Dans sa dernière méditation pour notre époque, Thayé Dorjé, Sa Sainteté le XVIIe Gyalwa Karmapa, réfléchit sur le courage du personnel de santé et de tous ceux qui se trouvent en première ligne ou dans les coulisses.
Il n’existe pas de remède (absolu).
Dire cela dans un contexte spirituel peut sembler contredire la finalité même de la pratique spirituelle. Nous pouvons nous demander : « Pourquoi devrions-nous alors pratiquer ? »
En fait, la pratique spirituelle a pour finalité d’être un moyen de réaliser avec certitude que la tentative même de trouver un remède absolu est futile. Il n’existe aucun moyen. En réalisant cela, le patient reprendra paradoxalement courage. En outre, nous pouvons comprendre que, dans un contexte spirituel, la recherche de remèdes n’est qu’une méthode opportune, de même qu’on répond à un enfant qui ne cesse de demander : « On est bientôt arrivé ? » « Oui, on y est presque ! » – comme s’il existait un moyen de guérir la mort.
Mais c’est tout ce que l’on peut dire de cette chose appelée « un remède ».
Encore une fois, du point de vue du patient, cela signifie-t-il que nous devrions commencer à être stoïques et à pratiquer le fatalisme ?
La réponse directe est : « Non ! »
La réponse naturelle est : « Il n’y a pas de réponse. »
Quand nous considérons les innombrables médecins, infirmiers, aide-soignants, les systèmes qui les soutiennent, le système de santé tout entier – en résumé, toutes les personnes qui se trouvent en première ligne et celles qui œuvrent en coulisses – nous sommes témoins de leur courage et de leurs actes désintéressés. Lorsque nous leur demandons pourquoi ils font ce qu’ils font, même si leurs réponses individuelles peuvent varier, nous constatons qu’elles finissent par converger vers une réponse commune : essentiellement, ils ne savent pas vraiment. Et lorsque nous voyons qu’ils continuent à œuvrer malgré tout, notre cœur fond et nous sommes émus aux larmes.
Ainsi, outre le fait que la vérité fondamentale de la pratique spirituelle a pour but de nous montrer qu’il n’existe pas de remède, ces actes bienveillants offrent une vision très naturelle de la compassion. Les raisons et la logique d’un remède absolu avec lesquelles nous avons grandi dans nos différentes cultures ne s’appliquent pas. Pour représenter cela dans un cadre ordinaire, c’est comme si une personne muette essayait de mâchonner un message : même si ce mâchonnement peut n’être pas du tout éloquent, si nous l’écoutons attentivement le message peut être entendu et compris.
La compassion est un terme simple, il peut pourtant nous aider à expliquer la raison pour laquelle nous sommes touchés lorsque nous sommes témoins d’actes désintéressés de la part des personnes en première ligne et de celles qui œuvrent en coulisses. Ces femmes et ces hommes médecins savent qu’un remède peut être trouvé pour ceux qui survivent à cette pandémie, mais le schéma de l’existence humaine est tel que nous serons vite confrontés à un autre défi. Par ailleurs, ils savent que, pour les personnes gravement malades, leurs efforts et leur courage sont vains.
Pourtant, le rythme incroyable de leur cœur continue de battre pour une cause sans cause. Si leur exemple n’est pas une raison suffisante pour avoir confiance dans la pratique spirituelle, en particulier pour nous en tant que bouddhistes, je ne sais pas s’il y en a d’autres. C’est tellement frappant et clair. Aucun langage n’est nécessaire pour se sentir concerné par leur courage.
Alors, chers amis du Dharma, pratiquez avec bienveillance, sans pression pour trouver un remède absolu. Pratiquez simplement comme ces héros.
Mieux qu’un remède, chaque moment que nous vivons sera un hommage à ces guerriers. Ces guerriers sans cause.
Alors, quelle que soit la durée de notre vie, ce sera une vie bien vécue.