"Le bouddhisme est un mode de vie par lequel nous développons les qualités de notre esprit.
C’est un mode de vie très particulier, car c’est une façon d’atteindre le bonheur
sans nuire à autrui."

LE XVIIe GYALWA KARMAPA, TRINLEY THAYÉ DORJÉ

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Le 10 décembre 2022

  

Thayé Dorjé, Sa Sainteté le XVIIe Gyalwa Karmapa, partage le message suivant concernant les Kagyu Mönlam 2022.

 

Chers amis du Dharma,

Les Kagyu Mönlam de cette année seront les vingtièmes depuis le premier rassemblement contemporain des Mönlam, qui a eu lieu en 1994 à Lumbini, lieu de naissance de notre bouddha historique, le bouddha Shakyamuni, à l’initiative de Sa Sainteté feu le XIVe Kunzig Shamar Rinpoché.

De 1996 à 2019, nous avons eu la chance de pouvoir nous réunir une fois par an et faire nos prières d’aspirations dans le lieu le plus sacré, Bodhgaya, là où tous les bouddhas de notre Ère Fortunée atteindront l’état d’éveil parfait.

Puis, au début de l’année 2020, la pandémie de Covid a frappé et il est devenu impossible de faire de grands rassemblements internationaux. Cependant, cela ne nous a pas empêchés de poursuivre nos rencontres annuelles des Kagyu Mönlam – nous avons simplement adapté la manière dont ils se déroulaient aux nécessités de la situation : au lieu que les vénérables sanghas monastiques et les pratiquants laïcs se réunissent physiquement à Bodhgaya, les prières des Mönlam ont été menées localement, dans les environnements sûrs de nos monastères, en Inde et au Népal, et les pratiques ont été retransmises en direct depuis le monastère de Rumtek, afin que les pratiquants du monde entier puissent s’y joindre.

Cette année, bien que la situation de la pandémie se soit nettement améliorée, je sens qu’il est encore préférable de rester prudent. J’ai donc demandé à nos sanghas de mener une fois de plus les prières des Mönlam depuis leurs monastères respectifs, comme les deux années précédentes. Une retransmission en direct depuis Rumtek sera à nouveau assurée, afin que tous les pratiquants du monde entier puissent participer aux prières d’aspirations, où qu’ils soient.

J’estime qu’il est extrêmement précieux que nous ayons pu préserver ce rythme de réunion annuelle et pratiquer ensemble ces prières d’aspirations pendant de nombreuses années sans interruption, et j’ai confiance dans le fait que l’année prochaine nous pourrons enfin nous réunir à nouveau sous l’arbre de la Bodhi, à Bodhgaya.

Chers amis du Dharma, j’aimerais saisir cette occasion pour partager avec vous tous quelques pensées personnelles sur la pratique des souhaits :

Au moment des Kagyu Mönlam, qui se focalisent entièrement sur les souhaits et les aspirations, il semble que cette spiritualité spécifique que l’on appelle « le bouddhisme » mette particulièrement l’accent sur les prières d’aspirations, de telle sorte que nous pourrions avoir l’impression qu’il est très important de faire des souhaits, que nous devons faire des souhaits.

Puis, parallèlement à cela, nous pourrions commencer à nous demander : « Est-ce que les souhaits s’accompliront ? Quand se réaliseront-ils ? » Nous pourrions avoir des pensées telles que : « J’ai fait des souhaits bien avant de participer à un Kagyu Mönlam, bien avant d’avoir même entendu parler des prières d’aspirations. J’ai eu des aspirations toute ma vie, aussi loin qu’il m’en souvienne, et aucune ne semble s’être réalisée. »

Alors, est-il réellement important de faire des prières d’aspirations, ou devrions-nous simplement laisser les choses telles qu’elles sont ?

Je suggérerais que nous regardions les prières d’aspirations sous un angle totalement différent, en les considérant comme un luxe qui vient avec le fait d’avoir pris naissance en tant qu’être humain.

Qu’est-ce qu’une aspiration, qu’est-ce qu’un souhait ? Personne ne peut réellement mettre le doigt dessus j’imagine.

Mais ce que nous pouvons constater, c’est qu’il ne semble pas y avoir de place pour les aspirations dans ce que l’on appelle le monde naturel – ce n’est pas que la nature soit totalement « dénuée » de la beauté des souhaits ; mais voyez-vous les arbres, les rochers et les montagnes faire des souhaits ? Pas vraiment, j’imagine.

De la même manière, si nous sommes à l’aise avec l’idée d’êtres qui vivent dans les « états d’existence supérieurs » comme les états divins, nous devrions comprendre qu’ils n’ont pas réellement la possibilité de faire des souhaits.

De manière similaire, si nous naissons dans les états d’existence inférieurs comme l’état animal – il nous est peut-être plus facile d’entrer en relation avec eux, car nous pouvons les voir – nous ne voyons pas les animaux prier comme nous le faisons. Il me semble donc que nous pouvons dire sans risque qu’ils n’ont pas non plus ce luxe [de faire des souhaits]. Ils sont toujours sur le qui-vive pour survivre ; ils vivent d’instinct, pas d’aspirations.

Mais nous, en tant qu’êtres humains, nous avons le privilège de faire des souhaits ; nous avons ce luxe. Pourquoi ? parce que nous pouvons utiliser des concepts.ç

J’ai donc le sentiment que le bouddhisme met l’accent sur les aspirations, non pas parce que nous devons en faire. C’est plutôt parce que les êtres humains ont naturellement des aspirations dès leur naissance. C’est dans leur nature, cela fait partie de leurs habitudes. Pourquoi ? parce que les humains sont les maîtres des concepts. Les aspirations font partie des concepts, et donc les êtres humains feront des souhaits, et le bouddhisme va dans ce sens en disant « Pourquoi pas ? »

De cette manière, l’aspect « Mönlam » du bouddhisme montre que le bouddhisme ne nie rien, il va dans le sens de tout [ce qui se manifeste].

Et donc, ce que dit le bouddhisme, c’est que, puisque maintenant, cette fois-ci, nous disposons d’une brève période de temps comme être humain, nous n’avons pas besoin de nous retenir de faire des souhaits. Ce que le bouddhisme nous dit, c’est : « Allez-y, suivez votre nature, aspirez et faites des souhaits de tout votre cœur – mais faites des souhaits et des prières d’aspirations qui ne vous troubleront pas, qui n’apporteront pas d’émotions affligeantes. Faites plutôt de beaux souhaits, ayez de belles aspirations, qui seront apaisantes pour vous-mêmes et pour votre entourage. »

C’est donc ce que le bouddhisme nous encourage à faire et c’est pourquoi les bouddhas et les bodhisattvas passent des ères cosmiques entières à penser aux souhaits les plus beaux et les plus inspirants.

Et c’est pourquoi on appelle ces souhaits « la parole parfaite », car aucune de ces aspirations ne dit : « Mentez. Trichez. Tuez. Volez. » À la place, elles consistent uniquement à dire des choses comme « Souhaitez le bonheur. Faites des choses bienveillantes. Faites des choses bénéfiques. Faites des choses généreuses. »

En d’autres termes, le bouddhisme suit simplement notre penchant naturel d’êtres humains à faire des souhaits, à avoir des aspirations.

Et à nouveau, qu’est-ce qu’une aspiration ? C’est essentiellement un concept. C’est une manière de vivre, c’est une manière de vous exprimer. C’est une manière de vivre pleinement votre vie.

Alors, chers amis du Dharma, utilisons ces journées des Kagyu Mönlam pour pleinement exprimer notre nature humaine en nous joignant aux aspirations parfaites des bouddhas et bodhisattvas, sans aucun sentiment de mission à accomplir, sans aucun doute ou hésitation, mais avec une joie pleine et entière.

Pour conclure, je me réjouis de vous retrouver enfin tous en personne l’année prochaine, que ce soit en Europe ou en Inde. En attendant, pratiquez bien et prenez bien soin de vous.

Avec mes prières,
Sa Sainteté le XVIIe Gyalwa Karmapa Thayé Dorjé

 

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