Thayé Dorjé, Sa Sainteté le XVIIe Gyalwa Karmapa, continue de répondre aux questions de ses étudiants, cette fois à propos de la compréhension appropriée concernant les « formes » colorées et les visualisations élaborées qui se trouvent dans le vajrayana.
Si ces « formes » colorées ont une raison d’être, je la considère comme semblable au jeu d’un enfant, de la façon la plus authentique et respectueuse qui soit.
Les enfants font toutes sortes de choses qui n’ont aucun sens aux yeux des adultes.
Ils font de drôles de grimaces.
Ils courent et marchent à quatre pattes comme des animaux sauvages.
Ils poussent des cris stridents défiant toute imitation.
En tant qu’adultes, aussi nobles ou sophistiqués que nous pensions être, tout au fond, nous sommes curieux des enfants, comme s’ils étaient des sortes d’extraterrestres.
Nous sommes curieux de savoir comment ces petits êtres peuvent être ainsi.
Derrière nos comportements coincés, nous aimerions fouler le chemin des enfants.
Mais nous n’en avons pas le courage. Non, non !
Ce serait ridicule, pensons-nous.
Ce serait embarrassant.
Nous perdrions notre dignité et notre divinité. Comme ce serait infantile de notre part !
C’est vrai, prendre soin des sentiments des autres est une discipline, comme un code, pour les bodhisattvas. Les bodhisattvas respectent la société. C’est pourquoi, en général, ils se comportent de manière humble en société.
Il est important de ne pas se méprendre sur ce point en supposant que les bodhisattvas répriment leurs sentiments de quelque manière que ce soit. Ils voient qu’il n’existe rien d’inhérent à réprimer, il ne s’agit donc pas pour eux de se sentir gênés s’ils doivent s’exprimer ouvertement. Pourtant, ils se comportent respectueusement et humblement pour prendre soin de ceux qui peuvent entretenir de telles notions et inhibitions.
Toutefois, vis-à-vis d’eux-mêmes, ils n’ont nul besoin de se restreindre.
Le bienfait de la pratique du bouddhisme tient peut-être au fait que les méthodes de tous les yanas ont la qualité de libérer notre propre soi pour qu’il devienne enfantin.
C’est la raison de ces pratiques, sans objectif établi.
C’est pourquoi, que ces méthodes colorées soient bigarrées ou pas, elles sont pour moi intéressantes.
Il n’existe pas d’objectifs établis pour entrer en contact avec le Divin – tels que les bouddhas – par l’intermédiaire de moyens mystiques.
Ces moyens ne sont même pas mystiques – ils sont juste ludiques, enfantins si vous voulez, afin de nous affranchir de notre saisie égotique.
Il suffit de regarder ce que font les arbres et les nuages – vous ne pouvez prêter aucun but à leur jeu.
C’est ce que voient les véritables méditants.
Ils les considèrent comme des lignes directrices.
Nous ne devons pas nous inquiéter de perdre notre essence bouddhiste si nous nous ouvrons à nous-mêmes.
Les expériences apparemment agréables ne sont pas des objectifs auxquels s’accrocher.
Aucun enfant ne fait cela.
[Les enfants] semblent apprécier une chose et, l’instant d’après, ils passent à autre chose.
Même si nous croyons avoir une idée de ce qu’ils aiment vivre, cette idée ne peut pas vraiment être réutilisée pour leur faire plaisir, parce qu’ils ne sont pas dépendants de ces expériences agréables comme si elles représentaient des objectifs établis.
Des palais de lumière – un tel point de vue n’est-il pas intéressant ?
Des palais faits de sable – ou plutôt « des palais de sable », pas « faits de sable », sont vraiment des palais de lumière.
Ils sont aussi brillants et éclatants qu’ils peuvent l’être.
Lumineux et holographiques, ils ne peuvent être saisis.
Si néanmoins vous les saisissez, ils s’évanouissent en dunes miniatures.
C’est exactement ce à quoi ressemblent ces visualisations et ces méthodes : elles sont intangibles, même si elles semblent saisissables.
C’est pour cette raison ou de cette manière que nous pratiquons, en guidant avec douceur le sable pour qu’il se façonne sans motifs fixes, le laissant s’installer selon la forme qu’il prend, puis laissant ces formes être.
Pratiquer de telles méthodes dans le confort de notre maison ou dans nos grottes, au sens littéral ou symbolique .
Des grottes creusées par cette pandémie, si vous voulez.
Des frontières qui n’ont pas de réelles limites.
Nous méditons, nous nous synchronisons avec le courant de notre karma, tout comme s’écoulent le jour et la nuit.
Alors que les heures, les minutes et les secondes défilent.
Voir à quel point nous pouvons devenir créatifs ou fluides.
Sans nous soucier de sauver les autres et nous-mêmes, mais les sauvant néanmoins, sans pour autant les sauver comme un but établi et solide.
C’est peut-être la manière dont vous et moi nous pouvons comprendre ces moyens colorés.