Parole des maitres

Le refuge

Juil 1986

Revue Tendrel Dhagpo 10Extrait du Tendrel 10, Juillet 1986

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Ce texte fut écrit de la main de feu Sa Sainteté le XVIe Karmapa afin d’éclairer l’importance et la signification du vœu de refuge, base et aboutissement de tout l’enseignement du Bouddha.

Relatant d’abord les douze actes par lesquels un Bouddha manifeste le parfait éveil, Sa Sainteté démontre ensuite comment le refuge englobe les trois véhicules progressifs ou trois mises en mouvement de l’explication de la doctrine.

Par l’exposition des qualités des objets de refuge, Sa Sainteté donne toute sa portée à cet engagement qui demeure, sans cela, vide de sa signification essentielle. L’intégration parfaite de ces qualités équivaut en effet à l’obtention de l’éveil, aussi leur compréhension est-elle sans limite ; l’actualisation du refuge débouche sur la réalisation de la nature de l’esprit et des apparences. La démonstration se termine par l’explication de la bodhichitta, cœur même de l’éveil.

Le texte tibétain original est écrit de façon très dense et concise. Chaque mot est, à lui seul, un enseignement et suggère de multiples références. Il ne serait pas inutile de les méditer comme tels.

Avec respect, je me prosterne devant les glorieux Lamas qui sont l’essence des Bouddhas, du Dharma et de l’assemblée des Bodhisattvas. Ainsi notre maître lui-même, après avoir engendré l’esprit d’éveil, rassembla les accumulations1 durant trois ères incalculables, à l’issue desquelles il apparut comme gourou, fils de brahmane, du temps du Bouddha Kashyapa2.

Ayant transmigré, il prit naissance en tant que fils d’un deva3 du nom de Dampa Tok Karpo.

Alors que la durée de la vie humaine était de cent années, il vit, par sa connaissance divine, que les cinq facteurs propices à sa manifestation se trouvaient réunis. Il reconnut les êtres à convertir au moyen de la compréhension authentique, du but authentique et de l’action authentique, et assuma la forme d’une naissance humaine.

I. Les douze actes du bouddha

Il est dit : « Il quitte la sphère divine de Tushita, pénètre dans la matrice, naît, maîtrise les arts, jouit du monde, renonce, pratique les austérités, vient auprès de l’arbre de Bodhi, conquiert les maras, manifeste l’éveil, énonce l’enseignement et transcende la souffrance. »

Quittant les mondes divins, le Bouddha pénétra dans la matrice et se manifesta sous la forme d’une naissance humaine. Dès qu’il naquit, les dieux, accompagnés de musiques célestes, vinrent le baigner. Il se leva immédiatement, fit sept pas sur la vaste terre et, pointant le bras vers le ciel, déclara : « Je serai le sublime de ce monde. »

A l’occasion de cette naissance, les brahmanes, experts dans la compréhension des signes, furent consultés : « Il sera empereur universel ou bien bouddha » dirent-ils.

Il maîtrisa parfaitement les arts et les disciplines mondaines, puis il connut les fastes de la condition princière, entouré d’une reine et de serviteurs.

C’est alors qu’un jour, franchissant la porte du palais, il comprit l’inexorabilité des quatre grands fleuves de la naissance, de la vieillesse, de la maladie et de la mort. Abandonnant sa condition, il renonça parfaitement et devint un « sans-logis ».

Au milieu du jour, il demeura en méditation, au crépuscule il subjugua Mara, à l’aube il réalisa la véritable connaissance omnisciente et manifesta l’éveil.

II. La mise en mouvement progressive de la roue de la loi

À Bénarès, au parc des gazelles, il énonça les quatre vérités :
L’ignorance, à la façon d’une graine, est la cause de la maladie, c’est la vérité de l’origine ;
les fruits en sont les passions, semblables à la souffrance elle-même, c’est la vérité de la souffrance;
le remède, semblable à une médecine, est la vérité de la voie;
par sa puissance, cette voie délivre de la cause originelle et des passions semblables à la maladie, c’est le fruit ou la vérité de la cessation.

À l’adresse des pratiquants du grand véhicule, le Bouddha prêcha le cycle d’enseignements du bodhisattva, au lieu appelé « Montagne où se réunissent les vautours ». Ce cycle consiste en l’apprentissage de la pensée supérieure, l’apprentissage de la connaissance supérieure, et encore l’acquisition de la maîtrise de l’absorption méditative supérieure et enfin la maîtrise absolue, celle de la conscience primordiale auto-connaissante et discriminante.

Il révéla l’enseignement de façon vaste, profonde et inconcevable. Réfutant les théories erronées et la saisie réaliste, il pacifia l’identification au sujet et à l’objet, et démontra comment obtenir la conscience primordiale véritable.

Aux êtres de capacité intermédiaire, le Bouddha donna l’enseignement sur l’absence de caractéristiques intrinsèques.

A ceux dotés du potentiel supérieur qui montraient une compassion sans limite, il enseigna que la réfutation de la saisie dualiste par la vacuité n’était pas l’explication définitive et révéla les qualités ultimes qui sont l’autre aspect de la sagesse du dharmadhatu : la présentation définitive qualifiée. C’est l’enseignement nommé : explication parfaitement excellente4.

Par cette exposition de la doctrine sous forme de trois cycles successifs, et par l’immensité de sa sagesse compassionnée et de sa compréhension authentique, cet Enseignant établit un nombre illimité d’êtres dans l’état de bienfait et de bonheur.

III. Le refuge

Tous les êtres nés dans l’une des six conditions d’existence sont continuellement tourmentés par les afflictions ; tous ont perdu leur chemin, aveugles devant l’abîme, sans jamais pouvoir découvrir la protection qui les guiderait. C’est pour eux qu’est présent le pouvoir du refuge.

Ce pouvoir réside dans les trois sublimes, à l’exclusion de toute autre source de refuge.

C’est pourquoi il est nécessaire de prendre refuge en les trois rares et sublimes : les trois joyaux.

1. La manière de prendre refuge

Si l’on est atteint d’une fièvre et que l’on reste dans l’ignorance des qualités des trois joyaux, il est impossible que la fièvre disparaisse.

Cela tient à la nature des trois joyaux :

  • le Bouddha : l’éveil, accomplissement ultime et parfait de l’abandon et de la réalisation5. Le Bouddha est caractérisé par la conscience primordiale de la nature essentielle des phénomènes et par la vibration de la parole non duelle.
  • le Dharma : la voie qui est signifiée par la vérité de la cessation. Le Dharma est caractérisé par la pacification des concepts de sujet et d’objet, en quoi il est exempt d’attachement, et par l’activité illuminante qui cause la cessation des passions.
  • le Sangha : la noble communauté. Ce sont les êtres qui ont une connaissance exacte de la manière d’atteindre le but, et qui s’appliquent à le réaliser en s’engageant dans l’action vertueuse initiale, intermédiaire et ultime.

De la compréhension des qualités des trois lieux de refuge s’élève une foi indéfectible. Le refuge est issu de cette foi envers les objets authentiques, il agit comme le remède effectif. C’est ce que recouvre l’expression : être pris par la compassion des trois rares et sublimes.

Une fois pris par cette compassion des trois joyaux, on n’en est plus jamais exclu. Cette compassion qui prend les êtres est pourvue de l’activité illuminante qui ne rejette jamais, car elle est complètement affranchie de la dualité du sujet et de l’objet. Pour cette raison, elle est comparée à la mâchoire d’un crocodile.

2. Les bienfaits du refuge

Cette foi venant du fond du cœur est le remède approprié. Celui qui lie son être par le vœu de refuge et prend effectivement refuge, ferme les voies qui mènent aux abîmes des passions et qui provoquent la naissance dans les six classes d’êtres, que ce soit les états infortunés ou les conditions supérieures. Le fil de la voie de la libération est parfaitement tenu.

Ainsi, celui qui fait naître en lui-même le vœu authentique du refuge trouve une protection absolument infaillible contre toutes les souffrances.

Développant cette conscience, il pénètre complètement le sens du vœu de refuge. Ainsi, les situations négatives n’apparaissent plus comme telles en lui. Au contraire, les conditions adverses s’élèvent comme des alliées. Les maladies, les démons virulents, les persécutions et autres manifestations, lorsqu’elles adviennent, sont connues comme la maturation de causes antérieures, ou comme les actes accumulés sous l’influence de l’ignorance. Il ne demeure plus dans l’être de lieu où la souffrance se fixe.

C’est grâce à la confiance dans le caractère inéluctable de la rétribution karmique que ces circonstances apparaissent comme des alliées.

Lorsque quelqu’un prononce des paroles désobligeantes à notre égard, attribuons-nous en le blâme et voyons cela comme bénéfique. Lorsque nous sommes l’objet de paroles élogieuses, soyons confiants en les trois joyaux et développons davantage notre foi.
Bon ou mauvais, quoi qu’il s’élève, quoi qu’il apparaisse, tout cela doit être compris comme une interprétation projetée par notre mental. La nature de toute manifestation est la projection confuse issue du karma. Grâce à la force de notre confiance convaincue en l’absence d’origine intrinsèque, même si de mauvaises pensées s’élèvent telles que désir ou haine, gardons la tête froide sans nous laisser aller à les suivre.

En demeurant sur la voie pure de la patience, nous tiendrons avec certitude le fil du chemin du non-retour6.

Pour cela, il nous faut reconnaître la spécificité des lieux de refuge qui distingue la position bouddhiste des théories hétérodoxes7. Le Bouddha l’exprime ainsi : « Bien que l’on conçoive l’existence de tous les vœux, ils n’existent pas s’ils ne passent pas par le refuge. » Méditons-en le sens dans cet esprit-là.

3. Fondements et préliminaires au refuge

D’une manière générale, la totalité du corps des quatre-vingt-quatre mille enseignements est incluse dans l’entraînement au refuge, parachèvement complet de l’apprentissage spirituel.

L’orientation unique du Dharma consiste en la mise en application du refuge :

  • une seule orientation dans les préliminaires : pénétrer le sens du développement de l’esprit d’éveil ;
  • une seule orientation dans le corps de la pratique : pénétrer le sens de cette phase centrale ;
  • une seule orientation dans le fruit : assumer la maîtrise de l’activité éveillée résultante.

C’est la raison d’être du recueillement méditatif.

Puisque tous les enseignements du Bouddha se résument en l’intégration du refuge, n’en diminuons pas l’importance, mais aspirons vraiment à le tenir comme le cœur de la méditation. Ce faisant, nous deviendrons des êtres fortunés, capables de mettre en pratique l’essence du profond et saint Dharma.

3.1. Le précieux corps humain

Considérons au moyen de la cause, de l’exemple et du nombre, ce sublime support : le précieux corps humain doté des libertés et des acquisitions, si difficile à obtenir.

Maintenant que nous jouissons de cette opportunité exceptionnelle, ne laissons pas cette existence humaine s’épuiser en vain, mais soyons conscients de la nécessité de pratiquer l’essentiel, le saint Dharma qui lui donne son sens. Développons une aspiration fervente, ne restons pas à temporiser, c’est tout de suite qu’il faut pratiquer.

Pourquoi cela ?

Tous les phénomènes extérieurs et intérieurs, le réceptacle et l’essence, n’existent qu’en mode dépendant, conditionné. Ils n’ont pas d’existence autonome ou réelle, pas même pour un instant. En particulier la vie des êtres est transitoire, fragile comme une bulle à la surface de l’eau, et il est certain que la mort frappe soudainement.

A ce moment-là, ni nos proches, ni nos serviteurs, ni nos richesses, ni nos biens, ni personne ne nous est plus d’aucune aide. Lorsque nous errons seuls dans l’état intermédiaire, rien, hormis le Dharma, n’a plus de réelle utilité.

Il faut pratiquer dès à présent, avec grande diligence. Au moment de la mort, la force du karma rend impossible la concrétisation du moindre désir. Personne ne peut empêcher l’accomplissement inéluctable de la dynamique de la loi de causalité. Nous voyons la pleine maturation de nos actes, et le fruit suprême, médiocre, moyen ou inférieur devient manifeste. Les actes issus d’intentions vertueuses ou négatives produisent un résultat tangible. Par conséquent la cause à cultiver est la pensée vertueuse, fondée sur la compréhension authentique.

3.2. Le karma

La compréhension authentique est l’intelligence parfaite qui, remontant la chaîne des causes et des effets, perçoit clairement le mode de fonctionnement du karma et voit comment il est fondé sur l’ignorance qui saisit un soi là où il n’y a pas de soi.

Cette conscience juste du fonctionnement du karma conduit à la conception de la vertu. Il est dit que cette conception de la vertu est un acte mental qui, ensuite, s’exprime dans un acte physique ou verbal.

La compréhension authentique engendre la disposition d’esprit qui inscrit l’activité du corps et de la parole dans une dynamique positive. La reproduction de cette cause donne un résultat : l’obtention d’une condition supérieure d’existence et de l’état de certitude excellente8.

Cette intention, en vertu de la loi de rétribution karmique, rend l’acte positif au début, au milieu et à la fin et, en conséquence, elle est appelée intention positive.

Le Bouddha dit encore : « l’adoption de cette intention établit sur la voie du Dharma, selon les trois véhicules. Sa mise en pratique manifeste les causes et effets de la libération. »

En s’appuyant sur la loi infaillible de la cause et de l’effet, on s’appliquera à faire s’élever les huit qualités des naissances supérieures : « Par l’abandon de la malveillance, on obtiendra la longévité; par le fait d’honorer le Lama, on obtiendra une filiation supérieure; par la réunion de l’accumulation de mérite, on obtiendra de grandes possessions; par le fait de ne prononcer que des paroles pures, on obtiendra la crédibilité et ainsi de suite… » Mettons en pratique ces paroles dignes de foi.

Ces qualités sont les facteurs propices à la libération. Comme l’énonce la loi de causalité : « la cause est la pensée erronée qui s’élève de l’ignorance. La production d’un état d’esprit négatif est le mode d’expérience des six classes d’existence. L’adhésion à ce mode d’expérience est dénommée samsara. La nature du samsara est souffrance. »

De quelle manière ?

Le fruit est le résultat inéluctable d’une cause antérieure. La cause, ce sont les distorsions mentales qui, par leur répétition, conduisent au fruit – les six conditions d’existence et leur souffrance – dont il est impossible de prévenir la manifestation. Pour cette raison les grands maîtres kagyu accordent une grande valeur à la loi de rétribution karmique et en font le cœur de leur méditation. La raison de cette insistance tient à la nature du samsara qui ne peut jamais transcender réellement les trois types de souffrance9.

3.3. Futilité du samsara

Quelle que soit la condition, supérieure ou infortunée, dans laquelle on prend naissance, l’attachement à la réalité de l’expérience immédiate la transforme en seule souffrance.

La pensée suivante qui dit qu’il faut trancher irrémédiablement les amarres de cette vie est commentée ainsi par le vénérable Mikyeu Dorjé : « L’essence du détachement est le corps du glorieux Lama. »

Il est essentiel de s’établir dans la noble présence du corps du Lama, d’où viendra le détachement du samsara. Le même dit encore : « Lorsque la réalité est réalisée, la cause et l’effet s’élèvent comme vacuité. » Cela veut dire que dans la nature de la réalité (ou dharmata, l’essence des phénomènes) réside le mode d’être ultime.

« Lorsque l’essence des phénomènes est réalisée, la vacuité s’élève comme cause et effet. » C’est-à-dire que le mode de manifestation est la radiance de l’état de nature.

Dans l’état de conscience non illusionné par le mode apparent de la manifestation mais qui en perçoit la dimension réelle, réside le fruit : le corps d’éveil et la conscience primordiale. L’état de conscience qui ne réfute pas le mode apparent a pour fruit la souffrance des conditions infortunées.

Le Bouddha a défini ainsi le champ des défauts et des qualités. Il est celui qui a rejeté tous les obscurcissements de la saisie dualiste et qui a parachevé la sagesse des deux connaissances10.

Comprendre la dimension véritable des qualités de l’éveil comme étant le parachèvement excellent de l’abandon et de la réalisation, fait naître une conviction profonde : la reconnaissance de la supériorité du Bouddha par rapport aux enseignants hétérodoxes. On prend alors refuge sincèrement dans cet enseignant exceptionnel. On prend refuge de tout son être, certain qu’il n’existe pas de source de protection supérieure, sans plus chercher d’autre asile. Se diriger vers le refuge pourvu des quatre éléments nécessaires, c’est le refuge parfaitement qualifié.

3.4. L’esprit d’éveil

Comprendre ce qui est utile et ce qui est préjudiciable et, de là, aspirer définitivement à la libération du samsara est décrit comme « tourner l’esprit vers le Dharma.&nbsb;» Ensuite, ce Dharma doit devenir le Dharma réel, c’est-à-dire le chemin. Pour cela, il est nécessaire de pratiquer dans le courant de son être les deux aspects du précieux esprit d’éveil.

Si l’on souhaite une explication extensive, on se référera aux Six Ouvrages de la tradition kadampa, ou à la Grande Voie graduée du seigneur Tsongkhapa, ou encore au Joyau, ornement de la libération de l’incomparable Gampopa.

En bref, l’esprit d’éveil ou bodhichitta a deux aspects: un aspect relatif et un aspect ultime. L’aspect relatif est composé de l’amour altruiste et de la compassion ; il est également défini comme l’esprit d’aspiration et l’esprit d’application.

L’esprit d’aspiration est développé comme suit :
« Par le rappel de la bonté de tous les êtres, que je sais avoir été mes mères, je ferai en sorte qu’ils obtiennent l’état d’omniscience. »

L’esprit d’application consiste à mettre en œuvre ce souhait d’obtention de l’omniscience en s’engageant dans tous les aspects de la pratique du Dharma.

Cette mise en œuvre se fait selon trois degrés : au niveau personnel, au niveau du bodhisattva et au niveau tantrique.

L’essence de la voie de la libération personnelle est le renoncement, à travers les trois phases de la préparation, de la pratique véritable et de la conclusion.

L’essence de la voie du bodhisattva est la compassion, à travers les trois phases de la préparation, de la pratique véritable et de la conclusion.

L’essence de la voie tantrique est la conscience pure, à travers ces trois mêmes phases.

La spécificité de chacune des trois voies repose sur ce qui est à cultiver sur chacune d’elles. Les particularités de chaque voie sont respectivement : abandonner, transformer, connaître. Le fruit de ces aspects portés à leur maturité est l’esprit d’éveil ultime : sans origine, sans cessation, inconcevable, immaculé, clarté lumineuse.

En résumé, c’est la réalisation véritable de la nature de la conscience primordiale de la sphère des phénomènes ou dharmadhatu, qui transcende toute expression et tout raisonnement, et son intégration à travers une expression conventionnelle.

Par l’adhésion totale à ce précieux esprit d’éveil d’aspiration, quelle qu’en soit l’expression pratique, le résultat s’accomplit : le pratiquant demeure sur la voie, il est devenu comme un vaste trésor inépuisable.

Shantideva l’exprime ainsi dans l’Introduction à la conduite des bodhisattvas :

Lorsque quelqu’un assume parfaitement cette intention,
Dès cet instant, qu’il dorme ou qu’il soit insouciant,
S’élève une force de mérite continuelle,
Semblable à l’espace.

IV. Abandonner les causes de déchéance du vœu de bodhisattva

Elles se résument au fait de rejeter mentalement un être et d’entretenir des dispositions contraires à l’esprit d’éveil qui anéantissent le vœu.

Elles sont complétées par les quatre actions positives et leur contraire, et par les dix-huit transgressions racines qu’il serait trop long de développer ici. Si on le désire, on trouvera une explication détaillée de ce qui est à rejeter et de ce qui est à pratiquer dans les ouvrages de référence précités qui y apportent une réponse parfaite.

Cette composition se veut substantielle tout en évitant les développements.

Bien qu’il n’y ait pas matière à y regarder pour les êtres purs à l’intelligence supérieure, elle ne laissera pas indifférents les esprits inférieurs tels que le mien. Par une analyse fine, il est même possible qu’on la découvre conforme à l’Enseignement.

Notes

(1) L’accumulation de mérite et l’accumulation de sagesse sont les deux aspects à cultiver sur la voie. Leur perfection s’exprime en l’état d’éveil ultime du parfait bouddha, réalisation de la compassion et de la vacuité. Ces deux aspects sont l’intégration du positif relatif (mérite) et du positif ultime (sagesse). [↑]

(2) Kashyapa est le nom du troisième des mille Bouddhas de la présente ère ; il est le prédécesseur du Bouddha Shakyamuni. [↑]

(3) Deva signifie dieu mondain ; ici, dieu du monde du désir. [↑]

(4) Appellation traditionnelles des cycles successifs de l’enseignement du Bouddha. « L’absence de caractéristiques » correspond à l’explication de la vacuité, le deuxième cycle de la doctrine, et « l’explication parfaitement excellente » est le nom donné au troisième degré de l’enseignement qui énonce la nature de bouddha ou vacuité. [↑]

(5) L’excellence d’abandon naît de l’élimination des voiles du karma et des passions ; l’excellence de réalisation est la suppression des voiles des tendances fondamentales et de la connaissance. [↑]

(6) Le non-retour dans le cycle de l’existence conditionnée, la libération de la nécessité de renaître sous l’emprise du karma. [↑]

(7) Traditionnellement, ce terme fait référence aux systèmes indiens non bouddhistes. [↑]

(8) L’état d’arhat. [↑]

(9) La souffrance de la souffrance, la souffrance du changement et la souffrance de ce qui est conditionné. [↑]

(10) La connaissance du monde apparent ou compréhension juste du mode relatif de manifestation des phénomènes animés et inanimés ; la connaissance du mode réel ultime de la réalité. [↑]

Lama Guendune RinpochéEnseignement par lama Guendune Rinpoché