Plus d’un an après la disparition de Shamarpa (11 juin), alors qu’approche la date anniversaire de sa crémation (31 juillet), son souvenir est toujours aussi vivace dans l’esprit de ceux qui l’ont rencontré – de très nombreuses fois pour certains. Cependant, peu de gens ont eu la chance de le connaître aussi bien que Thinley Rinpoché qui, l’ayant fréquenté dès son plus jeune âge, l’a accompagné durant des années à l’occasion de nombreux voyages. Ce mercredi 8 juillet, il a accepté de partager ses souvenirs comme il l’avait fait, voilà plus d’un an, à Renchen Ulm.

Près de deux cents personnes ont répondu présentes à l’évènement – lequel se déroulait dans la grande salle d’enseignement de l’Institut qui, rappelons-le, a été inauguré il y a deux ans… précisément par Shamar Rinpoché. Car l’histoire de Dhagpo ne serait certainement pas la même sans l’activité de ce bodhisattva qui, en dépit de son rôle très prenant de co-détenteur de la lignée karma kagyü, a eu à cœur de venir très régulièrement y donner des enseignements et initiations. Cette année 2015, qui marque à la fois le premier anniversaire de sa disparition et les 40 ans de Dhagpo, est donc une occasion parfaite pour se remémorer avec gratitude l’œuvre de Shamar Rinpoché – pour le centre et le bien des êtres en général – ainsi que tout ce qu’il a enseigné et transmis.

Dans la grande salle de l’Institut, une grande photographie de Shamar Rinpoché trône devant un autel dressé spécialement pour lui. De l’autre côté, à la gauche du fauteuil de Thinley Rinpoché, diverses photographies ou images de tangka sont projetées sur un écran et viennent illustrer le récit de la biographie de Shamarpa. Thinley Rinpoché commence à parler d’une voix lente et grave devant une assistance qui paraît d’ores et déjà recueillie. Pendant trois heures il évoque la vie du XIV^e Shamarpa, depuis sa naissance au Tibet en 1952 jusqu’à son décès l’année dernière en Allemagne. En bon orateur, il n’omet pas de resituer dans leur contexte historique les lignées des karmapas et des shamarpas. Puis il dresse un portrait aussi précis que possible de Shamar Rinpoché, décrivant son activité à travers le monde, soulignant les difficultés qu’il rencontra, dépeignant certaines de ses multiples qualités – présence, simplicité, confiance, bonté… Mais tout cela n’a rien à voir avec un récit historique dépourvu d’âme : ici, c’est un disciple qui parle de son maître tel qu’il l’a connu et observé ! Des petites anecdotes étonnantes ou touchantes viennent d’ailleurs se greffer sur la trame de la biographie de Shamar Rinpoché.

L’assistance est concentrée ; de temps à autre, quelques rires attendris troublent son silence ; ici ou là, ceux qui se rappellent Shamar Rinpoché sont visiblement émus par ce qu’ils entendent. Dans l’esprit de chacun, des souvenirs personnels viennent certainement se mêler à ceux que Thinley Rinpoché partage avec tous. La biographie de Shamarpa prend quelquefois des allures d’enseignement lorsque Thinley Rinpoché évoque la nature de l’esprit, rappelle l’impermanence, ou encore glisse une allusion à la précieuse existence humaine et à l’importance de la mettre à profit maintenant.

L’hommage se poursuit l’après-midi avec une session de questions-réponses qui permet d’éclairer certains points de la biographie énoncée le matin même. Puis, pour conclure cette journée de recueillement et de souvenirs, les Souhaits de Conduite Excellente (Souhaits de Samantabhadra) – la fameuse « Reine des Prières » dont Shamar Rinpoché avait donné le commentaire – sont récités en groupe. Ils sont suivis d’une accumulation de la Prière de Prompt Retour pour Shamar Rinpoché – car c’est elle qui permettra de cultiver les bonnes dispositions pour pouvoir à nouveau être en contact avec sa grâce – tandis que tous défilent devant le petit autel dressé pour lui et y offrent une kata. La Prière pour renaître en Dewachen et la traditionnelle dédicace viennent sceller cette journée d’hommage.

On dit souvent que connaître la vie d’un maître permet de développer la confiance – en lui et en l’enseignement. Ce jour-là, Thinley Rinpoché a offert ce cadeau à plusieurs dizaines de personnes qui, en outre, avaient eu l’inestimable chance de rencontrer, dans cette vie, le bodhisattva qu’était Shamarpa.