Les 49 jours sont un temps de deuil, de pratique, d’assimilation de ce qui s’est passé. Cela doit être notre priorité à tous, y compris pour moi-même. Pendant cette période et au-delà, nous devons nous garder de toute pensée, parole ou action dictées par l’émotion, susceptibles de causer du tort ou d’engendrer un karma inutile. C’est donc un moment propice à la sagesse et à la responsabilité. À l’heure actuelle, nous devons nous concentrer sur la pratique, sur le deuil de perdre en cette vie notre grand maître. Nous devons apprendre de sa sagesse et de sa compassion, apaiser nos émotions et aller de l’avant ensemble dans la paix.
Le XVIIe Gyalwa Karmapa Thayé Dorjé dans un message adressé à ses disciples.
Ces 49 jours traditionnels de deuil et de pratique ont commencé le 11 juin à Renchen-Ulm en Allemagne, après le parinirvana de Mipham Chökyi Lodrö, le XIVe Shamar Rinpoché. Cela marque le début d’un voyage débordant de ferveur, de gratitude et de respect envers ce maître, enseignant et détenteur de la lignée. Il est celui qui a identifié, reconnu et éduqué le XVIIe Gyalwa Karmapa, et il est celui qui a enseigné sans relâche à travers le monde, guidant d’innombrables pratiquants et établissant des centres du Dharma et des lieux d’apprentissage, afin de préserver et transmettre les enseignements authentiques du Bouddha.
« Il existe différentes façons de faire son deuil. L’une d’elles consiste à pleurer une perte, ce qui est plutôt émotionnel en raison de l’attachement », explique Trinlay Rinpoché dans Kudung, The Final Flame, un documentaire de Tokpa Korlo sur le voyage de 49 jours de Shamarpa. Jigmé Rinpoché avait demandé à ce dernier d’être présent tout au long de ce voyage. Trinlay Rinpoché continue :
Nous sommes ici en présence d’un maître hautement accompli qui poursuit simplement son activité ; il n’y a donc pas nécessairement lieu d’être triste pour lui. Bien sûr, cela peut être triste pour nous parce que nous n’avons plus sa présence physique, mais cela ne signifie pas que nous ne bénéficions plus de sa bénédiction continue, et c’est surtout l’occasion pour chacun d’entre nous de pratiquer.
Nous retraçons ici ce voyage, relaté dans le documentaire inspirant de Tokpa, qui se souvient de ces 49 jours comme du moment le plus fort de sa vie. Comme l’explique le XVIIe Karmapa dans le film, l’expression « regretter quelqu’un » est plus justement traduite en tibétain par « se souvenir de quelqu’un ». Ce fut donc aussi un voyage du souvenir, exprimé à travers de nombreuses pratiques suivies par des milliers de fidèles dans les lieux d’apprentissage fondés par Künzik Shamarpa.
18 juin 2014
Le XVIIe Gyalwa Karmapa arrive à Renchen-Ulm pour rendre hommage à son maître, son père spirituel et détenteur de la lignée. Il se prosterne devant le kudung (terme honorifique désignant les restes d’un maître accompli) et médite assis à même le sol. Pendant son séjour, il guide des milliers de disciples et de fidèles dans les pujas et les prières.
21 juin 2014
Le kudung de Shamar Rinpoché est escorté hors du funérarium de Renchen-Ulm. Le Gyalwa Karmapa mène le cortège, marchant devant le corbillard, suivi de lama Jigmé Rinpoché. Des milliers de pratiquants venus du monde entier, dont de nombreux habitants de la région, suivent en silence, une rose rouge à la main.
22 juin 2014
À l’aube, Jamgön Kongtrül Rinpoché, Beru Khyentse Rinpoché, Shangpa Rinpoché, lama Sherab Gyaltsen Rinpoché, Nendo Rinpoché, des moines du monastère de Rumtek et d’autres monastères ainsi que des disciples sont présents à l’aéroport international Indira Gandhi pour accueillir le kudung avant son transfert au Karmapa International Buddhist Institute (KIBI) à New Delhi. Le Gyalwa Karmapa mène la procession pour placer le kudung dans la salle principale du sanctuaire. Jour et nuit, des gens venus de toute l’Inde affluent pour rendre hommage et prier devant le kudung de Shamarpa. Le Gyalwa Karmapa accomplit des pujas quotidiennes, accompagné de pratiquants monastiques et laïcs du monde entier.
La création du KIBI, souhaitée par le XVIe Gyalwa Karmapa, a été menée à terme par Shamar Rinpoché, qui l’inaugure en 1990, aux côtés du président indien de l’époque. Depuis lors, le KIBI propose un programme diplômant en études bouddhiques, comprenant des cours de philosophie, d’histoire, de religion et de langues, dispensés par des enseignants monastiques et laïcs hautement qualifiés. Par ailleurs, des cursus de méditation sont également ouverts au public. Le programme diplômant permet à de nombreux étudiants occidentaux d’acquérir une base solide en études bouddhiques et aussi d’enrichir leur propre pratique spirituelle.
1er juillet 2014
Le kudung quitte le KIBI pour être transporté par avion à l’aéroport de Bagdogra, dans le district de Darjeeling, au Bengale occidental. Le cortège progresse ensuite à pas de tortue pendant trois à quatre heures jusqu’à Kalimpong, sur les routes étroites et sinueuses qui traversent Siliguri et les contreforts de Mungpoo. Des milliers d’enfants, de femmes et d’hommes des villages environnants se pressent dans les rues, tentant d’offrir fleurs et katas au passage du corbillard richement décoré pour rendre hommage et en recevoir les bénédictions.
À son arrivée à Kalimpong, le kudung de Shamar Rinpoché est placé dans l’Institut bouddhiste de recherche et d’éducation Shri Diwakar Vihara. Des fidèles de toutes les écoles du bouddhisme affluent pour lui rendre hommage. Gyalwa Karmapa et les moines accomplissent des pujas en offrande, notamment la puja de Vajrayogini, les Cinq Divinités et la pratique de Chakrasamvara. Des moines de différents monastères du Sikkim, du district de Darjeeling et d’ailleurs viennent chaque jour pour accomplir des pujas et rendre hommage.
Fondé en 2002 par Künzik Shamar Rinpoché, ce shedra (lieu d’études supérieures) propose un cursus de dix ans en philosophie bouddhique. Les diplômés reçoivent le titre d’acharya et plusieurs d’entre eux vont chaque année enseigner dans des centres en Europe et aux États-Unis.
20 juillet 2014
Le kudung part pour Paro, au Bhoutan, témoignant des liens étroits qui unissent Shamar Rinpoché et la famille royale, qui le considère comme un guide et un enseignant vénéré. Sa Majesté Jigmé Khesar Namgyel Wangchuck, la reine mère Ashi Tshering Pemo, le premier ministre et des Bhoutanais dévoués rendent hommage au kudung de Shamarpa.
28 juillet 2014
Le voyage du kudung vers le Népal est retardé en raison de difficultés pour obtenir les autorisations et permis de voyage.
Même ces problèmes sont le souhait d’un bodhisattva ; grâce à cette circonstance, tout le monde a pu se connecter. Une fois le feu vert reçu, le kudung de Künzig Shamarpa arrive à l’aéroport Tribuhvan de Katmandou. Une fois de plus, des milliers de personnes se pressent dans les rues, depuis l’aéroport jusqu’au monastère de Sharminub, offrant fleurs et katas tout au long du parcours,
se souvient Jigmé Rinpoché dans le documentaire.
« Je n’oublierai jamais ; il y avait une foule immense à perte de vue, c’était incroyable », se souvient Tokpa. Le cortège transportant le kudung fait lentement le tour du stoupa de Swayambhu, devant lequel se trouve le monastère Sri Maha Vihar de Shamarpa. Le kudung est ensuite placé dans le hall principal de Sharminub, monastère, centre de retraite et institution d’enseignement fondés par Shamar Rinpoché – alors en construction.
Tous les moines karma kagyü, plus d’un millier, se sont réunis et ont accompli des pujas tous les jours. Entre 7 000 et 10 000 personnes venaient chaque jour de tout le Népal, des fidèles de différentes écoles bouddhistes – mahayana, theravada, vajrayana – et de différentes tribus,
se souvient Jigmé Rinpoché dans The Final Flame.
Des pratiques d’Avalokiteshvara et de Hevajra sont offertes. Trinlay Rinpoché se souvient :
Dès l’arrivée du kudung à Katmandou et jusqu’à la crémation, il y avait constamment des nuages aux couleurs de l’arc-en-ciel, ce qui était assez incroyable à voir, je n’avais jamais vu cela auparavant.
31 juillet 2014
Shamarpa avait demandé que sa crémation ait lieu au monastère de Sharminub. Les cérémonies de crémation sont dirigées par le XVIIe Gyalwa Karmapa et commencent par six pujas menées simultanément par différents maîtres bouddhistes éminents.
À l’avant, face au stupa de crémation, Karmapa dirige la puja de Gyalwa Gyamtso (sanskrit : Jinasagāra). Également à l’avant, face au stoupa de crémation, le maître sakya Luding Khen Rinpoché du monastère de Ngor dirige la puja de Kye Dorjé (sanskrit : Hevajra) avec plusieurs maîtres. Au sud, la puja de Mitrugpa (sanskrit : Akṣhobhya) est accomplie par Lektsho Lopön, du Corps monastique central du Bhoutan (Drukpa Kagyu). Au nord, Tsikey Chokling Rinpoché, de l’école nyingma, accomplit la puja du feu de l’Essence du cœur de Samantabhadra, Vajrasattva (tibétain : Dorje Sempa). Toujours au nord, Jamgon Kongtrül Rinpoché dirige la puja de Dorje Pamo (sanskrit : Vajrayogini). Au sud, Trungram Gyaltrul Rinpoché et Lopön Rinpoché (karma kagyü) accomplissent la puja de Korlo Demchok (sanskrit : Chakrasamvara).
Ces six pujas sont suivies par l’offrande de feu (tib. : Jinsek) du kudung : selon la tradition, le feu cérémoniel est allumé sous le stoupa par un jeune garçon qui n’avait jamais rencontré Shamar Rinpoché. À ce moment-là, vingt-sept oiseaux volent autour du stoupa en feu, ce qui est considéré comme un signe de bon augure. De nombreuses personnalités ainsi que des dizaines de milliers de fidèles venus du Népal, d’Inde et du monde entier, assistent à la cérémonie et défilent devant le stoupa de crémation pour offrir une kata et des prières.
Aujourd’hui, les reliques du kudung sont placées dans des stoupas, en France à Dhagpo Kagyu Ling et au Karmapa Institute, en Allemagne au centre Bodhi Path de Renchen Ulm, en Espagne au centre Bodhi Path de Valencia, aux États–Unis au centre Bodhi Path de Natural Bridge, en Inde, au Diwakar Academy de Kalimpong et à Pal Karme Sangha Duché à Rumtek, au Népal au monastère de Sharminub, au Tibet, à Yangpachen, le siège des Shamarpas, ainsi qu’à Taiwan au monastère Karma Kagyu, portant la bénédiction de ce maître hautement réalisé, manifestation dans ce monde du Bouddha Amitabha. À la fin du documentaire, on voit Karmapa esquisser un sourire en constatant :
Eh bien, il est partout maintenant. Encore une fois, c’est un enseignement d’un autre genre.
Le 31 juillet à Dhagpo Kagyu Ling
Ces photos proviennent de nos archives ou ont été recueillies dans le cadre des recherches pour les 50 ans de Dhagpo Kagyu Ling. Nous n’avons pas pu identifier tous les auteurs. L’utilisation des photos est à titre informatif dans le cadre de la célébration des 50 ans de Dhagpo Kagyu Ling. Leur usage est limité à cette actualité et à notre site et n’est pas à usage commercial
Événement
Pour commémorer cet événement, nous réciterons le Gourou Yoga du XIVe Shamarpa l’après-midi et en soirée, nous diffuserons le film Kudung réalisé par Tokpa Korlo (anglais, sous-titres français).
Ces photos proviennent de nos archives ou ont été recueillies dans le cadre des recherches pour les 50 ans de Dhagpo Kagyu Ling. Nous n’avons pas pu identifier tous les auteurs. L’utilisation des photos est à titre informatif dans le cadre de la célébration des 50 ans de Dhagpo Kagyu Ling. Leur usage est limité à cette actualité et à notre site et n’est pas à usage commercial
