leur vie et l’enseignement qu’ils ont partagé ressemblent exactement à cela : ils ont réussi à devenir de meilleures personnes et ils nous montrent à présent la façon de faire la même chose. Il peut s’agir de la raison pour laquelle, après de nombreuses années de pratique, nous avons parfois l’impression que nous ne sommes arrivés nulle part. Au contraire [nous avons] même [l’impression] d’un retour en arrière.
Il est important pour nous, dans la vie en général et particulièrement dans le cas de la pandémie du Corona, de ne pas céder au désespoir, parce que nous pensons avoir failli dans nos efforts pour nous améliorer, et de ne pas nous enfermer dans un cercle vicieux, parce que cela ne nous sera d’aucun bienfait.
D’un autre côté, ce sentiment peut agir comme un signal : le bouddhisme est bien davantage que ce que nous avons pu en comprendre jusqu’à présent. De nouveau, il ne s’agit pas de nous ajouter plus de pression en supposant que nous avons gaspillé la précieuse opportunité de comprendre le Dharma du Bouddha. Cela signifie simplement que nous n’avons pas encore atteint la fin du chemin, pour ainsi dire, et qu’il y a davantage à comprendre à propos du Dharma du Bouddha que ce que nous avions imaginé [initialement]. Il est bien plus subtil que ce que nous avions pensé ou, en d’autres termes, il est bien moins sérieux que ce que nous avions pensé.
Il est bien sûr normal de vouloir nous sentir mieux, en meilleure santé et il est normal pour des bouddhistes de vouloir actualiser l’éveil. Cependant, pour révéler la chute de l’histoire dès le début, il n’existe personne qui puisse s’améliorer ou devenir mieux portant ! Personne ne peut actualiser l’éveil. C’est cette idée même qui nous bloque ; c’est ce sentiment de vraiment vouloir être éveillé qui bloque le fait de l’actualiser. C’est pour remédier à la confusion qu’il existe dans le bouddhisme le concept de la nature de bouddha ; il est censé nous fournir un répit, un peu d’espoir, mais est-ce quelque chose de réel ? Est-ce quelque chose de tangible ? Est-ce que cela est vraiment là ? Même les bouddhas pleinement éveillés ne l’ont jamais vue. Ils savent que, dans l’absolu, il n’existe rien qui soit la nature de bouddha. Ils comprennent qu’il s’agit juste d’un concept. Pourtant, ce concept est très utile, même s’il ne s’agit que d’un concept. Il nous donne un signal pour nous réveiller.
Cette nature de bouddha est souvent décrite comme la base de notre être, dans le sens où, si vous avez une base sur laquelle vous pouvez marcher, alors vous pouvez avancer. Peu importe ce qui se manifeste sur cette base, les bouddhas l’ont décrit comme apparaissant spontanément, abruptement, venant de nulle part, sans origine absolue. Cependant, quand les conditions sont présentes pour que ces concepts, ces apparences, qu'ils soient bons ou mauvais, positifs ou négatifs, se manifestent, ils nous apparaissent comme s’ils étaient réels. Et quand nous voyons des apparences que nous ne pouvons pas comprendre, comme les afflictions, la perte et la maladie, nous voulons les éliminer, nous en débarrasser et nous donnons naissance à l'idée de vouloir être une meilleure personne, de vouloir nous améliorer.
Afin de nous aider à dissiper ce doute et cette confusion, les êtres éveillés ont montré et véhiculé que la méthode pour vaincre ces concepts erronés est d’utiliser un autre concept appelé sagesse et de se concentrer dessus. Cette sagesse est présentée comme un potentiel en nous-mêmes qui est révélé par des pratiques comme les aspirations que nous allons accomplir pendant les prochains jours. Cependant, les bouddhas ont aussi transmis que ces méthodes de sagesse sont tout aussi spontanées. Ce sont aussi des concepts, tout comme le concept erroné de l’ego. Néanmoins, ils sont utiles quand il s’agit d’affaiblir les concepts malsains. Par conséquent, les concepts confus ainsi que la sagesse sont tous deux spontanés et tous deux abrupts. Cependant, si nous appliquons une de ces choses qui semblent opposées pour remédier à l’autre, cela dissipe la confusion. Pourquoi ? Parce que, lorsque vous découvrez que les choses auxquelles vous souhaitez remédier et le remède lui-même sont tous deux des concepts, ils disparaissent simplement.
Prenons un exemple pour illustrer cela : le fait de frotter deux bâtons de bois l’un contre l’autre pour créer une étincelle permettant de faire un feu qui finalement consumera les deux bâtons. Et la base pour ces deux concepts n’est autre que vous, moi, nous. Que nous l’appelions ego ou nature de bouddha, il s’agit de cette base neutre pourvue du potentiel de tout manifester, le positif, le négatif, le bon, le mauvais, gauche, droite, etc. Même si la nature de bouddha est un concept, il s’agit d’une idée utile à employer. Même si devenir une meilleure personne ou actualiser l’éveil n’existe pas, néanmoins, si nous voulons jouer avec ce concept, travailler avec ce concept et voir où il mène, l’idée que les êtres sensibles et nous-mêmes avons un potentiel, comme un potentiel primordial appelé nature de bouddha, est alors très utile. Cela nous aide à découvrir qu’il n’y a pas besoin de devenir éveillé. Conceptuellement, c’est pourtant possible.
J’ai toujours transmis à nos amis pratiquants du Dharma de ne pas prendre les méthodes bouddhiques trop au sérieux, mais cela ne signifie pas que vous ne devez pas les pratiquer. Je dis ou je suggère simplement qu’il est inutile de les prendre trop au sérieux, mais employez-les par tous les moyens, dans leur intégralité, rigoureusement, sans doute ni hésitation. Et si vous le faites ainsi, vous pouvez dissiper la confusion. Si vous êtes capables de pratiquer de cette manière, il est possible de « gagner quelque chose », ce quelque chose étant presque impossible à nommer. Le choix de mot le plus évident et préférable, je pense, est l’éveil, l’état éveillé, mais cela reste des mots. Cependant, si nous avons ce souhait profond de gagner quelque chose, je pense qu’il serait correct de dire que ce que nous pouvons vraiment acquérir, sur cette base de l’être, c'est dissiper la confusion. Il s’agit de la meilleure chose que nous puissions obtenir et c’est peut-être la seule chose que nous devions acquérir : la dissipation de la confusion. Que nous l’appelions « voir le dharmakaya » ou « réaliser la nature de bouddha », tout ce que nous gagnons ou acquérons en fin de compte est le fait de dissiper nos concepts : les concepts confus comme les concepts de sagesse. Lorsque ce travail est accompli, la sagesse elle-même n’en réclame aucun crédit ni ne revendique aucune gratification ; elle disparaît simplement et tout ce qui demeure est cet état dénué de confusion.
Pendant les Kagyü Mönlam, ce que nous essayons de faire pour nous-mêmes est de dissiper la confusion. Il ne s’agit pas de nous améliorer dans un quelconque domaine, cela n’a pas de sens ni d’utilité. En revanche, il y a peut-être du sens à dissiper la confusion, les afflictions. Pratiquer les méthodes de cette manière équivaut à souhaiter la longévité et le développement de ces précieuses méthodes pour que cessent toutes les conditions défavorables, comme les maladies et les catastrophes (qu'elles soient naturelles ou créées par l’homme) et pour l’épanouissement de tout ce qui est bon. J’espère donc que vous aurez tous la possibilité de vous joindre à moi pour formuler cette prière avec cet état d’esprit, sans avoir à réussir dans ce à quoi nous aspirons.
Merci beaucoup de m’avoir écouté.
Dhagpo Kagyu Ling
Landrevie - 24290 Saint-Léon-sur-Vézère - tél : 05 53 50 70 75 -
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