Le vendredi 31 juillet, jour de pleine lune, marque la fin de la visite à Dhagpo de Thayé Dorjé, Sa Sainteté le XVIIe Gyalwa Karmapa. Au programme du jour : rabné (consécration) de l’Institut et de sa grande statue du Bouddha, puis commémoration de la crémation de Shamar Rinpoché par la pratique de Milarépa et l’Appel au lama de loin.
Le rabné (conjonction de termes tibétains signifiant « complet » et « emplacement ») est un rituel qui consacre un lieu lié à la pratique, qui le « rend complet » en quelque sorte. Il peut également concerner des objets, un autel, n’importe quel support à purifier. Le rabné de l’Institut est l’aboutissement d’un long processus commencé il y a des années, lorsque Karmapa et Shamar Rinpoché ont symboliquement posé la première pierre en 2002. Il est nécessaire pour que l’activité qui a déjà commencé à prendre place dans l’Institut puisse se déployer dans les meilleures conditions.
Dans la fraîcheur matinale, de nombreuses personnes se sont massées sur le parvis de l’Institut ou sur la pelouse alentour, tandis que d’autres font des tours de stoupa. La voix de l’oumzé, le maître de chant, résonne dans les haut-parleurs, permettant à tout le monde d’entendre le rituel en cours, à défaut de pouvoir y participer. Karmapa est assis sur son trône devant l’Institut. Au bout d’une heure, il met la coiffe jaune dite « de Gampopa » et se lève. Il est difficile de voir ce qui se passe, de saisir tous les détails de la scène, mais tout va bien puisque le rituel est entre les mains de Karmapa ; l’atmosphère qui règne autour du bâtiment est étrangement calme et douce. Comme toujours, la consécration se fait à l’aide de riz safrané.
En attendant la fin du rituel, la grande statue, dont le visage est à présent peint, est dissimulée aux regards grâce à un écran blanc. Elle est installée sur le tout nouvel autel en bois et attend de dévoiler ses nouveaux atours. L’écran se lève enfin, et l’or de la statue semble soudain illuminer l’Institut. Ici et là, on se dresse sur la pointe des pieds dans l’espoir de l’apercevoir. Même de loin, il paraît évident que ce n’est plus tout à fait la même statue ! Son sourire, son regard, tout paraît plus vivant. Son remplissage par des substances consacrées lors du rituel, qui a duré trois jours et s’est conclu lundi en présence de Karmapa, n’y est certainement pas pour rien. Presque seul dans la grande salle de l’Institut, Karmapa se tient devant elle, paré de cette fameuse coiffe jaune que portent tous les détenteurs de la lignée kagyü. Ce face-à-face, à la fois émouvant et inspirant, est à couper le souffle ! Manifestement, quelque chose de très fort se dégage de cette scène unique.
Les gyalings et le tambour accompagnent ce moment solennel. Puis, Karmapa descend au rez-de-jardin et passe dans les bureaux et la bibliothèque pour les consacrer, avec des pétales de fleurs cette fois. Enfin, il rejoint son trône pour la fin du rituel. La matinée se termine avec une photo de groupe devant l’Institut.
L’après-midi est dédié à la commémoration de la crémation de Shamar Rinpoché, qui a eu lieu à Shar Minub le 31 juillet 2014. Cela se fait, selon le souhait de Karmapa, à travers le gourou yoga de Milarépa, pratique qui, comme il l’a dit la veille, permet de connaître les qualités du maître et de s’y relier. Accomplir ce rituel en groupe, en présence de Karmapa et en lien avec Shamar Rinpoché, en démultiplie les bienfaits pour nous et tous les êtres que nous aspirons à aider.
Lorsqu’il entre pour la dernière fois dans le chapiteau, Karmapa murmure des prières, comme à chacun de ses passages, tout en adressant des sourires aux personnes qui l’entourent. Puis le rituel de Milarépa commence. Ceux qui ne le connaissent pas se contentent d’écouter ou de réciter des manis. Au cours de la pratique, Karmapa fait une pause pour dire quelques mots à propos du gourou yoga. Il rappelle qu’il nous exhorte à imiter les qualités d’un grand maître (ici, Milarépa). Il explique que nous devons essayer de devenir des récipients purs, aptes à contenir les mêmes qualités que celles du maître, puis à les faire émerger ensuite chez autrui. Après ces quelques mots, la pratique reprend.
Puis vient le moment de l’Appel au lama de loin. Le chant extraordinaire de l’oumzé, associé à la beauté du texte, vient directement toucher le cœur des pratiquants, le faisant vibrer d’émotion. Cette incroyable mélopée se poursuit pendant plus d’un quart d’heure mais le temps semble avoir suspendu son envol. Lorsque la prière s’arrête, c’est un peu comme un retour sur terre.
S’ensuit la consommation de la tsok, le festin d’offrandes consacrées lors du rituel. Tsok signifie « ensemble » en tibétain et c’est en effet un moment de partage pendant lequel les pratiquants se rassemblent et consolident les liens qui les unissent. Le bruissement des sachets individuels préparés pour l’occasion emplit le chapiteau pendant quelques minutes. Le rituel est ensuite conclu et laisse place aux offrandes du mandala, ainsi que des corps, parole, esprit, qualités et activité éveillés, comme lors de l’accueil de Karmapa lundi matin. Si la cérémonie a le même sens qu’à l’arrivée, à savoir le lien avec le maître et les qualités qu’il incarne, elle n’a pas tout à fait la même saveur. Cette fois, il s’agit également de remercier Karmapa pour tout ce qu’il a prodigué pendant ces cinq jours et aussi de requérir la poursuite de son activité pour le bien des êtres. Il y a en outre une visible émotion à le voir partir et l’espoir non dissimulé qu’il nous offre à nouveau, au plus vite, la douceur de sa présence.
Article préparé avec la contribution d’Emmanuelle Charenton.
Pour voir plus de photos, visitez l’album de la journée sur la page facebook de Dhagpo
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